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Quand les fruits frais sont chers, la santé des enfants trinque ?

Une étude vient de paraître dans le journal Pediatrics sur l’influence du prix des fruits et légumes frais, sur l’indice de masse corporelle des enfants. J’en ai parlé rapidement sur Les Vendredis Intellos, mais je voulais aller un peu plus loin ici.

Ses résultats sont pour la plupart conformes à ceux auxquels on s’attendait :

  • Plus les fruits sont chers, plus l’IMC est grand
  • Plus le prix des sodas sont élevés, plus l’IMC est faible

Certes, les effets notés ne sont pas très importants, mais ils sont statistiquement fiables. Mais peut-on dire qu’il faut subventionner les fruits et légumes frais, et taxer davantage les boissons sucrées ?

Une étude très limitée

Même si ce lien entre les prix des aliments « sains » et l’indice de masse corporelle est satisfaisant d’un point de vue idéologique (camarades, luttons pour l’accès gratuit aux aliments de base !! Hum…), cette étude reste très limitée, et, évidemment, il serait très osé de la transposer dans la situation française. Les auteurs en ont conscience, et précisent quelques limitations. Pour ma part, j’en note quelques unes :

  • En raison de données manquantes, les zones rurales ne sont pas du tout représentées dans ce travail. Alors que l’IMC moyen y est plus élevé, et que le taux d’obésité est plus grand.
  • « Corrélation » ne signifie pas relation causale. Les prix des produits frais, comme des aliments issus des fast-foods dépendent de facteurs très variés, dont, en particulier, le profil socio-économique des habitants, leur pouvoir d’achat, la proximité de centres de production… La connotation culturelle de l’alimentation est aussi très forte, et il semble difficile de déterminer des groupes à « culture » comparable, pour déterminer comment le prix de ces produits frais influe sur leur consommation, et comment cela influe sur l’IMC
  • Un exemple qui illustre (d’après moi) le point précédent est la corrélation (faible, mais réelle) entre des prix élevés pour les fast foods et un IMC moyen plus élevé relevé par les auteurs. Difficile à interpréter autrement que par des considérations sociologiques, économiques ou culturelles…
  • En France, l’obésité infantile est en recul (c’est sans doute un des seuls pays dans le monde où c’est le cas), et est passé de 17 % à 14 % chez les enfants de 3 à 10 ans, entre 1999 et 2007 (après une forte augmentation) (source : ANSE, cité ici). Pourtant, dans la même période, les fruits frais ont augmenté de 20 % en France, alors que les produits agricoles hors fruits, augmentaient de 15 % (voir les statistiques de l’INSEE sur les prix des produits agricoles, (série longue IPPAP)), et que l’indice (plus général) des prix de la consommation augmentait aussi de 15 % (source : wikipédia). La corrélation entre le prix des fruits et de l’IMC en France est donc loin d’être avérée.

Alors, quel peut être l’intérêt de cette étude ?

Je pense que c’est une véritable question. Les auteurs affirment que des travaux complémentaires permettrait d’établir si il y a une relation causale ente les prix et l’IMC. En particulier, en étudiant les évolutions des IMC chez les ménages qui déménageraient dans une zone où les prix des denrées alimentaires seraient différents de leur lieu d’habitation initial. Pourquoi pas ? Mais les risques de voir persister les biais sociaux et culturels sont grands à mon avis.

En fait, il me semble que cette étude permet de mettre en avant une hypothèse probable, qui est celle du lien entre prix à la consommation des denrées de « bonne qualité », et la santé, c’est-à-dire un lien entre l’accessibilité de ces produis sains pour l’ensemble de la population et la bonne santé. Cette hypothèse est sans doute invérifiable d’un point de vue scientifique. Mais on peut, dessus, construire une politique visant à permettre un contrôle des prix des denrées, afin de favoriser celles qui auraient un impact positif sur la santé. Créer un chèque « produit frais » pour les ménages défavorisés, subventionner l’agriculture maraîchère locale, taxer la « junk food »… Même en cas de réussite de cette action politique, on ne démontrera pas qu’il y a un lien absolu entre ces deux paramètres (prix et santé). C’est le propre des sciences politiques, où aucune expérience n’est totalement transposable à un autre moment et à un autre lieu. Mais cela ne vaut-il pas le coup d’essayer ?

