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[Flash Info Chimie] #3 L’âge du fer en chimie ?

La catalyse chimique est aujourd’hui incontournable dans la synthèse de nouvelles molécules organiques complexes. Elle permet de coupler deux molécules (de les relier entre elles), de les oxyder, réduire, avec une sélectivité et des rendements toujours plus importants. Dans la course vers des composés de plus en plus complexes, pas une semaine ne se passe sans que les publications sur des réactions catalysées ne se comptent par dizaines.

Les catalyseurs les plus courants en chimie fine (i.e. en petite quantité, sur des composés complexes et souvent très chers) sont des composés organométalliques : un atome d’un métal, entouré par des molécules organiques qui modulent ses propriétés.

Catalyseur de Wilkinson, particulièrement utilisé en hydrogénation catalytique (source : wikipédia) [En bleu, un atome de Rhodium, en orange Phosphore, en vert Chlore, et en noir Carbone]

Le soucis, c’est que les métaux utilisés sont souvent extrêmement rares et onéreux. Ils font le plus souvent partie du « groupe platinoïde » : Rhodium (100000 € le kilogramme), Palladium (20000 €/kg), Ruthénium (3000 €/kg aujourd’hui, mais 7 fois plus il y a 4 ans), Platine (40000 €/kg). En laboratoire de recherche, cela n’a pas beaucoup d’importance, puisque les quantités utilisées sont de l’ordre du milligramme. Cependant ces prix rendent totalement impossible le fameux « Scale up » (l’augmentation d’échelle de production), nécessaire à l’utilisation industrielle de ces catalyseurs.

Certaines équipes de recherche en chimie organométallique et catalyse se concentrent donc aujourd’hui sur l’utilisation de métaux non-précieux pour réaliser le même type de réactions : le cuivre, l’or (aujourd’hui au même prix que le platine, mais beaucoup plus abondant, donc moins susceptible de tension d’approvisionnement), l’argent, et puis le fer. 6ème élément le plus abondant dans l’univers, peu cher à extraire et à transformer, il est le candidat idéal.

Ces derniers jours, plusieurs articles de recherche ont donc fait état d’avancée sensible dans l’utilisation de ce métal.

D’après leur article paru dans Organic Letters, Xu et coll. ont ainsi pu oxyder, dans des conditions très simples, des amines en imines, à l’aide d’un catalyseur à base de fer (ici du nitrate de fer (III)), et de l’oxygène directement contenu dans l’air.

ironcatalysis

Les imines (à gauche, avec la double liaison en rouge) sont souvent des intermédiaires importants en chimie organique. (source)

Dans un domaine autrement plus stratégique et sensible, qui est celui de la production et du stockage du di-hydrogène, un pas important a été franchi par l’équipe de M. Kato : à l’aide d’un complexe de fer (II), il a été possible de synthétiser  du dihydrogène à partir d’hydroquinone. Ce composé est fréquemment utilisé comme source de dihydrogène, mais c’était principalement à l’aide de catalyseurs à base d’iridium (30000 €/kg, prix très volatile à cause de la très faible production).

En rouge au centre, l'atome de fer, entouré d'azote (violet), puis carbones et hydrogènes. (source)

En rouge au centre, l’atome de fer, entouré d’azote (violet), puis carbones et hydrogènes. (source)

[Pour les amateurs, voici le cycle catalytique proposé dans l’article :

A gauche, l'hydroquinone se transformant en benzoquinone.

A gauche, l’hydroquinone se transformant en benzoquinone.

Il s’agit d’une première étape vers la synthèse photochimique du dihydrogène par un métal aussi abondant et peu onéreux, mais la voie est, semble-t-il, tracé.

Après « l’age d’or » qui marquait la mode des catalyseurs à base d’or, nous voici petit à petit en train d’arriver à « l’âge du fer ». Et c’est tout sauf un retour en arrière.

« Iron-Catalyzed Direct Synthesis of Imines from Amines or Alcohols and Amines via Aerobic Oxidative Reactions under Air » E. Zhang et al., Org. Lett. 2013 ASAP

« Nonprecious-Metal-Assisted Photochemical Hydrogen Production from ortho-Phenylenediamine » T. Matsumoto et al.J. Am. Chem. Soc. 2013 ASAP