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>Où trouver des informations fiables sur l’éducation ? (1)

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   Avec la campagne de 2012 qui se met en place, le projet « Votons pour la Science », et les manifs d’enseignants, on entend beaucoup, beaucoup de statistiques sur l’éducation nationale, le salaire des profs, le niveau des élèves… Comme par hasard, la situation n’est pas si mauvaise pour la droite, et catastrophique pour la gauche de l’échiquier politique. Et pourtant, tous partent des mêmes sources, et en particulier des données de l’OCDE. Alors, au lieu de dire : qui croire ? allons voir l’information brute. LA ressource, c’est la publication « Regards sur l’éducation 2011« , disponible sur le net.
Avant d’aller plus loin dans l’analyse de quelques exemples, juste un rappel sur ce qu’est l’OCDE, Organisation de coopération et de développements économiques
« La mission de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) est de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde.(…)
L’OCDE offre aux gouvernements un forum où ils peuvent conjuguer leurs efforts, partager leurs expériences et chercher des solutions à des problèmes communs. (…) Nous examinons également le coût des impôts et de la sécurité sociale pour les citoyens, ainsi que le temps libre dont ils disposent. Nous comparons la façon dont les systèmes éducatifs préparent les jeunes à la vie moderne et la façon dont les systèmes de retraite protègeront les citoyens plus âgés. »

Ça, c’est pour le principe. Ensuite, il est intéressant de voir quels sont les états membres de l’OCDE. Ils sont 34. Certains franchement riches (Suisse, Luxembourg, Norvège,…) certains franchement…moins riche (Indonésie, Slovaquie, Hongrie,…) La France, puissance économique notable, sans être assise sur une réserve stratégique de pétrole, ni être un paradis fiscal, se situe dans la moyenne, avec l’Allemagne, les USA, l’Italie, la Belgique, l’Angleterre,… En fait, d‘après les données et les modes de calculs de l’OCDE, qui tiennent compte du pouvoir d’achat pour comparer les PIB par habitant, en 2008, le PIB / habitant de la France était exactement le même que le PIB/hab moyen de l’OCDE. (SOURCE)

Cela amène à une première remarque : 
 Donc si la France apparaît, sur les différents critères comme « dans la moyenne de l’OCDE », ça pourrait être convenable, voire satisfaisant… Oui, mais n’est-il pas important de comparer aussi la France avec les autres pays européens qui lui sont proches, comme l’Allemagne, le Royaume -uni, la Belgique, … ou avec les pays dont l’influence est majeure (USA, Japon…) ? On essaiera donc de voir les résultats de plus près.

Je ne vais ici prendre que quelques exemples, qui ont été (très) repris ces derniers temps par les politiques. (Je ne citerais pas a priori les chiffres, éventuellement les écarts avec les autres pays. Pour ces données, voir les liens sur les documents de l’OCDE)


Premières statistiques : le salaire des enseignants.
Très commenté… par Le Monde, Luc Chatel, tel député de la majorité UMP, tel candidat à la primaire socialiste,… Et on entend de tout : salaires tout à fait dans la norme de l’OCDE, voire au dessus en fin de carrière ; salaire en diminution depuis 15 ans, tout à fait convenable pour certains, insuffisant pour d’autre.

Allez, plongeons-nous dedans… Faut dire que c’est tout un chapitre des « Regards sur l’éducation ». Voici le lien pour le télécharger en pdf.
Encore une remarque préliminaire : les salaires ont été lissés en fonction du coût de la vie (c’est la mention « sur la base des PPA« )
Et tout de suite, première statistique : en 2009, la France est en dessous de la moyenne de l’OCDE quant à la rémunération des enseignants en début de carrière, au bout de 10 ans, au bout de 15 ans de carrière (entre 5 et 10 % d’écart). Par contre, à l' »échelon maximum », un enseignant français dépasse la moyenne au dessus d’environ 5-10 %).Sans ambiguïté.
Si on regarde les 3 premières statistiques (en début de carrière, après 10 ans, après 15 ans), là où c’est assez inquiétant, c’est que tous les pays comparables à la France font mieux. Je ne parle pas du Luxembourg, où un enseignant commence à 80000 USD par an ! ni de la Hongrie, où il ne dépasse pas les 20000 à la fin de la carrière. Si on regarde l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Belgique, etc… Tous sont au dessus de la France.
Si on regarde le fameux « échelon maximum », qui fait dire à certains qu’en France, en fin de carrière, les enseignants sont plutôt bien lotis, on est au-dessus de l’OCDE, mais encore en dessous de la Belgique, Allemagne, USA, Espagne, Portugal, … On est mieux qu’en Italie, Suède, Norvège. Encore faut-il savoir qui atteint cet échelon. Sur le site du ministère, on peut voir que le salaire en fin de carrière varie entre 2500 et 3000 euros, en fonction de l’avancement. Manifestement, tout le monde n’atteint pas l’échelon maximum. Pour en avoir une idée plus précise, l’OCDE a aussi publié le temps moyen qu’il faut pour l’atteindre : 34 ans (p 445). Je ne vais pas comparer ce chiffre avec les autres pays. 9 pays font aussi long ou plus long, les autres moins. Toujours est-il que c’est long, 34 ans, et on peut penser à de nombreux enseignants qui ne l’atteindront jamais. Et qui resteront, inéxorablement, en dessous de la moyenne de l’OCDE, et vraiment en dessous de la moyenne des pays de l’Europe de l’Ouest.
Une dernière remarque. Luc Châtel a pris acte de ces chiffres début septembre, et a regretté que les heures supplémentaires, et les différentes primes ne soient pas prises en compte par l’OCDE. Pour ce qui est des primes, p 449 du même document, figure un tableau recensant les différentes situations où elles existent dans les pays membres. Le résultat est clair : la France ne semble pas donner plus de primes que les autres pays. Sans, il faut le reconnaître, que le montant de ces primes soient précisées. Pour les heures supp’, il est vrai que les enseignants du secondaire en ont, globalement, autant qu’ils le veulent. Ce qui est permis par une durée de travail statutaire de 18 heures (devant les élèves). Il est à noter que les professeurs du primaire ont un temps de travail de 27 heures, avec beaucoup moins de prime, et une possibilité très restreinte de faire des heures supplémentaires.
Certaines statistiques complémentaires sont donc nécessaires pour parfaire l’analyse, puisque d’après le ministre de l’éducation nationale, il faut augmenter de 10 à 13 % les montants annoncés par l’OCDE pour arriver aux vrais salaires des professeurs. Et il est inutile de comparer alors ces résultats aux autres pays, pour lesquels il faudrait aussi augmenter les montants… Sans compter le temps de travail, qui est très difficile à comparer, entre des pays où comme la France, seulement la présence devant les élèves est comptabilisé et d’autres, où le temps de travail tient compte des réunions, d’heures d’astreinte dans les établissements… Et puis on peut parler de la pénibilité du travail, lié aux nombres d’élèves par classe, aux diverses obligations complémentaires…

allez, une petite pause… la vie des profs, vue par W. Disney (1952)…

A suivre : le budget par an, et par élève/étudiant. [ Ouille, celle-là aussi a été âprement commentée. ]