Je ne vais pas ici vous donner mes recettes magiques, mais plutôt parler du livre « Comment préserver les ressources naturelles » de J.Ballet, J.-M.K. Koffi, K.B. Komena et T.M. Randrianalijaona.
Plus précisément, cet ouvrage traite de ce qu’on appelle la « gestion participative », ce qui peut se comprendre comme l’implication des populations locales dans la gestion des ressources naturelles, eau, forêt, produits de la chasse et la pêche.
Je dois dire avant tout que je ne suis pas du tout un spécialiste de ces questions, et c’est donc avant tout en citoyen du monde, curieux, et attentif aux grandes orientations politiques et écologiques (ou écolo-politique si on préfère) internationales que j’ai lu ce livre.
J’ai beaucoup apprécié les propos éclairés d’exemples souvent édifiants. Il s’avère que les auteurs sont très critiques vis-à-vis des projets de gestion participative qui sont actuellement mis en oeuvre par les états, les ONG, et les grands organismes internationaux d’aide au développement.
La préservation des ressources naturelles est une préoccupation née à la fin du XIXème siècle, et le plus ancien parc naturel, le parc de Yellowstone, a été créé en 1876. Dans les années 20, et bien plus encore après a deuxième guerre mondiale, de nombreux parcs naturels sont crées. Il s’agit alors, pour la plupart, de zones conservées pour le tourisme, voire pour la chasse sportive.
Il n’empêche. Ces parcs sont là, et des projets de préservations sont menés par les administrations centrales nationales, mandatées, épaulées par de grands organismes internationaux comme l’UICN (International Union for Conservation of Nature). Jusqu’à la toute fin du XXème, les populations locales ne sont pas associées ni aux décisions, ni à la gestion de ces projets. Evidemment, cela pose de sérieux problèmes. Tout d’abord, les états des pays pauvres n’ont pas les moyens de contrôler ces zones protégées, et la corruption, les luttes de pouvoir empêchent une préservation efficace. Ensuite, les méthodes étant imposées depuis un lieu lointain (la capitale du pays), elles sont rarement adaptées aux spécificités de chacune des zones. Et enfin, on assiste à une dé-responsabilisation des populations locales. qui parfois se mettent à sur-exploiter ces ressources, qui ne leur appartiennent plus.
Dans les années 90, la notion de gestion participative prend de l’importance, et les grands organismes internationaux en font une condition impérative de déblocage de fonds pour les projets de préservation des ressources naturelles. Ce que mettent en avant les auteurs, c’est justement un échec global de cette politique. L’idée de départ, pourtant, semble être la bonne : impliquer les populations locales dans la gestion et la préservation des ressources, plutôt que d’imposer depuis l’extérieur des méthodes, potentiellement inadaptées, et néfastes pour les habitants. Le problème, c’est que cette notion de « gestion participative » recouvre des réalités bien différentes.
Dans le plus grand nombre de cas, la « gestion participative »… ne l’est pas vraiment. Les populations locales sont souvent consultées par les ONG et par les états qui mènent les projets, et sont exclues des prises de décisions. Dans certains cas, elles bénéficient de quelques rentrées financières liées à l’accès payant des parcs naturels, ou d’emplois dans ceux-ci. Mais ce sont les ONG et les états qui sont les véritables bénéficiaires des subventions internationales, et qui continuent à gérer, seuls, les projets. Il existe bien sûr des contre-exemples, soulignés dans l’ouvrage, mais dans la plupart des cas, la notion de « gestion participative » reste un faire-valoir nécessaire pour l’obtention de fonds.
De nombreux exemples de dysfonctionnements de ces « gestions participatives » sont soulignés, depuis les problèmes causés par ces projets, qui parfois durent quelques années, avant d’être abandonnés, aux questions de démocratie et accroissement des inégalités au sein des communautés qui vivent aux abords des zones protégées. Mais je souhaitais revenir précisemment sur ce qui,pour moi, est au coeur du problème : cette protection des ressources naturelles ne se fait pas AVEC les populations locales, mais CONTRE elles. Il ne s’agit pas d’apprendre, et de favoriser une gestion durable de ces ressources, mais dans la très grande majorité des cas, de les sanctuariser, au mieux dans un but scientifique de préservation totale, « au pire » dans « à des récréatives ». Les populations qui vivent de ces ressources en sont, au nom de l’intérêt supérieur de l’environnement, complétement privées.
Je vous propose quelques lignes, qui résument plutôt bien ces quelques notes :
« En mettant en place des projets participatifs sans grande envergure ou sans grands enjeux, les autorités nationales satisfont aux exigences des bailleurs de fonds tout en maintenant la captation de la rente sur les ressources clés. Parallèlement, certaines ONG de conservation de la nature captent l’essentiel des fonds destinés à la protection de la nature, en vertu du principe de gestion participative. Peu de projets d’importance destinés aux populations locales sont finalement mis en oeuvre. Et quand ils le sont, ils le visent surtout à détourner ces populations des zones protégées gérées par les ONG et les services techniques de l’état.(…) La gestion participative [est] essentiellement desitnée à conserver la nature pour elle-même, en réduisant les bénéfices réels pour les populations locales, par effet de sanctuarisation.«
Et un peu plus loin :
« Les populations sont toujours considérées comme des prédateurs sur les ressources qu’il faut écarter à tout prix »
Face à ces constatations très négatives, les pistes de réflexion proposées par les auteurs en conclusion : « Sortir du néo-colonialisme écologique« , « Penser la conservation comme un outil de développement« , et « Faciliter la création d’une culture commune » semblent hélas correspondre à des bouleversements culturels et politiques tels qu’il est illusoire de voir dans un futur proche ou plus lointain un véritable renouveau, enfin sincère, de cette notion de « gestion participative ».
Ecrit assez simplement, Ce livre intelligent ne nécessite pas de connaissances précises sur le sujet, ce qui est assez appréciable. S’il fallait faire néanmoins une critique, les exemples se succèdent parfois à un rythme trop soutenu, ce qui cause une certaine confusion. Dans tous les cas, cet ouvrage est à mettre entre toutes les mains de ceux qui espèrent, ou croient préserver à la fois l’Homme et l’environnement.
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