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Réchauffement climatique et rififi dans les couples pollinisateurs/fleurs

A cause du réchauffement climatique, des changements physiologiques importants peuvent se produire dans les espèces animales, et tout particulièrement chez les insectes. Changements permettant de mieux survivre aux évolutions environnementales…

Une équipe américaine a travaillé sur deux espèces de bourdons (Bombus balteatus et Bombus sylvicola) en milieu alpin. Ces insectes pollinisateurs ont, ou plutôt avaient, la particularité d’avoir une trompe longue, ce qui constitue un avantage évolutif pour collecter efficacement le nectar des fleurs présentant une corolle longue, en tube. Les scientifiques se sont aperçus qu’en 40 ans, la trompe de ces espèces s’était raccourcie de 26 % en moyenne, passant, globalement, de 8 à 6 mm chez B. balteatus et de 6 à 4 mm chez B. sylvicola.

Bombus Balteatus (crédit : D. Sikes)

Bombus Balteatus (crédit : D. Sikes)

Différences hypothèses ont été évaluées, comme par exemple un changement dans la proportion fleurs au tube court versus tube long, un changement morphologique global de ces insectes (leur taille qui diminuerait), ou une concurrence accrue avec de nouveaux pollinisateurs.

Pour les auteurs de cet article, il faut plutôt chercher du côté de la raréfaction globale des fleurs dans les alpages, qui favorise des insectes plus polyvalents (c’est-à-dire, ici, des insectes à la trompe plus courte).* En effet, en raison du réchauffement climatique, particulièrement sensible en haute altitude, les étés sont devenus plus chauds et plus secs, ce qui a provoqué une diminution spectaculaire du nombre de fleurs. A titre d’exemple, sur un des sites étudiés, « Pennsylvania Montain » dans les Rocheuses, entre 3600 et 3900 m d’altitude, la quantité de fleurs a diminué de 60 % en 40 ans.

Ce sont les insectes aux trompes courtes qui sont les plus polyvalents (contrairement, d’ailleurs, à ce que je pouvais imaginer). Le raccourcissement des trompes de ces deux Bombus leur a permis d’atteindre une plus grande diversité de fleurs, compensant ainsi, en partie, la disparition de leur stock de nourriture.

Les résultats de cet articles sont à la fois encourageants et inquiétants :

  • d’une part, ces espèces ont évoluées très rapidement afin de s’adapter aux modifications liées au réchauffement climatique, ce qui permet d’espérer que les pollinisateurs arrivent à « encaisser le coup » de la modification drastique et rapide du climat.
  • Mais d’autre part, la contrepartie de cette évolution, c’est la « déconnection » (traduction libre et personnelle du « mismatch » de la publication) des espèces entre elles : les bourdons et les fleurs d’alpages sont liées par une interaction de type « mutualisme », c’est-à-dire qu’elles tirent partie, chacune, de l’action de l’autre : le bourdon se nourrit, la fleur se reproduit. Une modification de l’une des espèces peut donc mettre en danger l’autre ! Ici, les bourdons pourraient polliniser de façon moins efficace les fleurs à long tube, en étant moins spécifiques de ces fleurs… Et ainsi conduire à la fragilisation de ces espèces.

Pour l’instant, il n’a pas été observé de modifications dans les proportions entre les espèces florales à tube plus ou moins long. Mais il me semble qu’il serait peu étonnant que des évolutions brutales survenant sur une espèce puissent laisser sur le carreau certaines de celles qui en dépendent.

 

(*) Evidemment, ils ont invalidé les hypothèses précédentes : pas de modification de la proportion fleurs à tube long/ fleurs à tube court ; Pas de modification de la taille de l’insecte ; Pas de nouvelle concurrence avec les nouveaux pollinisateurs.

« Functionnal Mismatch In A Bumble Bee Pollination Mutualism Under Climate Change » N. E. Miller-Struttmann et al. Science 2015, 349 (6255), 1541-1544.