Local Food Prices and Their Associations With Children’s Weight and Food Security Morissey et al. Pediatrics 2014, p 422-430. [Article gratuit]

On pourra lire aussi :

La violence durant les études médicales

Ce billet fait écho à celui écrit et partagé sur le site Les Vendredis Intellos, avec un point de vue légèrement différent.

Je m’étais déjà lâché dans un billet : « Quand la médecine fait mal« , relatant quelques exemples de violence fait par les médecins à des patients, par incompétence, morale et psychologie de bas étage, habitude, irrespect, etc… Ce billet relatait de façon non scientifique des expérience vécues par des proches.

Ici, ma chère Mme Déjantée m’a fait passer un article d’un médecin qui a mené durant plusieurs années un projet pédagogique autour des violences durant les études de médecines. Il ne s’agit pas ici de parler de la violence entre étudiants, au cours de beuveries collectives, ou non plus les pratiques très très douteuses des salles de gardes, dont le magazine « Causette » avait parlé. Il s’agit ici des violences dont sont victimes les étudiants durant leurs stages en milieu hospitalier.

Karin Parent, médecin à l’Hôpital Luxembourg à Paris a proposé à des étudiants en médecine ou en maïeutique (étude de sage-femme, mais la « maîeutique », ça fait plus chic) qui suivait son cours optionnel sur les soins palliatifs de rédiger un texte. Non pas centré sur les patients, mais

« [centré] sur la reconnaissance de l’étudiant comme personne, avec son histoire, ses expériences de soin personnelles ou professionnelles, son affectivité, son désir d’exercer une médecine porteuse de sens, et ses pleines capacités réflexives à nourrir pour qu’il les développe. »

Et là, elle raconte

« J’avais très envie de découvrir sur quels thèmes ces jeunes hommes et ces jeunes femmes (21—23 ans) avaient travaillé. Ma curiosité s’est transformée en surprise, en stupéfaction, et en saisissement : au-delà de capacités de réflexion, de distance critique, ou de problématisation, ce qui s’exprimait-là, sur des sujets variés, était un vécu de violence si fort qu’après avoir lu la moitié des écrits, poursuivre la lecture m’est devenu insupportable« 

Avant d’aller plus loin, je souhaite faire une petite remarque. Je considère ici qu’il s’agit d’un article scientifique. Plus précisément ce qu’on appelle une monographie en sociologie, où le point de vue subjectif de l’auteur affleure naturellement, et fait partie intégrante du travail réalisé. Ici, la lecture de cet article fait apparaître qu’il s’agirait plutôt d’un acte de colloque, de la conclusion d’un travail de groupe durant un séminaire. Sa valeur n’en est qu’augmentée.

Entrons dans le vif du sujet. Pour l’auteure, les violences (psychologiques) qui s’exercent sur les étudiants sont de deux types : certaines sont inhérentes à l’apprentissage du métier de soignant, et d’autres, par contre, sont évitables, et correspondent au vécu de certaines situations qui violent leur éthique et leur représentation du rôle du soignant.

« Soigner, c’est transgresser »

Quand j’ai lu ces 4 mots, j’ai été assez marqué. Par la violence que cela représente, en même temps que par la nécessité évidence de la transgression dans ces métiers. Ces étudiants vont parfois faire mal à leur patient (une perfusion mal posée), à toucher leurs parties intimes, très intimes (toucher rectal, toucher vaginal).

Ils doivent apprendre à faire à l’autre ce qui est interdit aux autres non soignants, et à le faire de façon responsable.

Mais il n’y a pas que cela qui est violent, sans pour autant être anormal. Comment annoncer à un patient qu’il va mourir, à ses proches qu’ils vont être orphelins ? On critique souvent, et à juste titre les médecins qui ne savent pas le faire, et qui se protègent eux-mêmes en étant froids, distants. Ils devraient tous avoir appris à se comporter autrement. Mais ce n’est pas (assez) enseigné. Alors reste leur souffrance cachée derrière un masque.

