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Les plantes, et leurs poisons (9): Le colchique d’automne

Colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent, Colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été…

Colchique d'automne (Wikipédia)

Colchique d’automne (Wikipédia)

Une belle petite fleur qui apparaît ces jours-ci dans nos campagnes… Et qui contient un poison assez sympa…La colchicine.

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Cette molécule est un inhibiteur de la polymérisation de la tubuline, et à ce titre, est un poison notoire (la DL50 chez la souris est d’environ 6mg/kg par voie orale). A ce titre, elle est aussi très utilisée en médecine, et est une source d’inspiration pour la recherche de nouveaux anti-cancéreux.

Mais n’allons pas trop vite. La tubuline, ou plutôt les deux tubulines α et β sont des protéines qui vont polymériser pour former les microtubules. Ah, vous êtes bien avancés maintenant que je vous ai dit ça ! Bon, les microtubules sont les autoroutes des cellules, sur lesquelles vont se déplacer des kinésines qui vont transporter des vésicules d’un bout à l’autre de la cellule. On le voit très bien sur cette vidéo in vivo, assez remarquable :

Et, pour une assez amusante vue d’artiste de ce transport, vous pouvez aussi regarder celle-là :

Et au delà de ce « simple » transport de vésicules, ce sont les microtubules qui forment le fameux fuseau mitotique, nécessaire au transport des chromosomes lors de la mitose, c’est à dire de la division cellulaire :

Le fuseau mitotique apparaît dans cette vidéo en blanc, prend en charge les chromosomes, et provoque leur migration le long de ces filaments de microtubules jusqu’aux deux centromères, à proximité desquels les noyaux des deux cellules filles vont se reformer.

L’inhibition de la formation de ces microtubules est extrêmement toxique pour la cellule : elle ne peut plus se diviser, et le transport des vésicules n’est plus guidé dans le cytoplasme.. La stabilisation de ces macro-molécules peut aussi être fatale : en fait, ce polymère des tubulines « se fait » et « se défait » en permanence, et le blocage de l’un ou l’autre de ces processus empêche les microtubules d’être opérationnelles.

Ainsi, on a identifié plusieurs composés qui interagissent avec les tubulines pour stabiliser, ou déstabiliser le polymère. On avait déjà parlé ici du taxol, qui est un stabilisateur des microtubules. Il y a maintenant la vincristine, et ainsi la colchicine, qui bloquent la polymérisation, en s’insérant entre les tubulines α et β :

Les boules roses sont les atomes de la colchicine. De part et d'autres, les tubulines a et b (source : wikipédia)

Les boules roses sont les atomes de la colchicine. De part et d’autre, les tubulines alpha et beta  (source : wikipédia)

Si la vincristine, et le taxol sont utilisés en chimiothérapie contre divers cancers, la colchicine a des indications bien plus larges. Sa déstabilisation des microtubules ayant des conséquences sur la mobilité cellulaire, elle inhibe l’activité des neutrophiles, et ainsi a des propriétés anti-inflammatoires.

Disons que dans la nature, il y a des poisons plus ou moins utile. La colchicine fait partie de ceux dont la médecine n’aimerait pas avoir à se passer.

 

Les plantes, et leurs poisons (8) : les algues Gambierdiscus Toxicus

On va quitter nos contrées, et même la terre pour ce nouvel épisode (voir les précédents là ) sur les poisons issus des végétaux. Rendez-vous dans les eaux limpides de la Polynésie Française. On peut y trouver des poissons magnifiques et intriguants, comme le « Maïto », appelé aussi poisson-chirurgien strié.

