Il est de bon ton de parler aujourd’hui du SIDA comme d’une maladie chronique que l’on contrôle grâce à un cocktail médicamenteux d’anti-rétroviraux (ART) efficaces. Si l’espérance de vie aujourd’hui d’une personne séropositive, en France, semble se rapprocher de celle d’une personne séronégative, avoir le SIDA reste une situation difficile et lourde à porter. Outre les conséquences sociales, cette maladie impose la prise d’ART à vie : ceux-ci rendent certes le HIV indétectable, mais ils ne l’éradiquent pas : quelques semaines après l’arrêt du traitement, le virus ré-apparaît.
N’oublions pas également que la situation française n’est pas la norme à l’échelle de la planète : nombre de patients asiatiques, africains, américains n’auront jamais accès aux ART, faute de moyens.
Une étude parue dans la revue Science il y a quelques mois laisse néanmoins entrevoir l’espoir d’une réelle rémission après la prise d’ART : en travaillant sur le SIV – équivalent simiesque du HIV -, une équipe américaine a découvert qu’en traitant des singes malades avec un anticorps artificiel (spécifique de certaines protéines du système gastro-intestinal) en même temps que les ART, les taux de SIV ne remontaient pas après l’arrêt du traitement (pendant -au moins- 9 mois).(1)
Les chercheurs sont partis du fait que les tissus du système gastro-intestinal jouent un rôle de réservoir permanent de VIH (ou de SIV). Les lymphocytes T4, globules blancs cibles du virus, adhèrent à ces tissus grâce à une protéine de surface de la famille des intégrines : l’intégrine α4β7. Si on empêche ces globules blancs d’adhérer, peut-on empêcher la prolifération du virus ? La réponse semble bien positive :
Des singes SIV-positif ont été traités aux ART accompagné d’anticorps monoclonaux spécifiques de α4β7 simiesque. Après arrêt total des ART et de ces anticorps, le taux de SIV n’est pas remonté, et reste indétectable. Le mécanisme précis est mal connu, mais la prise de ces anticorps ont pour conséquence la diminution de la circulation des lymphocytes T4 riches en α4β7 dans les tissus gastro-intestinaux. Chez le singe, cela semble suffire pour limiter la contamination de ces globules blancs, et donc pour permettre au système immunitaire de lutter efficacement contre le virus.
Chez l’homme, des anticorps monoclonaux spécifiques à l’intégrine α4β7 sont déjà commercialisés pour d’autres indications. Les études humaines devraient probablement en être accélérés… En espérant que leurs résultats soient aussi spectaculaires !
(1) « Sustained virologic control in SIV+ macaques after antiretroviral and α4β7 antibody therapy » Siddappa N. Byrareddy, James Arthos, Claudia Cicala, et al. Science 14 Oct 2016 Vol. 354, Issue 6309, pp. 197-202