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La consommation d’alcool chez les femmes enceintes en France

Ce billet reprend celui que j’ai écrit pour Les Vendredis Intellos… N’hésitez pas à y faire un tour, et pourquoi pas y participer !

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Dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire de la semaine dernière ( disponible ici en format PDF) , il n’y avait pas qu’une étude sur l’alcool et les jeunes (dont on a entendu parler sur tous les médias. Un article fort intéressant se trouve à la vingtième page, et s’intitule :

« Consommation d’alcool pendant la grossesse et santé périnatale en France en 2010 »

Il s’agit ici de faire un point sur la consommation d’alcool en France, et sur certaines des conséquences éventuelles de cette consommation sur la santé du nouveau-né. Cette étude statistique se base sur un questionnaire qui a été rempli par plus de 13000 femmes en France métropolitaine et DOM-TOM.

Le premier constat, est que 77 % des femmes interrogées déclarent ne pas avoir consommé la moindre goutte d’alcool pendant leur grossesse. Sur les 23 %, seules 2,5 % ont déclaré avoir bu plus d’une fois par mois. Les messages de prévention sur la dangerosité de l’alcool pendant la grossesse ont sans doute porté leurs fruits.

De façon plutôt surprenante, ce sont les femmes de niveau d’étude les plus élevées, les plus âgées, multipares et qui travaillent pendant leur grossesse qui se laissent aller à un petit verre !

Mais réfléchissons un peu… Cette étude est faite sur la base de déclaration. Or, il est évident qu’il est dur d’assumer consommer de l’alcool pendant sa grossesse. Les femmes citées plus haut ne sont-elles pas celles qui ont suffisamment d’assurance pour le déclarer ? Faisons un peu de psychologie de bas étage… Une femme qui a déjà eu 2 ou 3 enfants a déjà fait ses preuves, en tant que « bonne » femme enceinte. Qu’a-t-elle à perdre à annoncer qu’elle n’a pas suivi à la lettre les recommandations officielles ? Et à l’opposé, une jeune mère, qui attend son premier enfant, doit prouver qu’elle est une « bonne mère », et donc, qui applique scrupuleusement les consignes médicales…

Le second constat, porte sur les conséquences de l’alcool pendant la grossesse. Le message fréquemment véhiculé par les médias, les médecins, est qu’il n’y a pas d’alternative envisageable à l’abstinence totale. On peut entendre ci et là des médecins annoncer le risque de mort in utero, ou de malformation foetale dès la première goutte. Les conclusions de cette étude, et des autres études qui sont cités sont plutôt rassurantes pour les faibles consommations. Les deux indicateurs qui ont été retenus sont la prématurité et l’hypotrophie (petit poids, petite taille) à la naissance.

Les auteurs déclarent ainsi :

Le taux de prématurité (accouchement avant 37 semaines révolues d’aménorrhée) n’est pas différent selon la fréquence de consommation de boissons alcoolisées. Il est légèrement plus élevé pour les femmes qui déclarent boire 2 verres ou plus au cours d’une journée ordinaire mais la différence n’est pas significative.

Et puis :

Le pourcentage d’hypotrophie – poids de naissance inférieur au 10e percentile rapporté à l’âge gestationnel à partir des courbes Audipog (Association des utilisateurs de dossiers informatisés en pédiatrie, obstétrique et gynécologie) – ne varie pas significativement selon la fréquence de consommation de boissons alcoolisées. En revanche, il est plus élevé pour les femmes qui ont bu 2 verres ou plus au cours d’une journée ordinaire ou pour celles qui ont bu 3 verres ou plus lors d’une même occasion une fois par mois ou plus souvent.

Je suppose que ces deux marqueurs étaient sans doute les plus caractéristiques, et donc les plus susceptibles de varier avec la consommation d’alcool. Cependant, les auteurs souligne prudemment :

Les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pas de fixer un seuil de sécurité au-dessous duquel la consommation d’alcool serait sans danger. Il faut rappeler que la consommation d’alcool pendant la grossesse peut avoir des effets
non seulement sur la période périnatale, mais également sur le développement neuro-comportemental de l’enfant. De ce fait, le message recommandant de ne pas boire d’alcool pendant la grossesse reste d’actualité.