« Ils sont en train de faire ÇA à ce malade. Personne ne dit rien, il n’y a que moi que ça gêne ici »

Et puis il y a ce que l’auteure appelle la « surviolence« . La violence inutile, gratuite, qui découle de l’abus de pouvoir du soignant sur le patient. Une élève raconte une scène terrible :

En deuxième année, les étudiants n’ont pas 20 ans. Un chef de service emmène un petit groupe d’étudiants dans une chambre. Il demande à la patiente de se mettre à quatre pattes, lui enlève son sous-vêtement et dit aux étudiants : « Entraînez-vous au toucher rectal, je reviens dans dix minutes ». Le médecin parti, les étudiants se regardés, se sont excusés, ils ont rhabillé la patiente et ils sont sortis.

La relation entre le patient et le soignant est « asymétrique » : l’un a beaucoup d’ascendant sur l’autre, sans que cela soit réciproque. L’abus de pouvoir est à portée de main du médecin, qui a pour s’en prémunir la déontologie et l’éthique personnelle. Par contre, la confrontation avec des actes inutiles et en désaccords profonds avec sa morale personnelle est très déstructurant pour l’étudiant.

[L’abus de pouvoir] sature ses capacités d’analyse rationnelle, sidérées par un ressenti composite intense de stupéfaction, d’incrédulité, d’horreur, de crainte, de révolte, d’impuissance, de solitude, de rupture d’idéal et de perte de confiance dans le modèle.

 Que faire de ces violences subies, et rapportées par les étudiants ?

L’auteure pose bien sûr la question des suites à donner à ces violences psychologiques rapportées par les étudiants. Qu’en faire ? Une des étudiantes qui suivait ce cours a rapporté des évènements graves, qui ne sont pas détaillés dans l’étude, mais qui pourrait relever du pénal. Qu’en faire ?

Afin d’aider ces étudiants, la première chose est d’instaurer un climat de confiance entre eux et les enseignants. Pour que ces violences puissent être explicitées. Rompre la solitude, et en parler avec les autres étudiants est pour K. Parent un élément central. Mais il reste le rôle joué par l’institution. Là, le constat est amer. Cette étudiante qui a fini par témoigner de violences terribles a eu pour seul retour… de changer de service. Au delà des faits répréhensibles qui ne seront jamais portés devant un conseil de discipline ou la justice, c’est la confiance dans le système qui est plus qu’ébranlée.

Au-delà de la souffrance des jeunes adultes, qui est déjà insoutenable lorsqu’elle est évitable, c’est la pratique même des métiers de la santé par ces futurs soignants qui est affectée par cette violence. Car la transgression d’une éthique, de la conviction que le médecin, la sage-femme est là au service du patient provoque une perte de repère qui peut conduire à la reproduction de ces mêmes violences.

J’ai souvent critiqué le comportement de certains médecins. Coupables à mes yeux de violences inutiles, volontaires ou non. Avec cet éclairage, de la façon dont ils sont mal-traités durant leurs études, je comprends mieux.  Et cela donne aujourd’hui un angle d’attaque pour faire évoluer la situation.

D’autant que tous les soignants ne reproduisent pas ces violences. Alors chantons les louanges des Martin Winckler, JADDO, Dr Borée, Leyla-MK (kiné de son état), FarfaDoc et quelques autres (tant d’autres !) qui un jour se sont dit, pendant leurs études,( ou après), des mots qui ressemblaient à « N’oublie pas, n’oublie pas, n’oublie pas« . (Voir par exemple ce billet de Dr Borée sur la pétition pour des chemises d’hôpital, qui renvoie des liens vers de nombreux blogs de soignants)

Source : « Que faire des violences rapportées par les étudiants » K. Parent Ethique et Santé 2013, 10 (3), pp 155-162

La prise en charge de l’hyperactivité par la ritaline

La Ritaline, c’est le nom commercial de la méthylphénidate (à gauche ci-dessous), une substance psycho-active de la famille des amphétamines (à droite ci-dessous), et qui est prescrite pour « soigner » l’hyperactivité chez l’enfant de plus de six ans.

