>Une petite contribution au débat sur les nano-objets…. (1)

>Je ne comprends pas vraiment le débat sur les « nano-objets ». Alors, plutôt que de critiquer à la fois les critiques et ceux qui ne les prennent pas au sérieux, je m’en vais vous présenter certains de ces « objets » (nom absurde, ouvrant la voie à tellement de fantasme !!) que j’ai pu côtoyer de près durant ma (courte) carrière de chimiste.

Pour revenir à la base de la base, l’ordre de grandeur d’une liaison entre 2 atomes au sein d’une molécule, est d’environ 0,15 nanomètre. La définition d’un objet nanométrique nous permet donc d’affirmer que toutes molécules d’une dizaine d’atomes fait partie de cette terrible famille. Prenons le glucose, de formule C6H12O6. Typiquement, c’est un nano-objet !
Trêve de plaisanterie. Les nano-objets tants contreversés ont pour ordre de grandeur en général quelques dizaines, voire quelques centaines de nanomètre. On voit quand même là que la frontière entre les différents « objets » est tenue….
En chimie organique, (c’est-à-dire en chimie des molécules contenant principalement des carbones, hydrogènes, oxygènes, azotes plus deux trois exceptions), certains nano-objets ont la côte. Je vais parler içi de l’un d’entre eux, qu’on appelle « dendrimère ».

Tout le monde connaît les polymères. les plastiques. Ceux-ci sont constitués de longues, très longues molécules où un, ou deux motifs servent de briques élémentaires, et se répètent de milliers de fois. Suivant les propriétés souhaités, ces molécules sont bien régulières, ou au contraire s’enchevêtrent, sont liées entre elles… Voilà un petit schéma pour visualiser le tout :

Les briques élémentaires, c’est le nom après le « poly » : polycarbonate, c’est un polymère dont la brique élémentaire (monomère) est un carbonate. A vous de deviner ensuite avec polyester, polyméthacrylate de méthyle, polyamide, polystyrène, etc…
La nature n’est pas en reste… L’amidon, du « polyglucose », L’ADN ? une sorte de polymère à 4 briques de bases (les puristes me diront que c’est très très simplifiés, et ils auront raison), les protéines ? des polymères à 22 briques de base !
Passons maintenant aux dendrimères. Le principe est assez similaire : une grosse molécule, dont un motif est répété. C’est l’organisation qui est radicalement différente. Alors qu’on a une structure linéaire avec les polymères, les dendrimères s’organisent autour d’un noyau central, sur lequel « poussent » des branches, qui se ramifient. En voilà quelques représentations.

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1 et 3 : dendrimères de 2 ou 3 générations; 2 dendron; 4-5 : exemple de dendrimère; 6-9 : autres structures dendritiques.

De très nombreuses propriétés sont étudiées pour ces structures.
Voici quelques applications concrètes.
En biologie, ou en toxicologie par exemple, on a besoin de détecteurs très sensibles. Ceux-là sont constitués d’une partie qui reconnaît la molécule/l’antigène, liée à une autre partie, fluorescente. La fluorescence étant activé lorsque la reconnaissance a lieu.
Imaginons maintenant un dendrimère dont le coeur correspond à la partie « reconnaissante », et les extrémités à la partie « fluorescente ». Pour une molécule/antigène qui se lie, il n’y a pas un mais plusieurs fluorophore activé. D’où une sensibilité décuplée !
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Voici le schéma de base de ce que je viens de dire : en haut, un capteur classique. En bas, 8 fluorophores sont activés pour 1 seul substrat.
Le monde de la médecine aussi est intéressé par ces structures.
Par exemple, ils peuvent servir en chimiothérapie : les cellules cancéreuses sont très gourmandes en nutriments et en oxygène. Les tumeurs sont donc très vascularisées, et les pores qui permettent les échanges entre les cellules et les vaisseaux sont de tailles beaucoup plus importantes que pour les cellules normales. Les médicaments classiques contre le cancer sont en général de petites molécules capables de pénétrer toutes les cellules. D’où l’idée de « décorer » des dendrimères biologiquelement inertes, avec des molécules antitumorales. Le résultat pour l’une d’entre elle est stupéfiant : la doxorubicine est utilisé un particulier pour le traitement du cancer du sein, mais c’est un composé très toxique, et les doses administrées sont donc plutôt faible. De plus, le médicament est rapidement métabolisé, d’où une faible bio-disponibilité. En décorant des dendrimères de doxorubicine, deux effets bénéfiques sont apparus. L’agent anticancéreux restait plus longtemps dans la circulation sanguine, d’où une efficacité accrue pour la même dose, et de plus, la toxicité a chuté drastiquement, sans que l’efficacité diminue. (En fait, les chercheurs se sont plantés et ont donné une dose largement au delà des limites létales, et les souris étaient en pleine forme !).
On pourrait encore parler des essais menés pour faire des dendrimères de véritables enzymes artificielles, qui auraient la capacité de catalyser des réactions chimiques complexes, tout en selectionnant le substrat, des recherches sur la photosynthèse synthétique à partir de dendrimères photosensibles…Bref, ces « nano-objets » n’ont pas fini de faire parler d’eux !
Sources :
D. Astruc et al. Chem. Rev. 2010, 110, 1857-1959
C.C. Lee et al. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2004, 103, 16649-16654

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