Poisson Chirurgien Strié (Photo : Bernard Dupont)
Poisson Chirurgien Strié (Photo : Bernard Dupont)

Ce poisson, et quelques autres paisibles brouteurs d’algues, ainsi que leurs prédateurs (mérou, murènes, barracuda pour ne citer que les plus connus) sont responsables de terribles intoxications alimentaires, appelés « Ciguatera« . Démangeaisons terribles des mains et des pieds, convulsions, faiblesse musculaire, diarrhées et vomissement, et hypotension et bradycardie en sont quelques symptômes. On doit à James Cook, en 1774, la première description :

« Cet après-midi, un des naturels, ayant harponné un poisson, mon secrétaire l’acheta et me l’envoya après mon retour. Il était d’une nouvelle espèce, un peu comme un poisson-soleil, avec une grosse tête longue et hideuse. Ne nous doutant pas qu’il pouvait nous empoisonner, nous donnâmes l’ordre de l’apprêter pour le souper. Mais par bonheur il fallut si longtemps pour le dessiner et le décrire qu’il n’était plus temps de le faire cuire, de sorte qu’on n’apprêta que le foie et les rognons auxquels monsieur Forster et moi goûtâmes tout juste. Vers trois heures du matin, nous nous trouvâmes atteints d’une extraordinaire faiblesse et d’un engourdissement de tous les membres. J’avais presque perdu le sentiment du toucher et je ne pouvais distinguer, entre ceux que j’avais la force de soulever, les corps lourds des légers. Un quart d’eau et une plume avaient le même poids pour ma main. Nous prîmes tous les deux de l’émétique et après cela nous fîmes une suée qui nous apporta beaucoup de soulagement. Le matin, un des cochons qui avait mangé les entrailles fut trouvé mort. »

Le soucis, de plus, c’est qu’on estime à au moins 50000 personnes par an souffrant de Ciguatera. L’incidence, en Polynésie française, est de 5 pour 1000 !

Et, cela risque d’augmenter encore. En fait, il faut bien voir que tous ces poissons sont responsables de ces intoxications… Mais pas coupables ! La coupable, c’est une algue microscopique, Gambierdiscus Toxicus. (Ouf, il s’agit bien d’un végétal, je ne suis pas hors sujet ! Update : Dites les biologistes, c’est bien un végétal, non ? J’ai comme qui dirait un gros gros doute…)

Ces micro-algues prolifèrent sur les récifs de coraux morts. Lorsque, pour des raisons naturelles ou humaines, des coraux meurent, ils sont colonisés par des algues, sur lesquelles prolifèrent les espèces Gambierdiscus. Avec une accélération du processus de blanchiment corallien ces dernières années [1], tout porte à croire que la Ciguatera risque de faire de plus en plus de victime !

Venons au coeur du problème : les toxines de ces algues vont s’accumuler chez les poissons herbivores, mangés par les poissons plus gros, qui à leur tour… Bref, toute la chaîne alimentaire marine contient ces toxines, et lorsque l’homme veut se faire un petit Barracuda en brochette (de 2 mètres, la brochette !), il devient sacrément malade…

Alors, ces toxines ? Elles sont MA-GNI-FI-QUES ! Enfin, pour un chimiste ! Une merveille de simplicité (toute relative) apparente, et de complexité ! Voyons cela de plus près :

Ciguatoxin

C’est ce qu’on appelle une molécule poly-ether cyclique. Ether, c’est parce qu’il y a des oxygènes liés à deux carbones : on les voit, dans chaque cycle. Et là, le préfixe « poly » semble évident. Cyclique… ça se voit aussi ? La simplicité apparente réside dans la répétition du motif …-C-C-O-C-C-O-… (Si si, regardez bien.. Le reste ne semble être que quelques fioritures par rapport à cette organisation) dans tous les cycles accolés. Et pas d’atomes d’autre nature que carbone, oxygène, et hydrogène. Trop facile, quoi [2] !

