Comment faire des billets sur les poisons, sans évoquer toute une famille de végétaux, qui a donné les poisons les plus connus et formidables : le curare et la strychnine !
Le genre « Strychnos » représente près de 200 espèces recensées, dans toutes les zones tropicales du monde, depuis l’Australie jusqu’à l’Amérique du Sud. Parfois petits arbres, parfois lianes, elles produisent quasiment toutes du poison. Et pas n’importe lesquels !
L’espèce la plus connue est sans doute le vomiquier; qui est, une fois n’est pas coutume, plus connu sous son nom latin Strychnos Nux Vomica
En fait, en général, ce qu’on connaît de cette plante, c’est plutôt ça :
Ah oui, là, tout de suite, ça vous dit quelque chose ! Merci Boiron !!
Sérieusement, dans les graines de cet arbre se cache la fameuse strychnine :
Maintenant que vous êtes familier de la façon dont les molécules sont représentées, celle-là ne doit pas vous faire trop peur… Sa complexité s’exprime surtout à travers les multiples cycles (i y en a 7 sur cette si petite molécule !) (cycle = chaîne cyclique d’atome) qui sont fusionnés. Et même si sa première synthèse totale date de 1954 [Par l’équipe du grand, de l’immense R.B. Woodward], elle est toujours une source d’inspiration pour les chimistes. [D’après Google Scholar, la dernière proposition de synthèse totale est de 2010].
Synthèse totale ? Ah, je ne vous ai pas encore dit ? Les chimistes sont des grands enfants. Ils adoooorent se lancer des défis. En fait, il y a une classe à part de chimistes, qui cherche dans la nature de nouveaux produits. Ils finissent par les trouver, établir leurs structures, et les publient dans des journaux spécialisés, comme le Journal of Natural Products. Cela équivaut à une provocation : « Le premier qui arrive à réaliser la synthèse de ce composé, à partir d’autres, plus simples et déjà connus a gagné !! » [C’est ça, la synthèse totale !!] Et même si c’est parfaitement puéril, des dizaines d’équipes de chercheurs se lancent aussitôt dans l’aventure. Un des plus connus actuellement, c’est K.C. Nicolaou, au Scripps Institut. Complètement mégalo, il n’a pas moins proposé les plus impressionnantes synthèses totales de ces 20 dernières années…
Bon, revenons à notre strychnine. Comme beaucoup de poison, il s’agit d’une neurotoxine, c’est-à-dire qu’elle va agir au niveau du système nerveux. Plus précisemment, ce sont les récepteurs à glycine qui sont visés. Ces deux dernières espèces chimiques sont des neuro-médiateurs, et doivent se fixer sur leurs récepteurs, afin de permettre au message nerveux de se propager d’un neurone à un autre. La strychnine est un antagoniste de ces récepteurs, c’est-à-dire qu’elle va se fixer à la place du neuro-médiateur normal, bloquant ainsi l’accès. Le soucis, en particulier dans le cas des recepteurs à glycine, c’est qu’ils jouent un rôle fondamental dans la dé-contraction des muscles. Une personne empoisonnée à la strychnine va donc voir tout ses muscles hyper-tendus, et va décéder dans d’atroces souffrances d’étouffement, ne pouvant plus décontracter sa cage thoracique pour respirer…
Ah, j’oubliais : 100 mg, et un homme y passe. Plutôt efficace, comme poison. Mais [Ouf de soulagement] Au moins, on ne le trouve pas dans nos jardins comme les exemples précédents ! (Vous vous souvenez ? la cigüe, le muguet, le ricin, le tabac, et l’if …) . Enfin, on ne le trouve plus ! Parce que strychnine a servi jusqu’en 1999 comme mort au rat !
Sources : Wikipedia bien sûr !
Et au prochain épisode, le curare, issus de végétaux du même genre Strychnos !
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