La plupart des molécules du vivant pourraient exister sous deux formes appelées énantiomères : images l’une de l’autre dans un miroir, elles sont néanmoins bien distinctes, à la manière de nos mains gauche et droite que l’on ne peut pas superposer. C’est ce qu’on appelle la chiralité (de χείρ, la « main », en grec). Pourtant, dans la plupart des cas, un seul des deux énantiomères existe dans la nature, sans qu’on en sache encore clairement la raison. Des pistes très sérieuses pour résoudre ce problème de l’homochiralité de la nature existent, mais proposent uniquement de très légers excès d’une forme sur l’autre. Reste le sous-problème de l’amplification de la chiralité, que l’on peut présenter schématiquement comme cela : comment passer d’un rapport de 50,0001 /49,9999 entre les deux énantiomères à un rapport 99,9999 /0,00001 ?
Dans un article paru dans Nature Chemistry, des chimistes ont montré que des surfaces achirales (c’est-à-dire qu’elles sont superposables à leur image dans un miroir) peuvent servir d’amplificateur de chiralité. En clair, ils ont exposé une surface de cuivre à un mélange gazeux d’acide L-aspartique et d’acide D-aspartique (les deux énantiomères de … l’acide aspartique). Lorsque le mélange gazeux était de 50 % pour les deux formes, cette proportion ce retrouvait de façon identique adsorbée sur le cuivre. Mais pour un mélange gazeux 2 / 1, ils ont obtenu une proportion de 16 / 1 adsorbée.
Les modélisations réalisées montrent que l’élément déterminant dans cette amplification réside en la formation de clusters homochiraux d’une dizaine de molécule d’acide aspartique à la surface du cuivre (clusters = regroupement de quelques unités de molécules), c’est-à-dire des clusters qui ne contiennent qu’une seule des deux formes énantiomères possible.
« Adsorption-induced auto-amplification of enantiomeric excess on an achiral surface » Yongju Yun and Andrew J. Gellman, Nature Chemistry 2015