Les plantes et leurs poisons (7) : Le curare

Le curare est aussi produit par des végétaux du genre Strychnos. En fait, malgré le nom, très peu d’espèces Strychnos produisent de la strychnine, et elles sont beaucoup plus nombreuses à produire du/des curares.

Ce qui est surprenant, c’est que l’effet du curare sur l’organisme semble exactement opposé à celui de la strychnine : alors que ce dernier poison provoque des convulsions, des contractions des muscles violentes, car il va bloquer l’inhibition des motoneurones [qui commandent aux muscles de se raidir], les curares vont au contraire empêcher les muscles de se contracter. En agissant en antagoniste des récepteurs nicotiniques à acétylcholine, ils vont complètement inhiber les motoneurones.

La strychnine cause la mort par étouffement car les muscles de la cage thoracique restent en permanence contracté. Le curare cause la mort par… étouffement, car les muscles de la cage thoracique ne peuvent plus se contracter. MAIS… C’EST MOINS DOULOUREUX. Mais non, je rigole !! Enfin, si. Je ne l’ai pas dit sur le billet précédent, mais la strychnine est considéré comme le poison le plus douloureux. Alors que le curare a trouvé dans cette capacité à décontracter les muscles une utilité médicale majeure : l’anesthésie.

Pour expliquer cela, il faut ajouter une petite précision : les motoneurones innervent les muscles squelettiques, dans le cadre du système nerveux volontaire. Les muscles de l’estomac, et surtout du coeur ne sont pas affectés par la perturbation par la strychnine ou le curare de ces neurones spécialisés. Bref, ces poisons absorbés, le coeur continue à battre normalement !

Le curare permet donc un relâchement des muscles, sans pour autant arrêter le coeur. Du coup, on peut « endormir » quelqu’un avec sans risque d’arrêt cardiaque, en prenant la précaution d’une respiration artificielle bien sûr. La décontraction musculaire permet en outre la facilitation de certaines pratiques nécessaires lors d’une intervention chirurgicale, comme les intubations.

Mais au fait, c’est quoi le curare ?

En chimie, ce terme évoque la tubocurarine, représentée ci-dessous :

Une bien belle molécule, qui a l’air symétrique, sans l’être tout à fait. Une de ses propriétés remarquables est d’être chargée ; jusqu’à présent, dans les exemples déjà rencontrés, les molécules n’étaient pas chargée, c’est à dire ne souffraient pas d’un manque ou d’un excès d’électrons [Je rappelle au passage que les atomes sont constitués d’un noyau et d’électrons autour, et qu’on peut considérer que les liaisons correspondent à des mises en commun de 2 électrons entre les deux atomes voisins]. Ici, les atomes d’azote sont déficitaires en électrons : il en manque un par atome. D’où la présence des « + » . Ces charges permettent à cette molécule de mimer d’autant mieux la molécule acétylcholine [LE messager des récepteurs visés par le poison], qu’elle contient elle aussi ce type de charge :

Acétylcholine

 

 

Du coup, l’affinité de la tubocurarine pour les récepteurs nicotiniques à acétylcholine est grande, et l’efficacité du poison … aussi.

Mais le terme « curare » désigne aussi d’autres molécules : en anesthésie, il existe DES curares : il s’agit tout simplement de composés, naturels ou de synthèse, qui ont une action myorelaxante (comme la tubocurarine) par inhibition des récepteurs nicotiniques. En voici quelques-unes (Cliquez sur la miniature pour voir l’image en entier) :

Ces molécules ont en commun, en particulier ces azotes chargées positivement, toujours afin de permettre leur fixation sur les récepteurs nicotiniques. Il existe d’autres composés, de structures proches de ceux-là, qui sont aussi utilisés en anesthésie.

Enfin, le terme « curare » peut désigner, de façon beaucoup plus large, tout une gamme de poison utilisée en Amazonie par les populations amérindiennes, en particulier pour la chasse. La tubocurarine est représentée, évidemment, mais aussi des poisons qui n’ont rien à voir (en particulier la strychnine, et des poisons issus d’animaux vénéneux…). Je vous laisse aller regarder pour cela le très bel article de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_curare_en_Amazonie. Bonne lecture !

Sources : divers wikipédia…

N.B. J’aimerais beaucoup avoir quelques retours sur cette série de billets sur les poisons… Compréhensible, trop basique, pas assez ? Intéressant, passionnant, quelconque ?

 

21 réponses à “Les plantes et leurs poisons (7) : Le curare

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