Ritaline

Ritaline

Methamphetamine

Methamphetamine

 

 

 

 

 

 

Tout récemment, un article paru sur le site de BFMTV a ému : la Ritaline est appelée « Drogue des enfants », et le médecin généraliste D Dupagne la critique clairement. Kiara, dans son billet de la semaine dernière sur Les Vendredis Intellos relaie cette publication avec beaucoup de justesse. Je suis allé voir du côté des recommandations de la Haute Autorité de la Santé, pour y voir un peu plus clair… Celles-ci sont disponibles ici (avec les précieuses et intéressantes annexes), et sont récentes, puisqu’elles datent d’octobre 2012. Mais tout d’abord, un rappel, et de taille. Il y a une grosse disparité sur la façon dont ce médicament est prescrit. On estime à 10 % la proportion des jeunes garçons sous ritaline en 1996. En France, c’est beaucoup beaucoup plus faible. La raison est simple : il faut une Prise en charge Initiale Hospitalière (PIH) par un pédopsychiatre hospitalier pour l’ordonnance, renouvelée ensuite par n’importe quel médecin généraliste. Et cette PIH doit être renouvelée chaque année. Evidemment, cela limite très fortement les prescriptions. Donc, ce médicament est prescrit dans les cas de TDAH : Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité. Pour y voir plus clair, on peut regarder l’article de Wikipédia en plus du rapport de la HAS. Soyons concis, relevons les points clés :

  • Le Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité N’EST PAS un trouble du comportement, même pour le DSM-IV, qui est pourtant souvent accusé à juste titre de déclarer « maladie psychiatrique » tout et n’importe quoi. Il est néanmoins un facteur de risque majeur pour de réels troubles, comme par exemple les « troubles de la conduite« 
  • Le « diagnostic » du TDAH repose sur plusieurs « symptômes », ou plutôt sur plusieurs observations, de la part des proches, et de la communauté éducative : inattention, impulsivité, hyperactivité.
  • D’après l’OMS, c’est un « trouble caractérisé par un début précoce (habituellement au cours des cinq premières années de la vie), un manque de persévérance dans les activités qui exigent une participation cognitive et une tendance à passer d’une activité à l’autre sans en finir aucune, associés à une activité globale désorganisée, incoordonnée et excessive.

Passons au traitement médicamenteux, et à l’avis de la HAS. La ritaline est un médicament, avec des effets secondaires. Classé comme stupéfiant, il peut causer en particulier des problèmes cardiaques, prurit, urticaire, nausées, somnolence, vertiges pour ne citer que les plus fréquents. (source) Compte tenu de ces effets indésirables, la HAS conclut son avis :

« Le rapport efficacité/effets indésirables de ces spécialités est moyen

 (…) En conséquence, en l’état actuel des connaissances, les spécialités à base de méthylphénidate présentent un intérêt de santé publique dans cette indication. Cet intérêt est faible.« 

L’intérêt est faible, mais il existe :

« La Commission de la transparence considère que :
Le service médical rendu par RITALINE et RITALINE LP reste important dans le cadre d’une prise en charge thérapeutique globale du TDAH chez l’enfant de 6 ans et plus lorsqu’une prise en charge psychologique, éducative et sociale seule s’avère insuffisante. »

La commission de transparence s’inquiète des risques à long terme, qui sont mal connus encore (conséquences cardiaques, psychiatriques et neurologiques).

On peut aller un peu plus loin dans l’étude de l’intérêt de ce médicament en lisant l’annexe de ce rapport, et certaines publications qui s’y rapportent. Une méta-analyse et une analyse randomisée ont été en particulier menées sur l’intérêt du médicament par rapport à une prise en charge sans médicament.

Les résultats de la première (Etude NICE en 2009, menée au Royaume-Uni) montre une supériorité du traitement médicamenteux (avec ou sans prise en charge psychosociale) par rapport à un placebo (sur 3 semaines et 3 mois). La prise en charge médicamenteuse seule est comparable avec une prise en charge combinée (ritaline + prise en charge psychosociale), mais les parents notent une plus grande efficacité de la prise en charge combinée en fin de traitement (entre 8 semaines et 2 ans).