Lorsqu’on lit pourtant les conclusions des autres études qui sont reportées dans cet article, il semble bien qu’une consommation faible d’alcool soit effectivement sûre. Une méta-analyse de 2011 de Potra et coll. indique que le risque d’hypotrophie apparaît au-delà de 1 verre par jour, et le risque de prématurité à partir de 3 verres par jour. Bien sûr, pour les grandes consommations, le risques est avéré : d’après une étude danoise, la prématurité était trois fois plus fréquente chez les femmes qui buvaient 10 verres ou plus par semaine, que chez les femmes qui en buvait 1 ou moins…

Deux autres marqueurs nécessiteraient sans doute d’être éclairés : le risque de fausse-couche (précoce ou tardive), et le risque neuro-comportemental de l’enfant. Je n’ai pas trouvé de donnée pour le premier. Tous les sites disent et répètent qu’il ne faut pas consommer d’alcool, ce qui est évidemment mieux, mais sans faire référence à aucune étude…

Pour le second risque, des études ont été menée. Une des dernières (en 2008) a d’ailleurs fait grand bruit, ayant une conclusion qui a surpris tout le monde : La consommation de 1 ou 2 verres par semaine durant toute la grossesse n’a aucune conséquence sur la santé mentale des enfants à 3 ans. (contrairement aux grosses cuites, qui sont définitivement néfastes) (Il semblerait même que les enfants des mères qui ont bu de l’alcool de façon occasionnelle présentent de façon statistiquement fiable un peu moins de troubles du comportement !) (lire l’étude ici, et un résumé grand public ici)

Je ne souhaite aucunement faire ici l’apologie de l’alcool pendant la grossesse, ni de façon plus général d’ailleurs. N’oublions pas que le nombre de décès attribuable à la consommation d’alcool en France est de 49000 en 2009, soit près de 10 % des décès cette année là (source : BEH page 3) !

Mais n’oublions pas non plus que la consommation occasionnelle, et en quantité raisonnable n’est pas forcément une aberration, une tare, et un danger pour la vie, que l’on soit enceinte, ou pas.

 

Quel crédit apporter aux prévisions échographiques en obstétrique ?

Pour une fois, je ne vais pas asséner des tas de références, pour démontrer que ce que font les médecins, c’est MAL, abusif, inutile, etc. Mais peut-être ce sera pire…

Des échographies pendant la grossesse, il y en a trois d’obligatoires de recommandées. Une par trimestre. Chacune a son utilité, pour dépister malformations, macrosomies (foetus « trop gros »), retard de croissance,… On mesure par exemple lors de la première échographie « l’épaisseur de nuque », appelée aussi « clarté nuccale », qui permet une estimation du risque de trisomie. Je souhaite évoquer ici la problématique de l’estimation des mensurations et du poids foetal à la troisième échographie (vers 7 mois de grossesse), et lors d’une échographie supplémentaire, pratiquée juste avant l’accouchement au dernier mois de grossesse. Ces mesures ont une importance capitale, puisqu’elles ont valeurs de diagnostic, et que des interventions médicales parfois lourdes vont être programmées en conséquence (Déclenchement prématuré, voire césarienne programmée,…). Pourtant, il me semble qu’il existe un gros problème de fiabilité de ces examens médicaux. Je vais tenter de le présenter de façon assez clair.

Tout d’abord, il est important de noter que les appareils à échographie moderne sont d’une remarquable précision. Les détails de l’ordre du dixième de millimètre ! Si les mesures effectuées lors des tous premiers stades de développement de l’embryon requièrent ce type de précision, ce n’est plus le cas à la fin de la grossesse, où les « détails » à mesurer sont de l’ordre du centimètre en général. Par contre, la façon dont procède le radiologue est assez surprenante. Prenez la mesure du périmètre abdominal (PA), une des mesures clés pour les formules de calculs d’estimation de poids foetal (voir par exemple les formules de Hadlock, les plus utilisées). Une fois le plan de coupe obtenu, l’opérateur en mesure le diamètre (Diamètre Abdominal Transverse).