[Flash Info Chimie] #25 stocker l’hydrogène, tout en fixant le gaz carbonique

Dans la lutte contre le réchauffement climatique, deux problématiques se font face :

  • La mise au point d’alternatives énergétiques aux énergies fossiles, qui produisent en particulier du dioxyde de carbone, gaz à effet de serre
  • La séquestration de ces gaz à effets de serre, pour limiter, voire, rêvons un peu, diminuer leur quantité dans l’atmosphère.

Parmi les alternatives au charbon, pétrole, et autre gaz naturel, il y a le dihydrogène. Celui-ci est relativement facile à produire, même si cela demande beaucoup d’énergie (énergie que l’on peut obtenir avec du nucléaire, ou mieux, avec du solaire photovoltaïque, thermique, ou, même directement à l’aide de systèmes photosynthétiques artificiels). Le problème, c’est qu’il s’agit d’un gaz, extrêmement inflammable, et qui a la bonne idée de s’adsorber sur la majorité des métaux, ce qui le rend encore plus réactif et explosif. Le stockage du dihydrogène est donc actuellement un des obstacles majeurs à son utilisation.

Parallèlement à cela, les scientifiques cherchent des moyens pour séquestrer efficacement le CO2. On peut le stocker dans des couches géologiques stables, le transformer en carbonate, l’absorber dans des matériaux divers… Le problème, c’est que cela coûte cher, ou que les technologies ne sont pas encore suffisamment avancées pour être sûres et efficaces.

Dans le journal Angewandte existe une rubrique « Highlights » qui présente « l’état de l’art » sur un sujet, un produit, une technique en un court article de 2 pages. Ici, il s’agit de mettre en lumière des travaux qui permettent de combiner séquestration du CO2 et stockage du dihydrogène.

On peut, en théorie du moins, combiner du CO2 et du H2 pour former de l’acide formique :

formicacid

L’avantage, c’est que l’acide formique peut servir comme combustible directement, ou facilement redonner du dihydrogène. On sait le stocker, le transporter sans soucis. L’inconvénient c’est qu’il faut un catalyseur, ou autrement dit un « facilitateur » de la réaction, pour que celle-ci fonctionne, soit rapide, sans qu’il soit nécessaire de chauffer, de compresser, etc… Bref, sans qu’il soit nécessaire de consommer (trop) d’énergie !

Depuis quelques années, de nouveaux catalyseurs ont été proposés. Les premiers nécessitaient des hautes températures et pression, mais aujourd’hui, il en existe à base d’iridium (20 000 €/kg), et surtout de cobalt (30 $/kg ) et de fer (0,12 $/kg), qui permettent des réactions à température ambiante. Si leur utilisation à des échelles industrielles n’est pas tout à fait d’actualité, les preuves ont été apportées qu’il est possible de réaliser cette réaction à température et pression ambiante.

Plus récemment encore, des enzymes issues de bactéries de type Clostridium, Candida, ou encore AcetoBacterium (des déshydrogénases ou des reductases) ont permis d’avoir des résultats encore plus spectaculaires en terme d’efficacité, tout en étant réalisable à grande échelle.

Si cette technologie permet effectivement un stockage efficace du dihydrigène, pour moi, on ne séquestre pas vraiment le CO2 : simplement, on va utiliser celui qui est déjà présent dans l’atmosphère, avant de le réjeter. Contrairement à la photosynthèse par exemple, où il est effectivement converti (« réduit ») en des espèces chimiques valorisables d’un point de vue énergétique et/ou chimique, il ne sert ici que d' »appoint ». C’est déjà mieux qu’un autre moyen de stockage du H2, certes, mais le terme « séquestration » devrait être réservé à des technologies pouvant permettre de diminuer la quantité de CO2  dans l’atmosphère, ou de moins en émettre, en le stockant dès sa production par l’industrie ou les transports…

« CO2 Fixation through Hydrogenation by Chemical or Enzymatic Methods » M. Beller, U.T.Bornscheuer Angew. Chem. Int. Ed. 2014, 53, Early View