Pour la seconde étude (Etude MTA aux USA), la prise médicamenteuse vs placebo a été étudiée sur des délais plus long :

  • Au bout de 14 mois, la prise de méthylphenidate (combinée ou seule) a été plus efficace que la prise du placebo.
  • Au bout de 24 mois, même conclusion
  • Au bout de 36 mois et au bout de 8 ans, aucune différence entre les différentes prises en charge n’a été observée.

Il apparaît clairement que la ritaline apporte un véritable soulagement, mais que cela ne persiste pas dans le temps. La HAS précise ainsi un peu plus loin :

« Il n’est ni nécessaire, ni souhaitable que la durée du traitement par méthylphénidate soit indéfinie. (…) Il est recommandé d’interrompre le traitement par méthylphénidate au moins une fois par an afin d’évaluer l’état de l’enfant (de préférence pendant les vacances scolaires). Une amélioration peut se maintenir à l’arrêt du traitement qu’il soit temporaire ou définitif. »

On comprend un peu mieux les raisons de cet « intérêt faible » de la Ritaline.

Une remarque, tout de même : la prévalence de ce trouble dépend énormément de la région du monde. Beaucoup plus important aux USA, en Europe du Nord par rapport à l’Europe du Sud par exemple. Certaines études le relient directement au marketing des industries pharmaceutiques qui commercialisent le méthylphénidate. Dans ce cadre, est-il possible de correctement transposer d’un pays à l’autre les résultats des analyses, réalisées en Europe du Nord (R.-U.) ou aux USA ? Et comment cela doit être prise en compte par les autorités sanitaires dans leur ajustement de leurs recommandations ?

L’autre question est comment, et quand prescrire ? A cela, la HAS affirme (citation plus haut) « lorsqu’une prise en charge psychologique, sociale et éducative seule s’avère insuffisante« . Pour mieux comprendre ce qui se fait, il faut aller prendre des infos par exemple sur le site tdah-france.fr : on y lit l’interview de M.-C. Mouren, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Debré. Ce professeur de médecine souligne en particulier « que pour le moment, le diagnostic débouche sur une « adaptation thérapeutique plutôt univoque » (traitement médicamenteux) » : Lorsque le diagnostic de TDAH est posé, c’est le médicament en première intention, contrairement aux recommandations !

Enfin, je vous invite à lire, sur ce même site, les « critères diagnostics du DSM – IV » (en bas de cette page). Je les trouve assez effrayants, par leur banalité. Jugez plutôt pour cette première liste de critère (il en faut 6, présent de façon « inadaptée à l’âge de l’enfant », persistant plus de 6 mois, pour poser le diagnostic de TDAH) :

  • Souvent ne parvient pas à prêter attention aux détails ou fait des fautes d’étourderie dans les devoirs scolaires, le travail ou d’autres activités ;
  • A souvent du mal à soutenir son attention au travail ou dans les jeux ;
  • Semble souvent ne pas écouter quand on lui parle personnellement ;
  • Souvent, ne se conforme pas aux consignes et ne parvient pas à mener à terme ses devoirs scolaires, ses tâches domestiques ou ses obligations professionnelles (non dû à un comportement d’opposition ni à une incapacité à comprendre les consignes) ;
  • A souvent du mal à organiser ses travaux ou ses activités ;
  • Souvent évite, a en aversion, ou fait à contrecoeur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu (comme le travail scolaire ou les devoirs à la maison) ;
  • Perd souvent les objets nécessaires à son travail ou à ses activités (jouets, cahiers, crayons, livres, outils) ;
  • Souvent se laisse facilement distraire par des stimuli externes ;
  • A des oublis fréquents dans la vie quotidienne.

Je ne suis pas pédopsychiatre hospitalier. Mais avec des critères aussi… vagues et communs, qui dépendent du vécu de l’entourage de l’enfant, comment ne pas mettre en doute ce type de diagnostic ?

Je ne suis pas non plus parent d’un enfant hyperactif. Et je crois que certains présentent de très grandes difficultés, et que ce handicap est très dur à vivre pour toute la famille, et que l’enfant a besoin d’être aidé par des moyens variés, y compris médicamenteux. Mais je parle pour beaucoup d’enfants diagnostiqués TDAH, mis sous méthylphénidrate, par économie (de temps, de moyen, d’attention). 