Mesure du DAT : double flèche jaune. Les organes légendés servent de repère à l'opérateur

Ici, ce qui me pose problème, déjà, c’est les extrémités de la flèche. En particulier, à droite. Vous me direz, il ne s’agit ici que de quelques millimètres ! Le soucis, c’est que ce sont ces quelques mm font dire à l’obstétricien que le foetus est trop gros / trop petit. Mais ce n’est pas fini. A l’aide d’un outil graphique, une ellipse dont le grand axe est ce DAT apparaît à l’écran, et l’opérateur « l’ajuste » au contour de l’abdomen. ça donne ceci :

Voir le praticien choisir la taille de l’ellipse semble surréaliste. Et l’impression d’arbitraire total est constante. Je vous invite à faire des recherches par images sur Internet, pour comparer les différents exemples. L’ellipse est vraiment choisie de façon très … douteuse. Vous me direz que cela ne change pas grand chose ? Effectivement, les différences sont de l’ordre du cm… Mais en comparant ces valeurs aux « tables », on constate que ces différences se traduisent par des estimations très variables. (pour les tables, quelques images, quelques infos, le site ici est incontournable)

Je souhaitais faire part d’une dernière réflexion sur ces mesures : Comment, avec l’aide de repères limités que sont les images des organes internes, l’échographiste arrive-t-il à prendre la « bonne coupe » pour faire les mesures ? Un exemple avec la mesure du perimetre cranien. Pour simplifier à l’extrême, un crane, c’est ça :

Comment, alors que l’ellipsoïde n’est accessible qu’en coupe, peut-on arriver à obtenir la circonférence maximale de ce crâne, qui de plus est relativement souple et déformable, et coincé dans le bassin ? Il faudra prendre la plus grande valeur possible, et faisant varier lentement le plan de projection, forcément, mais avec mon expérience des échographies de mes enfants, même en imaginant une dextérité hallucinante de l’opérateur, j’ai du mal à croire à une véritable recherche systématique de la plus grande valeur…

Cet argument n’est pas d’une grande scientificité, et j’aimerais vraiment qu’on m’éclaire là dessus, et bien sûr qu’on me contredise. [Et bien sûr prêt à faire un super Update et Mea Culpa sur le sujet !!]

On lit à de nombreuse reprise sur internet ou sur des publications sérieuses qu’en réalité, l’échographie est un examen très « opérateur dépendant ». Je n’ai pas trouvé d’étude scientifique sur le sujet : A quand des recherches, où une femme enceinte, avant de subir une échographie, est présenté au radiologue, en aveugle, tantôt comme ayant un gros foetus à l’écho précédente, tantôt ayant un foetus trop petit ? Ou faisant du diabète gestationnel ou non ?

Un dernier point devrait alerter les partisans de ces prévisions de poids par l’échographie. Malgré la multitude d’étude et de mise au point de formule de calcul, malgré l’avancé des techniques échographiques, il a été démontreé qu’à part sur des foetus petit (moins de 2,5 kg), l’examen clinique par l’obstétricien ou la sage-femme est aussi performant que l’échographie pour prévoir le poids foetal (source).

Dans un contexte de remise en cause (salutaire d’après mon expérience) de l’interventionnisme des gynécologues obstétriciens, la question de la place de ce type de techniques, qui apparaissent relativement peu fiable, dans les prises de décision médicale, me semble être centrale. Et il serait salvatoire que parfois, ils relisent leurs cours de « biométries foetales », et se souviennent par exemple de

«  que le dépistage de l’hypotrophie est fondamentale alors que le dépistage de la macrosomie est discutable. »

ou encore :

« que l’échographie effectuée au début du 3ème trimestre n’est pas plus performante que les données anthropologiques maternelles dans une population à bas risque pour prévoir le poids à la naissance »

(Source : cours de Biométries Foetales, Université de Paris V )