Vous connaissez sans aucun doute les MOOCs : « Massive Open Online Courses » ? En général gratuits, dispensés par des universitaires reconnus sous forme de vidéos accompagnées de forum, d’exercices, hang out,…, les MOOCs sont apparus (sous cette dénomination du moins) en 2008 aux USA, en 2012 en France. Grâce à la plateforme FUN (France Université Numérique), chacun peut s’inscrire gratuitement à des cours en ligne passionnant, vous pourrez, par exemple, suivre un cours sur « Comprendre l’économie collaborative » (Mine ParisTech), sur « l’anatomie du bois » (Université de Lorraine), ou encore sur « Le language, entre nature et culture » (Université d’Aix-Marseille).
Souvent gratuits donc, les MOOCs m’ont tout de suite paru un formidable outil de démocratisation des savoirs. Quelque soit sa formation initiale, son âge, n’importe qui peut apprendre les secrets de la mécanique quantique, ou de la conception en aéronautique (La plupart des MOOCs ne sont cependant pas accessibles aux sourds et malentendants). La gratuité des cours (pas forcément des certifications, hélas…) permet d’envisager que les populations les plus défavorisées, si elles ont accès à internet, puissent aussi accéder à des cours de qualité dont elles sont généralement privées.
Et patatra ! En décembre 2015, un article de J.D. Hansen (Harvard) et J.Reich (Cambridge) dans la revue Science remet les pendules à l’heure (accessible ici, en accès libre ). D’après leur analyse sur les usagers de 68 MOOCs gratuits proposés par de grandes universités américaines, c’est avant tout aux classes socio-économiques supérieures qu’ils profitent. A travers des indicateurs qu’ils présentent comme robustes (niveau des études des parents, niveau d’étude moyen, et salaire moyen dans la zone geographique habité), ils montrent qu’il existe une corrélation forte entre niveau de vie, et usage des MOOCs. Corrélation encore plus marquée lorsqu’ils ont restreint leur échantillon à ceux qui finissent les MOOCs, et obtiennent les certificats de participation et de réussite.
Cela ne signifie pas que ces cours en ligne ne profitent pas aux classes sociales populaires. Simplement, elles profitent davantage aux classes aisées. Ainsi, au lieu de le réduire, ils augmentent l’écart entre la culture/ l’éducation des classes sociales.
Au-delà des MOOCs, les auteurs pointent qu’en matière de nouvelles technologies et de démocratisation des savoirs, c’est le scepticisme qui devrait être de mise. Pour eux, à chaque arrivée de nouveaux médias (radio, télévision, PC, internet…), la fin des inégalités devant les connaissances a été annoncée. À travers de nombreux exemples, et d’études plus anciennes, ils montrent qu’au contraire, ces nouveaux médias ont eu tendance à accentuer le fossé entre catégories socio-économiques.
Dans mon établissement scolaire où un lycéen sur trois est boursier, j’aime parler des MOOCs, de ce qu’ils peuvent apporter en terme d’autonomie dans la construction de son propre savoir. Malgré cette étude, je continuerai à le faire, à montrer des exemples. Puisque cet outil existe, autant le partager au maximum. Mais il serait bon de ne pas perdre de vue que l’accès au savoir se joue probablement bien plus tôt. Et qu’avant d’investir dans ces technologies, aussi spectaculaires et attrayantes qu’elles soient, c’est d’abord pour une école de qualité, égalitaire, enfin débarrassée des préjugés sociaux, qu’il faut œuvrer.
« Democratizing education? Examining access and usage patterns in massive open online courses » J.D. Hansen, J. Reich Science 04 Dec 2015 Vol. 350, Issue 6265, pp. 1245-1248
3 réponses à “MOOC : encore un effort pour démocratiser les savoirs !”