Pourquoi le sang est-il rouge (ou bleu, ou vert, ou rose parfois) ?

Oui, c’est vrai ça, y a t-il une réelle raison pour laquelle le sang humain est rouge, à part pour faire des superbes scènes de tueries dans la neige?

Dans ce billet sanguinolant, on va revenir sur la couleur de tous les sangs, et pas seulement humains. Oui, parce que dans le règne animal, il existe de sacrées bestioles au sang vert, bleu ou encore rose.

Plus précisément, on va parler des transporteurs du dioxygène, puisque c’est eux la plupart du temps qui conditionnent la couleur.

Un des rôles principaux du sang est effectivement de transporter le dioxygène, O2, à toutes les cellules de l’organisme, qui, lors de la respiration, vont produire de l’énergie chimique (de l’ATP (adénosine tri-phosphate)) nécessaire à leur bon fonctionnement. Mais voilà, comment transporter du dioxygène, gazeux, et trop peu soluble  dans les fluides corporels ? C’est là que les ‘transporteurs de dioxygène’ font leur apparition. On les imagine tout de suite comme ça :

 

Et oui, « il était une fois la vie » a parfois laissé des traces indélébiles…

 

 

Dans le sang humain, les transporteurs d’O2 sont contenu dans des cellules spécialisées, les fameux globules rouges, ou hématies. Au coeur de celles-ci sont présentes des protéines particulières, les hémoglobines.

Hémoglobine humaine (wikipedia)

Quand on regarde de près la structure de cette protéine, on s’aperçoit qu’il s’agit en fait d’un agencement de quatre sous-structures identiques (2 en jaunes, 2 en roses). Et au coeur de chacune de ces structures, composées principalement d’hélice, se trouve une drôle de molécule, circulaire, plane, dessinée en vert appelée hème. On s’approche du but. Quand on regarde précisément, voilà sa constitution :

Hème (de type b) (Wikipedia)

 

Ce qui est ici remarquable, c’est cette structure carbonée et azotée cyclique, plane, qui entoure un atome de fer.

[Pour les chimistes, on a ici une porphyrine, qui sert de ligand au noyau fer, qui se trouve ainsi stabilisé dans cet état d’oxydation (+II)]

C’est justement au niveau de cet atome de fer que va pouvoir se fixer une molécule de O2. Le reste de la molécule d’hémoglobine sert d’une part à stabiliser l’hème, à ‘exposer’ son centre pour une plus grande facilité de fixation, et aussi à stabiliser les deux atomes d’oxygène nouvellement fixée.

Hème portant une molécule de O2. (PNAS)

[Ce n’est pas trivial de ‘fixer’ une molécule de O2 de cette façon. D’un point de vue électronique, on obtient une structure censée être complètement instable. Le noyau porphyrine permet une certaine stabilisation, mais ce sont aussi les liaisons « faibles » (en pointillé sur la figure ci-contre) entre les atomes d’oxygène et le reste de la protéine qui permet la stabilité globale de l’édifice)]

 

On a donc, si vous avez bien suivi, quatre molécules de O2 transportées par hemoglobine. On est loin des « bulles » d’air de la série animée…

Et la couleur du sang, dans tout ça ?? Et bien c’est l’hème qui la donne. En effet, les complexes de métaux de transitions (ici le hème avec son noyau de fer) sont très souvent colorés.

Des solutions de complexes de métaux de transitions (complexes de cobalt, chrome (2), nickel, cuivre, manganèse)

Sans trop entrer dans les détails, ces couleurs sont dues aux propriétés électroniques de ces molécules. Les écarts entre les niveaux énergétiques aux sein de ces complexes sont tels qu’ils correspondent à l’absorption de certaines longueurs d’onde de la lumière visible, conduisant à un aspect coloré. Ces propriétés électroniques dépendent de l’environnement de l’atome métallique (des « ligands » : dans le cas de l’hème : de toute la partie ‘organique’ de la molécule) ainsi que de la nature du métal (Fer, cuivre, etc.), et de son degré d’oxydation (qui correspond au nombre d’électrons qui lui manque par rapport à l’état métallique. Pour le Fer (II), il manque 2 électrons).

L’exemple le plus ‘humain’, c’est la différence de couleur entre le sang oxygénée, dans les artères, dans lequel les atomes de fer sont liés aux molécules de O2, et le sang désoxygéné, dans les veines. Le premier apparaît rouge vif, le second beaucoup plus sombre.

Mais il y en a beaucoup d’autres. Les protéines qui transportent le dioxygène sont relativement variées. L’hemocyanine est un autre exemple . Ce transporteur présent chez les cephalopodes (pieuvres, …) et certains arthropodes (crabes, limules,…) a la particularité d’utiliser le cuivre comme métal auquel se lie O2. Ce qui est aussi assez intéressant, c’est que ce métal est directement lié à la protéine, sans hème intermédiaire, grâce aux histidines qui permettent sa complexation.

Hemocyanine et oxyhemocyanine. Les groupes d’atomes liés aux cuivres proviennent d’acides aminés histidines de la protéine. (On voit par ailleurs un mode de fixation du dioxygène très différent qui pour l’hemoglobine ) (source)

 

 

 

 

 

 

Une autre propriété remarquable de cette protéine, c’est d’être bleue. Et ouaip, les céphalopodes ont le sang bleu !!

Collecte de sang de limule (: l’hemocyanine a aussi des intérêts médicaux, par son caractère immunogène (source)

On a aussi l’hemerythrine, à base de fer à nouveau, mais comme pour l’hemocyanine, le métal est directement lié à la protéine.

Hemerithrine, (enfin, assemblage trimérique…) Les atomes de fer vont par deux… (wikipedia)

Cette fois ci, ce transporteur est incolore sans oxygène, et devient rouge-violacé avec. De quoi colorer le corps de certains vers…

 

 

 

Priapulide

 

 

 

 

 

 

On a aussi la chlorocruorine, qui est un transporteur hémique avec du fer, mais qui est…verte (présente chez certains polychètes)

euh…Paraît-il que les aliens aussi ont de la chlorocuorine dans le sang…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Certains tuniciers, souvent de couleurs magnifiques ont un transporteur d’oxygène à base de vanadium… (Les couleurs sont liées à d’autes molécules, de la famille des pyridoacridines, qui sont des poisons sympas, mais si colorés !)

 

 

 

 

 

Bon, vous l’aurez compris, avec le sang, on peut en voir de toutes les couleurs. Notez tout de même qu’à chaque fois qu’il faut transporter du dioxygène, on fait appel à des métaux :  le fer, le cuivre, le vanadium. Sans ces éléments, aux propriétés chimiques radicalement différentes des autres atomes des protéines, le transport serait quasiment impossible. Et la couleur de notre sang serait tellement moins saisissante !

 

Sources :

http://pages.usherbrooke.ca/bcm-514-bl/2d.html

http://moray.ml.duke.edu/projects/magnus/

Wikipedia (sang, hemocyanine, hemoglobine, hème,…) (en anglais et français)

« Solution Structure of Vanabin2, a Vanadium(IV)-Binding Protein from the Vanadium-Rich Ascidian Ascidia sydneiensis samea » Hamada et al. 2005, JACS, 127(12), 4216

Et merci à Taupo de ssaft.com pour les 2-3 infos que j’avais zappé !!

11 réponses à “Pourquoi le sang est-il rouge (ou bleu, ou vert, ou rose parfois) ?

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