Le soucis, c’est que chaque cycle est différent, ou presque : parfois 6, 7, 8, et même 9 liaisons par cycle. Avec de plus des jonctions qui font apparaître des carbones assymétriques, qui semblent s’enchaîner sans ordre pré-établis [2]. Un sacré défi pour les chimistes qui tentent de la reproduire en laboratoire ! La première synthèse totale de cette espèce chimique date seulement de 2001 [3].

il en existe plus d’une dizaine de « ciguatoxines » et leur toxicité est tout à fait honnête : une dose létale chez la souris de 0,4 µg/kg (en injection intra-péritonéale). 1 gramme peut ainsi tuer environ… 40000 personnes ! Elles agissent au niveau des cellules nerveuses, en bloquant des canaux à sodium, causant la création en continu d’un signal nerveux, qui provoque troubles neurologiques, cardiaques, et digestifs. Je souhaite saluer ici la page du Wikipédia francophone sur la Ciguatera, qui est particulièrement complète, (et beaucoup plus que son équivalente anglophone)

Mais je garde le meilleur pour la fin. La crème de la crème, le graal de la synthèse totale en chimie organique, LA molécule qui fera du chimiste l’égal de la nature (Je sais, je sais, j’exagère…). Ce micro-organisme produit aussi la Maïtotoxine. Cette molécule est simplement la plus grande molécule non-polymérique jamais découverte. De toxicité 3 à 4 fois plus grande que celle de la ciguatoxine, elle est réellement impressionnante. Attention les yeux :

Maitotoxin

Alors, qui dit mieux ? Ce polyether, de la même famille que les ciguatoxines, ou encore de la brevetoxine, une autre molécule naturelle produite par des micro-algues, est tout bonnement hallucinant. Pour l’instant, aucune équipe de recherche dans le monde n’a réellement entrepris de tentative de synthèse totale. Trop long, trop cher, et juste pour la gloire, puisque le potentiel thérapeutique de ce type de bio-toxine est limité. Mais enfin, quand même, il fallait absolument que je vous la montre !

Notes :

Merci à Wikipédia !

[1] Petit billet que j’ai écris sur le blanchiment des coraux

[2] Pour une initiation à la représentation des molécules : ici, et  pour les carbones assymétriques

[3] Article de Science : http://www.sciencemag.org/content/294/5548/1904.short

 

 

les plantes et leurs poisons (5): le ricin

Le ricin (Ricinus communis) est une jolie plante ornementale, avec de larges feuilles découpées vertes-rouges.

Mais vous connaissez sans doute mieux encore l’huile qu’on peut obtenir à partir de ses graines : l’huile de ricin. Ce corps gras a d’innombrables utilités. En anglais, c’est le fameux « Castor Oil » (qui n’est définitivement pas de l’huile de castor) qui est présent sur tant de cosmétique. On l’utilise aussi en cuisine mélangée à d’autres huiles, ou pour remplacer le beurre de cacao dans le chocolat. On l’a aussi utilisé comme lubrifiant en automobile, et sa richesse en certains composants en font une matière première de choix pour l’industrie plastique. Du coup, la production mondiale de graine de ricin se compte en millions de tonnes par an (source : wikipedia). En voilà une super plante utile pour l’homme, non ?

Oui, certes. A condition de préparer l’huile de ricin correctement. Ah, je ne vous ai pas dit ? Que les graines contiennent une substance tellement toxique que 2 mg suffisent à tuer un homme adulte ? Bon, et bien c’est fait !

Cette substance, c’est la (bien nommée) ricine. Jusqu’à présent, les poisons que je vous ai présentés étaient des molécules organiques « simples ». Quelques dizaines d’atomes de carbone tout au plus. Avec la ricine, on entre dans la catégorie au dessus. Il s’agit d’une protéine. Le chimiste, biochimiste, ou le biologiste savent parfaitement ce que c’est. Pour le profane, deux mots de description s’imposent.

Pour avoir une idée a peu près claire de ce que sont les protéines, il faut savoir jouer avec des legos. Vous imaginez, un jeu de lego, avec une vingtaine de brique de base, toutes différentes, de formes, de couleurs variées ? Et maintenant, vous les assemblez comme vous voulez, pour créer toute forme de structure. Vous en avez une infinité, bien sûr ! Et même si vous utilisez les mêmes, dans le même ordre, vous avez quand même la possibilité d’obtenir des structures variées: il suffit de changer l’orientation, vers la gauche, vers la droite, en haut, en bas… Dans les protéines, les briques de lego s’appellent les acides aminés. Il y en a une vingtaine utilisée par les êtres vivants. Et des protéines, il en existe de toute taille, certaines ne contiennent que quelques acides aminés, d’autres des milliers.

