Ce n’est pas tous les jours qu’on découvre un nouveau composé antibiotique. Surtout quand il est VRAIMENT nouveau. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il existe un nombre relativement restreint de « classes » d’antibiotiques, et que trouver un nouvel antibiotique appartenant à des classes déjà connues, n’est pas forcément très intéressant : en général, les bactéries qui développeront des résistances face à un composé d’une classe ont de bonnes chances de développer des résistances face à d’autres composés de la même classe.
Depuis l’invention des premiers antibiotiques, l’humanité est en course contre les microbes : inventer toujours plus de nouveaux agents chimiques pour contrer toujours plus de mutations et de résistances. Mais la situation devient de plus en plus périlleuse. Cela fait longtemps que plus aucune classe d’antibiotique n’est sortie sur le marché, et pire, les chercheurs n’en ont pas en réserve. Les bactéries, du bacille de Koch (tuberculose) jusqu’au staphylocoque doré (qui peut aboutir à des septicémies), elles, progressent, et sont de plus en plus multi-résistantes…
Alors oui, ça se fête, de découvrir un nouveau composé antibiotique, dont on observe des propriétés antibiotiques remarquables, même sur des lignées résistantes à d’autres composés. L’anthracimycine a été isolé d’un micro-organisme de type Streptomyces [ qui sont connus pour leurs composés antibiotiques, anticancéreux, etc… ]. Sa structure est assez originale, avec 3 cycles, dont un « macrocycle » (cycle à 14 carbones) de type lactone (ester cyclique), avec une forme céto-énolique. Un autre composé naturel avec le même squelette avait été décrit, mais sans que ses propriétés biologiques ne soient étudiées.
Ce composé a une très bonne activité contre la bactérie Bacillus Anthracis (Gram-positive) qui donne l’anthrax. Et reste très intéressant pour un certain nombre d’autres pathogènes Gram-positifs. Par contre, il est inefficace contre les Gram-négatifs. Son analogue chloré montre lui une inhibition prometteuse des bactéries Gram-négatives.
On peut imaginer la suite : une course à la compréhension du mode d’action, à l’amélioration du produit, en espérant qu’il ne soit pas définitivement trop toxique, et, qui sait, des nouveaux antibiotiques pour sauver le monde d’épidémies dévastatrices ???
« Anthracimycin, a Potent Anthrax Antibiotic from a Marine-Derived Actinomycete » Kyoung Hwa Jang et al. Angewandte Chem. Int. Ed. 2013, 52,1-4 .