La bière, ça se boit frais. Mal conservée, elle devient amère, voire totalement imbuvable… La faute en partie au fameux « Skunky Thiol » (le « thiol puant ») dont j’ai déjà parlé ici (dont la formation est liée à des réactions photochimiques) mais aussi à tout un tas de réactions d’oxydation, dégradant petit à petit les chers arômes (pour plus de détail, on pourra voir cette publication). Mais les chimistes ont la solution : voici l’application Android « Furfural Detector », développée par une équipe de l’Université de Madrid !
Le furfural, c’est un peu le composé témoin du vieillissement de la bière, sans être réellement impliqué dans la dégradation de son goût. Sa concentration dans une bière fraîche est aux alentours de 10 à 30 µg par litre. Et elle augmente rapidement, atteignant 500 µg/L en 6 mois pour une blonde mal conservée à 25°C.
Bref, il est INDISPENSABLE de connaître sa concentration avant de goûter au « demi » en terrasse cet été. Ou surtout lorsqu’on veut monter sa propre micro-brasserie ou faire sa bière soi-même (on trouve tout le matériel en ligne, ici par exemple): lors du brassage, des quantités de dioxygène plus ou moins importantes suivant les pratiques peuvent être dissoutes dans la bière, ce qui accroît le risque de mauvaise conservation. On peut aussi y ajouter des fameux « conservateurs », qui sont là pour s’oxyder à la place des molécules qui donnent le goût, et ainsi les préserver… Bref, il est nécessaire de pouvoir vérifier si la bière « maison » que l’on souhaite boire/conserver/commercialiser se conserve correctement, et la concentration en furfural en est un très bon indicateur.
Une équipe madrilène a donc pris le problème à bras-le-corps. En fait, le furfural peut facilement réagir avec des « amines aromatiques » (comme l’aniline) en milieu acide pour donner des composés colorés.
En immobilisant des amines de ce type dans un polymère, ils ont ainsi obtenu un matériau qui change de couleur en fonction de la concentration de furfural. En immergeant des pastilles (de quelques mm de diamètre) de ce polymère dans la bière, et en réalisant une lecture optique à l’aide de l’appareil photo d’un smartphone équipé de l’application « Furfural Detector », téléchargeable à cette adresse, ils ont ainsi pu mesurer directement la quantité de furfural, et donc la qualité de la bière… Ils ne sont pas trop forts, ces chimistes !!
« Furfural Determination with Disposable Polymer Films and Smartphone-Based Colorimetry for Beer Freshness Assessment » Alberto Rico-Yuste et al. Anal. Chem. 2016, Article ASAP