Les protéines servent à tout dans les organismes : à lire, traduire, répliquer réparer l’ADN, à fabriquer toutes les substances nécessaires à la vie, etc. Elles servent aussi à se défendre. La toxine botulique par exemple, qui est le poison le plus puissant que l’on connaisse, est mortelle à hauteur de 1 nanogramme (0,000000001 g !!) par kg, et c’est une protéine. Tout comme le poison du poisson-pierre.

La ricine est une protéine de taille moyenne, (66000 Daltons, c’est-à-dire environ 5000 atomes de carbone, azote, oxygène). En raison du très grand nombre d’atomes, on laisse tomber le type de représentation qu’on a utilisé pour les billets précédents, et on représente directement sa structure 3D texturée :

 

Alors, quel est son mode d’action ? Forcément, une molécule de cette taille ne va pas être un agoniste ou antagoniste d’une autre protéine. Son action est plus complexe, une véritable machine à tuer  en deux étapes. Tout d’abord, la chaîne A se fixe sur les sucres complexes qui ornent la membrane de la cellule. Là, la ricine attend son tour : lors de processus d’invagination (la paroi se déforme vers l’intérieur de la cellule), l’extérieur de la membrane cellulaire se retrouve… à l’intérieur. La chaîne B (en orange) rentre alors en action : elle bloque les ribosomes, qui sont les usines à protéines. Les cellules ne peuvent plus ni se diviser, ni se réparer, ni produire les substances dont elles et l’organisme ont besoin. Et on meurt.

Ce qui est assez drôle / intéressant / rassurant /ou pas, c’est que la plupart du temps, les protéines ne sont pas toxiques par voie orale : nos enzymes digestives et salivaires sont là pour les découper en petit morceau, en briques élémentaires inoffensives. C’est le cas de la ricine, sauf qu’elle est tellement toxique, que le peu qui échappe à cette destruction, (profitant de son absorption sublinguale par exemple) permet quand même de mourir.

Bon c’est pas tout, mais je vais finir par vous faire tous devenir complètement phobiques des végétaux, si ça continue… Promis, la prochaine fois, je parlerais d’une plante qui est loin de nos contrées civilisées…

 

N.B. Pour ceux qui flippent déjà de voir de la ricine dans leurs cosmétiques : Cette protéine ne résiste pas à la chaleur, et l’huile de ricin est systématiquement portée à haute température pour la détruire. Bref, aucun risque de ce côté là.

Sources : Wikipedia, bien sûr !

Les plantes, et leurs poisons (4): le tabac

Avant propos : je ne fais pas partie de la ligue anti-tabac, et je n’ai pas d’action chez « Nicorette ». Mais le tabac, la plante contient un insecticide naturel pour se protéger qui est aussi un poison notoire : la nicotine.

La nicotine. Elle est bien évidemment connue comme la substance qui procure l’effet psychotrope de la cigarette, et est présente en grande quantité dans les feuilles de tabac.

Une petite molécule toute simple, de la classe des alcaloïdes (puisqu’un atome d’azote fait partie d’un cycle d’atome de carbone). Si vous avez suivi les épisodes précédents, on voit aussi un carbone asymétrique. [La partie de droite est un cycle très connu en chimie appelé pyridine]

Alors oui, la nicotine est un joli poison. 60 mg ingérés, et c’est la mort. Si si ! Ce qui est particulièrement amusant, c’est que d’après les paquets de tabac, la quantité de nicotine effectivement ingérée par cigarette est de l’ordre de 1 à 2 mg. Les (très) gros fumeurs devraient mourir d’empoisonnement, et non de cancers du poumon ou de la sphère ORL !! Heureusement, la nicotine est très vite métabolisée par le corps humain : son temps de demi-vie est d’environ 2 heures (la quantité de nicotine dans le sang diminue de moitiée en 2 heures). De quoi épargner même les « fumeurs acharnés » !!

