Suite de la première partie. Avec le triomphe du rationnalisme et materialisme scientifique de Descartes, puis de La Mettrie, la théorie mécaniste de la vie a le vent en poupe. Si on met bien l’homme à part quelques fois, car il pose quelques problèmes à cause de son « âme », les êtres vivants semblent être de véritables machines, dont les rouages sont infiniment petits et complexes, mais dont on cherche à comprendre les lois. La mise au point d’automates particulièrement complexes, dont les plus célèbres réalisés par Vaucanson (le joueur de flûte, le canard qui mange, digère, et qui…) ressemble bien au triomphe de l’intelligence humaine mécaniste sur la nature.
Mais la riposte s’organise. Il paraît insensé à certains de voir la vie réduite à ce point à des futilités matérielles. En particulier, G. Stahl, (medecin et chimiste (oui, le chimiste du phlogistique), dès 1707, réhabilite l’animisme, en réaffirmant l’existence de l’âme, comme principe moteur de la vie. Mais cette notion d’âme, trop riche de sens et d’interprétation alourdissait trop cette pensée. Paul Joseph Barthez, de l’université de Montpellier, a permis au vitalisme de s’affranchir de ces considérations métaphysiques. Il n’y a plus d’âme ni d’intervention divine, mais un « principe vital », qui est la cause de toute chose vivante. Il ne faut pas se tromper, c’est un discours dont la rigueur scientifique est exemplaire que présente Barthez : Il ne prétend pas savoir si ce « principe » est une substance, ou simplement un attribut des espèces vivantes; Il « ne veux lui attribuer que ce qui résulte immédiatement de l’expérience » (Nouveaux Éléments de la science de l’homme, 1778). Il voit donc dans le « vitalisme » un moyen d’expliquer ce que, d’après son expérience médicale, le « mécanisme » n’explique pas. Marie-François Xavier Bichat, médecin et vitaliste lui aussi, adopte une posture scientifique rigoureuse en recherchant les éléments les plus fondamentaux abritant « la vie ». Et celle ci ne se réduit pas à une manifestation de la physico-chimie.
« La physique, la chimie se touchent parce que les mêmes lois président à leurs phénomènes. Mais un immense intervalle les sépare de la science des corps organisés, parce qu’une énorme différence existe entre leurs lois et celles de la vie. » ( Recherches physiologiques sur la vie et la mort, 1800)
Encore une fois, c’est au nom d’une démarche scientifique que le vitalisme est mis en avant.
Pour résumer (excessivement, certes), si le début du XVIIIeme siècle est « mécaniste », l’arrivée de scientifiques médecins cherchant à expliquer, sans y parvenir par la physique et la chimie, le fonctionnement du corps humain impose le vitalisme comme courant de pensée dominant à la fin du XVIIIème.
Avant de continuer ce déroulé historique, on peut proposer une définition du vitalisme : il s’agit de « Toute doctrine admettant que les phénomènes de la vie possèdent des caractères sui generis, par lesquels ils diffèrent radicalement des phénomènes physiques et chimiques, et manifestent ainsi l’existence d’une « force vitale » irréductible aux forces de la matière inerte » (A. Lalande, 1926)
La suite : le recul du vitalisme au XIX et XXème siècle