Au cours de discussions enflammées avec Mme Déjantée, nous sommes néanmoins arriver à une conclusion, sous forme de question : Quand on donne de la Ritaline à un gamin, c’est pour quoi faire ? Est-ce pour le soigner, le faire se sentir mieux ? Est-ce pour soulager la famille ? Les éducateurs ? Et si c’est le cas, est-ce tolérable que cela soit l’enfant qui prenne un médoc pour soulager d’autres personnes ?

Et si, finalement, au lieu d’aider les enfants atteints de TDAH, le rôle de la ritaline, c’était de les rendre plus conformes aux attentes de la société, des parents, et des établissements scolaires ? Plutôt que dépenser des trésors d’énergie et de moyen humain pour prendre en compte ces enfants différents, pourquoi ne pas les endormir un peu ? (Pour avoir la paix…)

Sources :

 

Le « coût caché » de l’allaitement…

C’est une alerte Twitter que j’ai reçu qui m’a intrigué :

Les coûts « cachés » de l’allaitement maternel ? Mais de quoi cela pouvait-il s’agir ? Une étude comparative entre le prix du lait artificiel d’une part, et les « coussinets d’allaitement », « crème anti-crevasse », et « tire-lait » d’autre part ? cela ne paraissait vraiment pas sérieux.

Non, cette étude publiée dans l’American Sociological Review d’avril 2012 est en fait très intéressante, et pose très justement la question du droit à l’allaitement après un retour à l’emploi, et des politiques qui d’une part l’encourage pour des raisons de santé publique, sans pour autant le rendre compatible avec la réalité des situations professionnelles des femmes. Et c’est donc avec plaisir que je voulais en partager la lecture pour les Vendredis Intellos de Mme Déjantée.

L’allaitement est officiellement considéré comme le meilleur mode d’alimentation pour le nourrisson, compte tenu de l’intérêt médical pour le bébé comme pour la mère, de sa simplicité, et de son coût. Les pouvoirs publics insistent donc sur ces faits reconnus afin d’augmenter la proportion de mères qui allaitent leurs enfants jusqu’à 6 mois, voire 1 ou 2 ans. Et le taux de femmes initiant un allaitement à la maternité aux USA de passer de 60 % dans les années 1980 à 75 % d’après une étude parue en 2007. Sans doute une bonne chose.

Parallèlement aux études médicales montrant les avantages du lait maternel, les sociologues se sont intéressés aux freins existant à l’allaitement, depuis le milieu culturel jusqu’aux conditions de travail. Et ce n’est pas nouveau, plus on est pauvre, plus on travaille, moins on allaite !

Mais finalement, peu de travaux de recherche avaient été réalisés sur la question du retour à l’emploi des mères allaitantes vs. non allaitantes. L’impact de l’allaitement de courte ou longue durée est-il réel, durable, par rapport à l’utilisation de lait artificiel dès le plus jeune âge ?

L’étude, se basant sur de très larges statistiques américaines, a ainsi montré que l’allaitement de courte durée n’avait pas plus d’impact sur les carrières (et salaires) que l’utilisation exclusive de lait artificiel. Par contre, l’allaitement maternel de longue durée, c’est-à-dire de plus de six mois, était fortement corrélé à une diminution notoire, et durable des salaires.

 

Evolution des salaires en fonction de la durée de l’allaitement

 

L’allaitement, un frein au travail des femmes ? Peut-être bien. Huber, un auteur largement cité dans l’étude, prétend dans un ouvrage de 2007, que c’est justement l’allaitement, et plus généralement la fonction nourrissière des mères qui est la base des inégalités de genre dans l’humanité ! Mais au delà de cette prise de position somme toute invérifiable, certains sociologues, statistiques à l’appui, montrent que l’augmentation substantielle du travail des femmes au XXeme siècle est due avant tout à l’arrivée des substituts de lait maternel. Et l’article de citer une étude de 2009 :

« The introduction of formula and advances in obstetrics are significant explanators of women’s increased labor force participation over the twentieth century »

Nous voilà donc devant une sacré injonction paradoxale :

Pour les pouvoirs publics, une femme doit allaiter son enfant sur une longue durée. Mais elle doit aussi travailler. Et gagner autant que les hommes. Ce qui est rendu impossible par l’allaitement lui-même.