L’action de la nicotine réside en son action agoniste du « recepteur acetylcholinique nicotinique ». Bref, il intervient au niveau du système nerveux, provoquant une accélération du rythme cardiaque, augmentation de la tension artérielle, libération d’adrénaline.

C’est le moment de rebondir sur ce terme : agoniste, ça veut dire quoi ?

Dans les systèmes biologiques, les usines qui fabriquent tout, qui transforment les espèces chimiques, qui transcrivent l’ADN, qui réparent… sont les protéines, appelées aussi enzymes. Et pour comprendre leur fonctionnement, on a souvent recours à l’image de la serrure et de la clé : Pour que la protéine fasse son travail, il faut qu’une clé, très spécifique l’enclenche : elle ente dans la serrure, et la protéine devient ‘active’. C’est le cas des récepteurs nicotiniques, qui sont des canaux laissant passer, ou non des ions sodium ou potassium, en fonction de la présence, ou non de la clé « acétylcholine ». On y est : une molécule agoniste, c’est une molécule qui rend active la protéine : l’acétylcholine est l’agoniste endogène (celui qui est réellement prévu) des récepteurs nicotiniques. Mais la nicotine en est aussi un agoniste : il va provoquer de la même façon l’ouverture du canal, de façon non régulée par l’organisme, provoquant… son effet (ou la mort, au choix).

Il va de soi que d’autres types de molécules peuvent agir: les antagonistes : c’est comme mettre… un morceau de chewing-gum dans la serrure : les clés ne peuvent plus y entrer, la protéine est bloquée, inactive. Mais cet exemple, on le verra la prochaine fois !

 

Sources :

Wikipedia, bien sûr !

http://www.pharmacie-vivre-sans-tabac.ch/fr/page-dacceuil/facts/substances-dans-la-fumee/nicotine.html

Les plantes, et leurs poisons (3) : L’If

Une contribution de @RaphCabon, étudiant en biologie (Merci à lui !!):

Les plantes sont une source énorme de molécules en tous genres. Certaines sont létales, d’autres soignent. D’autres font les deux. C’est le cas du paclitaxel, une molécule commercialisé sous le nom de Taxol. Cette molécule se trouve dans certains arbres : les ifs. En particulier Taxus brevifolia (if américain), et Taxus baccata (if européen).

Cette molécule empêche la dépolymérisation des microtubules. Là normalement, si vous avez pas fait de bio, vous êtes perdus. Donc un rapide résumé pour les non-biologistes s’impose.

Comme vous le savez (j’espère), votre organisme est constitué de cellules. Mais elles ne sont pas apparues toutes seules. Donc quand vos parents ont copulé (« Mais c’est dégueulaaaasse ! » – Non, c’est la vie.), une cellule-œuf (ovule) s’est formée d’un spermatozoïde et d’un ovocyte. Normalement jusque là vous suivez à peu près. Ensuite, cette cellule se divise. Comment ? C’est là qu’entrent en jeu les microtubules. Dans votre cellule, il y a des sortes de tubes (les microtubules donc) permettent à la cellule de séparer l’ADN et tout un tas d’autres petits trucs de façon égale des deux côtés de la cellules. Puis la cellule se coupe en deux (la partie manquante dans chaque cellule est refaite). Et vous avez deux cellules filles ! Si vous répétez ça des millions de fois, vous avez un organisme. En (très) gros, c’est ça. Le Taxol lui, empêche ces microtubules de bouger, ce qui fait que votre cellule ne peut plus se répliquer (entre autres).

Là, votre culture générale vous fait savoir que dans le cas d’un cancer, des cellules deviennent folles et se mettent à se répliquer à très grande vitesse. C’est là qu’intervient le Taxol. On en donne aux patients atteints de cancer pour empêcher aux cellules cancéreuses de se répliquer. Le souci c’est que le Taxol ne se dit pas « Tiens, faut que je trouve les cellules malades pour les empêcher de répliquer ! ». Le Taxol s’attaque à toutes les cellules. Et dans votre organisme, certaines cellules se remplacent vite, comme les cellules des cheveux et du système digestif. Avec le Taxol, elles ne peuvent plus se répliquer non plus, d’où une perte de cheveux et un système digestif en mauvais état. Cela dit ça permet de ralentir la progression du cancer. L’intérêt est là, mais de gros effets secondaires aussi, comme je viens de vous l’expliquer. Voilà pour l’histoire du Taxol.

