Bon, quand vous connaîtrez le titre du livre que je vais vous proposer, vous allez au mieux glousser de façon compatissante, au pire, soupirer bruyamment… Oui parce qu’à première vue, il n’y a rien d’aussi ennuyant que ce livre. Et pourtant, je prétends qu’il est in-dis-pen-sa-ble. Il s’agit du fameux, grandissime, irremplaçable « Chimie Industrielle », de R. Perrin et J.-P. Scharff. LE Scharff et Perrin.
Pavé de plus de 1000 pages, sans aucune image colorée, avec des schémas rudimentaires, il ne fait pas drôle; ce bouquin. Et pourtant, il y a tout dedans. Depuis la fabrication de la plupart des matériaux et des composés chimiques les plus utilisés, jusqu’aux questions de propriétés industrielles, en passant par tous les procédés d’usinage des plastiques (et tellement plus encore !)
Je me doute que ça vous fait une belle jambe… Et la curiosité intellectuelle, merde ! Comment on fabrique l’aluminium, le silicium qualité électronique (et c’est quoi, d’ailleurs, cette « qualité électronique » ?), et d’où proviennent les minerais d’uranium ? Vous ne vous l’êtes jamais demandé ? Et les grandes entreprises du secteur chimique, quelles sont elles (quels sont leurs réseaux ? (ah, Twitter…)) ? Et les huiles essentielles, et les arômes, qu’est-ce que c’est, à quelles structures moléculaires cela correspond ? Comment fabrique-t-on les encres, les adhésifs ? Ces questions, vous ne les avez jamais eu en tête ?
Bon, si c’est le cas, sachez que tout cela, et bien plus encore, est dans ce livre. Et très très accessible, avec une bonne bibliographie pour aller plus loin. En fait, je vous avoue, ce livre a bonne place dans mes toilettes, au milieu de mes BD préférées. Et je le feuillette, plein de gourmandise intellectuelle, en entendant mes rejetons hurler que eux aussi, ils ont envie de faire pipi…[Hum,…]
Si ce n’est pas le cas, si ces questions sonnent creux en vous, il y a une autre utilisation, peut-être plus fondamentale à ce livre. Les sujets de société sur lesquels on est appelé à se positionner, en tant qu’enseignant, scientifique, et surtout simple citoyen, requièrent la plupart du temps, soit une confiance totale en nos humbles et raisonnables dirrigeants ou médias, soit beaucoup de jugeotte. Et ce bouquin, dans ce cadre là, est une mine.
Je me souviens par exemple, avoir cherché des réponses quant aux questions environnementales des produits d’entretien. En particulier, l’eau de Javel a très mauvaise presse, puisque « il y a du chlore, et le chlore, c’est mauvais, et l’industrie du chlore, ça pollue ». Alors que dans le même temps, l’eau oxygénée, c’est chouette, c’est cool, c’est écologique. Bon, et bien c’est dommage, mais les deux (eau de Javel et eau oxygénée) sont fabriqués de façon concomittente lors du même procédé industriel. Sans eau de Javel, pas d’eau oxygénée, et vis et versa !! Donc du coup, la méchante industrie du chlore (qui n’est pas si méchante que cela !) est indispensable à la gentille fabrique à oxygène !
Pour ce qui est des cours, ce livre est excellent aussi ! Niveau lycée, il y a tous ce qui concerne l’industrie des pigments et des colorants,( y compris une partie historique nécessaire et suffisante), accompagné de la juste dose de théorie et d’exemples. La partie sur la métallurgie et la corrosion devrait être utilisée par tous les enseignants de chimie générale de licence. Et caetera…
Je sais que je n’arriverais pas à en faire le Best-Of de l’été… Mais pour tous les curieux, l’avoir dans un coin de sa bibliothèque, à côté des cours de Feynman (électromagnétisme, mécanique,…), et de bien d’autres, c’est l’assurance d’avoir des éléments de réponse à tous les problèmes dans lesquels la chimie occupent une grande place.
Il y a seulement un hic, et j’admet, il est de taille. Les données n’ont pas été actualisée depuis le passage à au 3ème millénaire. A l’heure du Big Data, c’est très regrettable, voire inexcusable. Gageons qu’une 3eme édition (peut-être posthume, je n’ai pas vérifié !) paraisse, actualisée !
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