Bref, la société demande donc aux femmes d’être « des hommes comme les autres« , et de plus, sans que cela n’ait aucune conséquence sur leur activité professionnelle, d’allaiter pour de longues durées.

Il existe certes des dispositifs d’aide à l’allaitement dans les milieux professionnels (un local et un frigo doivent pouvoir être prévus pour que les mères tirent et stockent leur lait, une « heure d’allaitement » par jour doit pouvoir être allouées aux mères allaitantes, …). Ils sont néanmoins très insuffisamment proposés, et utilisés.
Les auteurs militent donc pour l’inscription dans la loi (américaine) d’un véritable DROIT A L’ALLAITEMENT, qui pourrait se traduire par exemple par une allocation destinée à diminuer l’impact économique d’un allaitement de longue durée. Ce droit fondamental permettrait aussi un changement profond de mentalité vis-à-vis des mères allaitantes, qui rendrait  (enfin) compatibles l’allaitement et le travail.
Ainsi, d’après cet article, tant que la promotion de l’allaitement restera au stade de publicités et « d’encouragements », seuls les femmes qui ont des moyens suffisants, c’est-à-dire des classes les plus aisées, pourront envisager d’allaiter longtemps, comme cela est préconisé. Les inégalités sociales se retrouvent ainsi au coeur de ces débats :
« Because Breastfeeding promotion focuses almost exclusively on encouraging women to breastfeed – without providing adequate economic and social supports to facilitate the practice – it reproduces gender, class, racial inequality.« 

 

Finalement, je n’apporterais qu’une nuance (mais de taille) à ces propositions. L’idée d‘une allocation pour l’allaitement est intéressante, mais a pour conséquence de stigmatiser les femmes qui font le choix d’un autre mode d’alimentation de leurs enfants. Pourquoi seules celles qui décident d’allaiter pourrait bénéficier de cette allocation, qui permettrait un maternage plus soutenu ? Est-ce que ce qui est « coûteux », n’est pas le temps nécessaire au soin de son enfant, au delà de sa simple alimentation ? Je ne pense pas par exemple que les vertus, en terme de santé publique, de l’allaitement proviennent uniquement de la qualité du lait maternel, et que la qualité de la relation mère-enfant, qui nécessite du temps, de l’énergie, joue un grand rôle. Dans ce cadre, pourquoi limiter cette allocation aux femmes allaitantes ? Il me semble que la meilleure des choses en terme de santé publique, et de permettre aux parents (et non uniquement à la mère) de prendre le temps lors de la naissance de leurs enfants. J’aurais tendance à privilégier, plutôt qu’une allocation, des congés de maternité et de paternité beaucoup plus long que ceux qui existent actuellement.
Source : « Is Breatfeeding Truly Cost Free ? Income Consequences of Breasfeeding for Women » Rippeyoung P.L.F., Noonan M.C. American Sociology Review 2012, 77 (2), p 244-267
[Une petite précision : cette étude a été menée grâce à des statistiques américaines. Je crois personnellement néanmoins qu’elle est parfaitement transposable à la situation française, compte tenu des obstacles de même nature qui existent à l’allaitement et au maternage. ]

>Les régimes alimentaires peuvent-ils influencer le sexe d’un bébé à venir ?