Pour la partie chimie, c’est Mr Pourquoi qui reprend le clavier :

Le taxol est tout de même une molécule sacrément plus complexe que la conine ou ses dérivés :

Ce qui est impressionnant, c’est la partie de droite, où pas moins de 4 cycles sont fusionnés. Ce qui est impressionnant, c’est aussi le nombre de carbone asymétrique présent dans la molécule. Ah bon, j’vous avais pas encore parlé de carbone asymétrique ? Alors parfois, les atomes de carbone sont liés à quatre atomes différents, ou à quatre groupement d’atomes différents. Dans ce cas, on dit qu’ils sont asymétriques. La particularité d’un carbone de cette nature, est d’être chiral, c’est à dire qu’il n’est pas superposable avec son image dans un miroir.

Essayez autant que vous voudrez, ces deux molécules, constitués des mêmes atomes, ne sont pas identiques, pour des raisons de géométrie 3D

Sur le schéma de la molécule du taxol, « on voit », ou plutôt le chimiste habitué voit les carbones asymétriques, et leur géométrie d’un seul coup d’oeil. Pour cela, il faut repérer, au lieu des « traits » simples entre les atomes, les triangles noirs ou hachurés. Ceux-ci indiquent les liaisons « vers l’avant » (comme si elles sortaient de l’écran, vers vous), et vers l’arrière.

Bon, en tout cas, lorsque la structure du taxol a été élucidée, une trentaine d’équipe de chimistes a commencé à essayer de réaliser sa synthèse en laboratoire. C’est celle de Pierre Potier à l’Institut de Chimie des Substances Naturelles qui a proposé la première synthèse de cette molécule. Ce qui est très intéressant, c’est que cette équipe a fait tester contre des cellules cancéreuses tous les intermédiaires de synthèse (les molécules obtenues lors d’étapes intermédiaires…). Et ils ont trouvé ça :

Les différences vis-à-vis du taxol sont fines. Mais ce composé, le taxotère, est beaucoup moins toxique, et beaucoup plus efficace contre nombre de cancers, ce qui en fait un des anticancéreux les plus utilisés dans le monde. Elle n’est pas belle, la vie ? Merci l’If !

Références :

Wikipedia,bien sûr !

Guo et al. « Taxol Synthesis », 2006

 

Les plantes, et leurs poisons (2) : le muguet de mai

Ah, le joli muguet qu’on offre le 1er mai… Cadeau empoisonné, oui !!

 

Le muguet contient un poison, la convallatoxine, faisant partie de la classe des digitaliques, appelés aussi glycosides cardiotoniques. Contrairement aux alcaloïdes qu’on a vu la dernière fois, et qui regroupent tout et n’importe quoi, ces glycosides sont déjà des molécules complexes à la structure très spécifique.

 

On voit deux partie bien distinctes : En bas à gauche, c’est un sucre. Oui, parce qu’en fait, les « sucres », ou glucides, ou carbohydrates représentent une famille de molécule où quasiment tous les atomes de carbone (qui se trouvent à chaque jonction de « traits » qui symbolisent les liaisons entre les atomes) sont reliés à un atome d’oxygène. On pourrait être un peu plus précis dans la définition, mais ce n’est pas le moment. Voici par exemple le glucose, pour comparer :

Les réelles différences avec la partie glucidique (partie « sucre », si vous avez bien suivi) sont assez subtiles….

Passons à la suite : au-dessus, en haut à droite, c’est un stéroïde. Encore une nouvelle famille ? Et ouaip ! Les stéroïdes sont une famille de composés biologiquement fondamentaux. Leur point commun, c’est leur structure, pas leur fonction !

On a ainsi des composés d’utilité très variée : le fameux cholestérol par exemple :

(On voit d’ailleurs très bien l’oxygène en bas à gauche qui sert pour relier le stéroïde au sucre dans la convallatoxine).

