[Flash Info Chimie] #46 Les dispersants chimiques censés lutter contre les marées noires sont contreproductifs

Lors de la marée noire provoquée par la plateforme Deepwater Horizon, des millions de litres de « dispersants chimiques » ont été déversés au niveau des nappes de pétroles qui dérivaient dans l’océan Atlantique. Ces dispersants, composés d’un mélange d’émulsifiants et de solvants ont pour action de fractionner les nappes en micro-gouttelettes. Ces micro-gouttelettes peuvent se disperser plus aisément, se répartissent dans tout le volume d’eau au lieu de rester exclusivement en surface. Elles présentent également une plus grande surface de contact avec leur environnement, ce qui est censé accélérer le processus de biodégradation du pétrole.

Épandage du dispersant chimique "Corexit" (Wikipédia)

Épandage du dispersant chimique « Corexit » (Wikipédia)

En décembre 2015, une équipe de recherche a publié un article alarmant sur les conséquences de l’utilisation de dispersants dans le Golfe du Mexique suite à la marée noire de Deepwater Horizon.(1) D’après les recherches de Sara Kleinstienst, de l’université de Georgie et ses collègues, les dispersants utilisés sont même contre-productifs. En effet, ils ont constaté que la dégradation du pétrole par les micro-organismes, qui se traduit par l’oxydation des hydrocarbures qui le compose est considérablement ralentie par l’ajout des dispersants.

Comparant les populations des micro-organismes qui dégradent ces hydrocarbures, les scientifiques se sont rendus compte qu’elles augmentaient en présence de pétrole brut, mais au contraire diminuait lorsqu’on y ajoutait des dispersants chimiques. En fait, la présence de ces dispersants favorise les micro-organismes qui les dégradent EUX, au détriment des micro-organismes qui dégradent les hydrocarbures…

Ce n’est pas la première fois que les dispersants chimiques sont pointés du doigt. De nombreuses études ont mis en avant les doutes qui existent quant à son innocuité vis-à-vis des travailleurs qui les manipulent, vis-à-vis des organismes marins, etc… D’autre part, leur efficacité n’a pas toujours été à la hauteur des attentes des autorités, et des entreprises pétrolières. (2)*

Un certain nombres de pays européens, exposés au risque de marée noire, a fait des réserves stratégiques du même type de dispersants que celui utilisé pour Deepwater… En cas de catastrophe, ne faudra-t-il pas les laisser au hangar ?

*Il faudrait faire une étude exhaustive sur le sujet. Dans la notice Wikipédia, on peut lire qu’en 2010, une méta-analyse du fabriquant du dispersant montrait une relative faible toxicité. Mais en 2012, une nouvelle étude montrait elle une augmentation nette de la toxicité du pétrole lorsqu’il était en présence de dispersants, et en 2013, une autre étude montrait une élévation du taux de cancers chez les travailleurs qui manipulent ces produits. Encore en 2013, un article dans PLOS One décrivait les effets toxiques de dispersant chez les coraux…

(1) « Chemical dispersants can suppress the activity of natural oil-degrading microorganisms » S. Kleindienst et al. PNAS 2015, 112(48), 14900-14905

(2) Wikipédia : « Corexit » (nom du dispersant chimique utilisé) et « Oil Dispersant »

 

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