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Le glaçon dans l’apéro, l’iceberg et la montée des eaux…

On présente souvent la fonte des icebergs, immenses glaçons flottant dans les océans, comme la cause d’une hausse du niveau des mer. et, même si le échelles et les conséquences ne sont pas comparables, la fonte du glaçon dans un verre d’apéritif rempli à ras-bord comme la cause de son débordement.

Et bien non, dans ces deux cas, la fonte des glaces et des glaçons ne sont pas en cause. Pour simplifier, et parce que le temps s’y prête, on va faire notre raisonnement à l’aide du verre d’apéro.

Essayons d’y voir plus clair. Comme chacun sait, la glace, ça flotte. Comme chacun sait, c’est parce que l’eau a la propriété (assez rare) d’être moins dense à l’état solide qu’à liquide, ce qui fait que 1 litre de glace a une masse de 917 g (Pour les puristes, je parle ici de la glace « ordinaire », puisque l’eau solide peut exister sous plusieurs formes, dont la plupart ont une densité supérieure à 1. Voir Wikipédia par exemple). Bref, en langage courant et abusif, « c’est plus léger, donc ça flotte ».

En fait, c’est grâce à la fameuse poussée d’Archimède qu’un corps moins dense qu’un fluide « flotte ». Sans vouloir refaire un exposé sur la poussée d’Archimède, je souhaite juste ici en rappeler le principe de base. A cause de la gravité, la pression augmente lorsqu’on descend sous l’eau (ou dans l’air, ou dans n’importe quel gaz ou liquide). Ce qui fait qu’un objet plongé dans l’eau subit une force de pression plus importante dans sa partie la plus profonde que dans sa partie la plus haute. 

Les flèches symbolisent les forces de pression. Sur les côtés, elles se compensent. Par contre, les forces de pression en bas sont plus importantes qu’en haut, d’où une force globale qui fait « remonter » l’objet immergé.

Bon, les lois de la statique des fluides nous permettent d’établir une expression de cette force verticale, vers le haut :

 Π = ρ(fluide) . g . V(immergé)

(Π étant la valeur de la poussée d’Archimède, ρ la densité du fluide dans lequel est immergé l’objet, g une constante, et V le volume de l’objet effectivement immergé)

Cette formule amène deux commentaires :

  • la densité du corps plongé dans le fluide n’intervient pas : une balle de polystyrène et une boule de pétanque de même volume, maintenus dans l’eau, subissent la même poussée vers le haut. Par contre, le poids de la boule de polystyrène est beaucoup plus faible, et donc la poussée d’Archimède peut le compenser. Ce qui n’est pas le cas de la boule de pétanque, dont le poids est beaucoup trop grand.
  • L’objet, s’il est trop léger, c’est-à-dire que son poids ne permet pas de compenser la poussée d’Archimède, va remonter vers la surface, et une partie va émerger au-dessus du fluide : V(immergé) va donc diminuer, et ainsi la valeur de la poussée, jusqu’à ce qu’elle soit identique à celle du poids. A ce moment, les forces se compensent, et l’objet est en équilibre.
  • la densité du fluide intervient : plus il est dense, plus la poussée est grande. On peut ainsi faire flotter une lourde pièce de monnaie sur du mercure.

Pour aller un peu plus en profondeur (hum…), on peut détailler les calculs pour un objet qui flotte : L’équilibre est donc atteint lorsque le poids et la poussée d’Archimède se compensent exactement.

On a alors :  Π = P , c’est-à-dire  ρ(fluide) . g . V(immergé) = ρ(objet) . g . V(total)

On peut simplifier, et on obtient V(immergé) / V(total) = ρ(objet) / ρ(fluide)

Dans le cas de la glace, le calcul donne V(immergé) / V(total) = 0,917 ; soit 91,7% de la glace immergé, et le reste à la surface.

[Nota Bene : Tout cela est valable pour l’eau douce. Dans le cas d’un iceberg (eau douce) dans la mer (eau salée, donc de densité légèrement supérieure), la partie non immergée est un peu plus importante. L’idée du calcul reste identique.]

[Nota Bene 2 : on néglige bien sûr ici les poches d’air présentes dans les glaçons, dans les icebergs, ainsi que les forces liées à la tension superficielle, qui sont faibles comparées au poids dans ce cas]

Bon, et le rapport avec les océans qui débordent et le niveau de l’apéro qui monte ?

Alors souvenons-nous de la situation avant que le glaçon fonde : le verre est remplie à ras-bord, avec un glaçon qui dépasse. Le volume {apéro + glaçon} dépasse donc les capacités du récipient. Donc la question est donc de savoir, lorsque le glaçon aura fondu, quel sera le volume final… Pour répondre rigoureusement à cette question simple, il faut se souvenir que si le volume va varier, la masse, elle, non.

Du coup, on peut exprimer la masse du glaçon de 2 façons :

m =  ρ(glace) . V(glaçon) avant qu’il ne fonde, et  m =  ρ(eau) . V(glaçon fondu) après

En combinant ces expressions, on obtient que V(glaçon fondu) / V(glaçon) = ρ(glace) / ρ(eau) = 0.917 !

Donc, en résumé, le volume du glaçon fondu est exactement le même que le volume immergé du glaçon !

L’apéro ne déborde pas ! OUF !

Et le niveau des océans ne monte pas non plus. Enfin, pas pour cette raison.

Pour les océans, il est plus raisonnable de penser à la dilatation liée à l’augmentation de la température. Je n’ai pas vérifié, mais c’est plus plausible. Pour l’apéro, il semblerait, d’après une loi purement empirique, que le taux de débordement soit proportionnel au nombre de verre dégusté…

[Nota Bene 3: J’avais prévu de mettre de belles photos de mon cru, mais il s’est avéré que mes glaçons étaient trop bien fait, sans assez d’air dedans pour les faire émerger de façon bien visible… Alors je me suis mis en quête d’une bonne photo sur le net, et me suis rendu compte à ce moment du subterfuge : pour faire apparaître des glaçons qui sortent à 50 % de l’eau, les photographes remplissent complètement le verre de glaçons, et celui qui surnarge, en fait, ne flotte pas, mais tient sur la pyramide constitué par les autres morceaux de glace. Il va sans dire que dans ce cas, mon petit calcul ne tient pas du tout… Allez, je mets quand même une photo, ça servira pour apparaître en Une…]