On a aussi des hormones sexuelles, comme la testostérone (dessous, à gauche, hormone lié aux caractères masculins), ou l’oestradiol (à droite, lié aux caractère féminins)

 

On pourrait aussi parler de la cortisone, et des corticoïdes, qui sont aussi des stéroïdes, et de tant d’autres molécules…

Cortisone

Bon, bref, la convallatoxine, en plus d’être une chouette molécule à décrire, est assez efficace, comme poison. Sa dose létale médiane (dose à partir de laquelle au moins 50 % des cobayes meurent) est de 1 mg par kilo chez les souris (1mg, c’est à peu près la masse d’un petit grain de sucre). Si on transpose à l’homme, ça fait du 70 mg pour tuer un bonhomme… Si la substance est injectée !! Si on le mange, le muguet est tout de même nettement moins redoutable, et si quelques dizaines de personnes se retrouvent à cause de cette plante à l’hosto, je n’ai pas retrouvé de trace de décès…

La prochaine fois ; l’If et l’histoire « cocorico-esque » du Taxol… (avec

Sources : Wikipedia bien sûr !

 

Les plantes, et leurs poisons (1) : la grande ciguë

La grande cigue est une des plantes toxiques les plus connues, grâce au fameux empoisonnement de Socrate. Elle renferme des alcaloïdes qui la rendent redoutable pour beaucoup de mammifères, dont les humains.

Un petit rappel : les alcaloïdes représentent une famille très vaste, et infiniment variée de composés organiques, puisque la seule présence d’un atome d’azote (de symbole N) dans une molécule cyclique issue du vivant lui fait intégrer cette classe. Bref, l’amoxicilline, l’antibiotique bien connu, la quinine (anti-paludéen), la nicotine (du tabac), ou la strychnine sont des alcaloïdes…

Alors, de quels alcaloïdes s’agit-il ?

Petit panorama de ces molécules :

[Petit rappel pour les non-chimistes : les schémas des molécules se décryptent ainsi : les traits montrent les liaisons entre les atomes de carbone, sauf si ils aboutissent à un symbole d’un autre élément (par exemple N pour azote, O pour oxygène. Les atomes d’hydrogène ne sont pas indiqués lorsqu’ils sont reliés aux carbones, mais sont omniprésent, de telle manière que chaque carbone aie 4 liaisons. Si une seule est visible sur le schéma, alors 3 hydrogènes sont reliés à cet atome, si on en voit 2, alors il y a 2 liaisons, etc…]

J’espère que vous pouvez admirer la très grande similarité de ces 5 molécules ! [Je n’ai pas représenté ici les stéréoisomères possibles, je garde l’introduction de cette notion pour d’autres poisons, d’autres plantes]. Si on devait les décrire, on parlerait d’un cycle à 6 atomes contenant l’azote, appelé pipéridine, et une chaîne latérale de 3 carbones, appelée propyle. Finalement, ces différentes molécules correspondent à des modifications très mineures de la structure de la conine; la conicéine correspondant au « repli » de cette chaîne latérale sur l’azote, formant ainsi un second cycle, fusionné au premier.

D’un point de vue pharmacologique, cette petite molécule va en particuler venir se fixer sur les récepteurs nicotiniques situés au niveau des terminaisons nerveuses au niveau des muscles, provoquant paralysie, convulsion, et autres petits problèmes entraînant la mort…

Ah, au fait, les cigûes, présentes dans toute l’Eurasie, peuvent se distinguer d’autres plantes de la même famille (qui regroupe aussi des plantes potagères comme les carottes ou les panais), grâce à leur odeur assez forte d’urine lorsqu’on froisse les feuilles, et aussi grâce à leurs tiges sans poil, présentant des zones rouges.

Sources :

wikipedia

http://reco-plantes-fraiches.servhome.org/Reconnaitre/Grande%20cigue/Grande%20cigue.htm

http://jardinsfamiliauxhsc.wifeo.com/les-plantes-toxiques.php#cigue