Retour sur la chimie prébiotique, S. Miller et les autres…(1)

J’ai été très heureux de voir ce sujet de la chimie prébiotique (la chimie qui a permis à la vie d’apparaître) traité par les amis de www.podcastscience.fm, et de scienceetonnante.wordpress.com. J’aimerais y apporter ma petite contribution de (ex-) chimiste organicien.

Un certain consensus se dégage depuis grosso modo un siècle : la vie serait née d’une « soupe primitive », constituée d’un mélange désorganisé d’espèces chimiques complexes, qui, aurait peu à peu accédé à une certaine forme d’organisation, jusqu’à l’apparition d’un processus d’auto-réplication de macromolécules contenant un code génétique primitif.

Dans ce court paragraphe précédent résident toutes les grandes questions que se posent la chimie prébiotique. Comment s’est formée cette « soupe primitive », et de quoi elle est constituée ? Comment ses composants ont pu s’auto-organiser ? Quelles molécules ont pu acquérir ces propriétés auto-réplicantes nécessaires à une vie primitive, et dans quelles conditions ?

Aucune réponse définitive n’est apportée à chacune de ces questions. Et la diversité des hypothèses envisagées est immense.

Revenons ici sur la question de l’origine des composés de la soupe primitive. Oparine et Haldane ont proposé l’hypothèse géniale que les composés organiques à la base des êtres vivants, et en particulier les acides aminés (briques élémentaires des protéines, qui sont elles-mêmes, pour simplifier, les usines qui font fonctionner la moindre des cellules) pouvaient provenir de matière inorganique (en particulier présent dans une atmosphère primitive terrestre), activée par le rayonnement solaire. Une jolie hypothèse, qui a pu être éprouvée en 1953 par la célébrissime expérience de S. Miller et Urey, dont j’ai piqué à wikipedia le schéma :

Dans le ballon à gauche, est reproduite ce qu’on estimait être la composition de l’atmosphère primitive de la Terre, parcourue par des éclairs provoquées par des émectrodes (pour faire comme les éclairs). Et le résultat a été à la hauteur des espérances : tout plein d’acides aminés, et d’autres molécules organiques indispensables à la vie…

CQFD ?? Ben pas vraiment. En fait, pas du tout. Certes, il était démontré une nouvelle fois que les molécules de la vie pouvaient être issues de matière inorganique, ce que l’on sait depuis 1828 et la synthèse de l’urée par Wöhler. Plus précisemment, l’atmosphère primitive, « activée » par les éclairs, a permis la synthèse d’acide cyanhydrique et de formaldéhyde, qui permet de former des acides aminés par la synthèse de Strecker, et tout ça à partir de méthane, dihydrogène, monoxyde de carbone, eau, et ammoniac.

Oui, sauf que voilà, il y a d’immenses chances pour que la composition de l’atmosphère primitive réelle ne ressemble pas du tout à cela. Au lieu d’un mélange ammoniac, méthane, dihydrogène, monoxyde de carbone (NH3, CH4, H2, CO), on aurait plutôt eu un mélange diazote, dioxyde de carbone et eau (N2, CO2, H2O).

En fait, alors que N2, CO2 et H2O sont très stables, l’ammoniac NH3, et le méthane CH4 sont rapidement dégradés dans l’atmosphère sous les rayonnements solaires. Quant au dihydrogène H2, trop léger, il a tendance à s’échapper rapidement de l’attraction terrestre… Si dans ces deux hypothèses les éléments chimiques présents sont les mêmes, la seconde est donc constituée de gaz stables, ce qui en fait l’hypothèse généralement admise. Le soucis, c’est que dans ce cas, l’expérience de S. Miller ne fonctionne pas, même en remplaçant les décharges électriques par un intense rayonnement UV.

Les partisans fervents de Miller et Oparine ont néanmoins une petite parade. Il se trouverait qu’éventuellement on pourrait peut-être faire l’hypothèse qu’après l’énorme collision entre la Terre et un astéroïde de la taille de Mars, qui a permis la formation de la Lune, on ait eu un équilibre précaire durant quelques millions d’années permettant la compensation de la perte de ces gaz (CH4, NH3, H2) par, en particulier, un apport extérieur lié à un bombardement intense de la terre par des météorites… (Source sur l’atmosphère primitive)

Tout tombe à l’eau… Au sens figuré, mais aussi au sens propre. Si ce n’est pas dans l’atmosphère que s’est produite la synthèse des premières briques de la vie, cela pourrait être sur la terre ferme (hypothèse très peu vraisemblable, compte tenu du besoin d’eau, de concentration, mais aussi de migration des espèces chimiques), ou dans l’eau liquide.

La suite hydrothermale au prochain épisode…

Lire aussi et par exemple (C’est hélas très incomplet et très rapide, comme toutes les sources que j’ai consulté…) : Les premiers pas de la vie sur Terre ; Chimie prébiotique,…

8 réponses à “Retour sur la chimie prébiotique, S. Miller et les autres…(1)

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