Tous les étudiants en licence de chimie vous le diront : lorsqu’on effectue une substitution aromatique sur un noyau « phénol », ce sont les positions « ortho » ou « para » qui sont favorisées. Et la position « meta » n’est globalement pas fonctionnalisable.
Quelques explications :
Le phénol est un produit très classique, très disponible, et sert souvent de « matière première » pour l’obtention de composés plus complexes. Il est constitué d’un cycle de 6 carbones (noyau benzène), et d’un groupe hydroxyle « OH », lié à un des carbones.
Lorsqu’on fait réagir le phénol avec d’autres composés pour obtenir d’autres groupes d’atome sur le cycle de carbone, 2 types de positions sont favorisées : les « ortho« , adjacent au carbone qui porte le -OH, et la « para« , qui se trouve en face. Par contre, la position « meta » est très défavorisée. Sans rentrer dans le détail du mécanisme de la réaction, lors de l’addition d’un nouveau groupe d’atome sur le cycle, une charge positive apparaît, déstabilisant l’ensemble de la molécule. Mais lorsque ce sont les positions « ortho » et « para » qui sont atteintes, la présence du groupe -OH permet de répartir cette charge sur l’ensemble de la molécule, ce qui permet de retrouver une certaine stabilité. Si c’est en position meta, ce n’est pas le cas, et la molécule reste trop instable pour permettre la réaction de se poursuivre.
Pour avoir accès à cette position, il faut donc souvent des trésors d’inventivité aux chimistes, plusieurs étapes supplémentaires, qui plombent les rendements, et l’accessibilité aux produits finaux.
Mais ça, c’était avant la publication d’une nouvelle méthode simple, ne nécessitant pas d’étapes supplémentaires, ni purification. Juste un peu de gaz carbonique.
Dans un article tout juste paru dans le Journal of the American Chemical Chemistry, une équipe de Londres vient de proposer une méthode toute simple : Pour orienter en « meta », on peut réaliser une première réaction avec du CO2, qui va s’installer en position ortho, et réaliser ensuite une seconde réaction (sans étape de purification intermédiaire), qui va permettre l’ajout d’un substituant en position meta exclusivement grâce à la première transformation. L’avantage, c’est que les conditions expérimentales pour réaliser la seconde réaction en meta provoque en même temps le départ du CO2. On se retrouve donc, en une étape, avec le phénol fonctionnalisé en position meta. CQFD !!
Pour aller plus loin :
1. Ce type de réaction est appelée une substitution électrophile aromatique. Si c’est appelé « substitution », c’est parce que le nouveau groupe d’atome va se substituer à un atome d’hydrogène, non dessiné sur les formules (chaque angle de ces représentations étant un carbone, qui fait 4 liaisons. Si seulement 3 traits sont reliés à un angle, c’est qu’il y a encore une liaison, non dessinée, avec un hydrogène). Vous pourrez trouver le mécanisme de cette réaction sur wikipédia. L’intermédiaire chargé qui explique la sélectivité ortho ou para est l’intermédiaire de Wheland…
2. Cela fonctionne lors de réactions catalysées par des complexes de Palladium, que l’on appelle des arylations C-H, où un groupe « aryle » (c’est-à-dire un groupe d’atomes qui contient un noyau benzène ou assimilé) va se substituer à l’hydrogène.
3. Pour les détails expérimentaux :
« Overriding Ortho−Para Selectivity via a Traceless Directing Group Relay Strategy: The Meta-Selective Arylation of Phenols » J.Luo et al., J. Am. Chem. Soc. 2014 ASAP