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Choisir le sexe de son futur enfant ? Un doux rêve partagé par beaucoup de parents sur terre, depuis la famille indienne ne souhaitant pas une fille de peur de payer une dot exorbitante, à la famille plus aisée, qui a déjà 5 garçons, et qui aimerait ENFIN une fille.
Les remèdes de grands parents existent depuis la nuit des temps (souvent d’ailleurs emprunts de considérations sexistes) : pour faire un garçon, il faut bien manger, et salé ! Pour une fille, plutôt privilégier les goûts plus doux, et le sucré…
Ces essais pour influencer le sexe de son enfant pourrait prêter à sourire, si les médecins et les chercheurs en médecine n’avait pas mis leurs nez dedans. Et depuis les années 1970, des articles scientifiques ont aussi commencer à préconiser tel ou tel régime pour avoir un garçon plutôt qu’une fille, ou l’inverse.
Mamanpoussinou relate ainsi  pour sa participation aux Vendredis Intellos de Mme Déjantée le livre co-écrit par le Dr Papa, qui en 1983 avait publié un article scientifique intitulé : « Selection préconceptionnelle du sexe par la méthode ionique« . Dans cet article, et dans le livre, le Dr Papa annonce qu’en suivant un régime draconien, on peut influencer le sexe du bébé à venir, et avoir jusqu’à 80 % de chance d’obtenir celui qu’on veut ! Au delà des considérations éthiques de ces efforts pour obtenir un bébé « mâle » ou « femelle », la question de la réalité scientifique de ce type d’écart par rapport à la « normalité » (pour ceux qui l’ont oublié : environ 50 % de garçon et 50 % de fille) est clairement posée. Et c’est ce dont on va parler ici.

Avant d’entrer réellement dans le vif du sujet, voici un tout petit rappel :
Ce qui décide du sexe d’un enfant, c’est ses chromosomes sexuels : un chromosome X et un Y pour les garçons, et deux chromosomes X pour les filles. La mère transmet un chromosome X, et le père, un X ou un Y. Plus précisément, 50 % des spermatozoïdes sont porteurs du X, et 50 % du Y. Les différents travaux ont tendance à montrer que s’il y a un déséquilibre entre le nombre de « mâles » et de « femelles », il ne vient pas d’une proportion anormale chez le père.
Donc, à moins de trier les spermatozoïdes avant l’insémination, si on veut choisir le sexe de son enfant, c’est à la mère de sélectionner les bonnes gamètes des autres (porteurs du chromosome X, ou Y, au choix).
Voyons maintenant ce qui a été publié sur le sujet depuis les années 1970 sur ce sujet si sensible.
Tout semble commencer réellement en 1973, avec une publication d’un article de Trivers et Willard, qui, se basant sur des critères liés à la sélection naturelle, pose l’hypothèse que de bonnes conditions de vie et de santé des femelles des espèces polygames doivent favoriser la naissance de plus de mâles (Voir l’article de Rosenfeld et Roberts pour une explication détaillée de cette hypothèse).
Clairement sur-interprétée, cette hypothèse de départ a néanmoins été vérifiée chez nombres d’espèces animales, en liberté ou en captivité. (porcs, certains grands ruminants, …): les femelles en bonne santé lors de la conception donnent plus de mâles que les femelles affamées et malades.
Les travaux sur les souris de laboratoire ont donné des résultats aussi intéressants : celles nourries avec un régime très riche en lipide donne plus de mâles que celles nourries avec un régime aussi énergétique, mais pauvre en graisse (l’apport énergétique étant alors assurés par des glucides). D’autres études montrent l’influence du taux de testostérone lors de la conception (un fort taux étant corrélé à un plus grand nombre de mâles). [afin de mettre toutes les choses au clair, la testostérone est avant tout, chez la femme, associée à l’infertilité. C’est pas le moment d’imaginer se doper à cette hormone masculine pour avoir des p’tits gars!!!]

Mais venons-en à l’espèce humaine. Et au fameux Dr Papa et son étude de 1983. Il y décrit un régime particulièrement contraignant pour les femmes autour de la conception, qui permettrait de choisir, avec une probabilité allant jusqu’à 80 % (!!) le sexe de son enfant. Hélàs, (ou tant mieux ! ) dans cette étude, comme dans beaucoup d’autres, les résultats énoncés peuvent autant être dû au hasard qu’à n’importe quelle autre raison. Je m’explique. L’étude a été menée sur 215 femmes, ce qui est faible (d’autant plus qu’il n’est pas précisé si c’est un échantillon représentatif de la population). Deux tiers d’entre elles ne sont pas allées au bout du régime proposé, ce qui fait un échantillon réel de 72 femmes. Ça fait pas beaucoup du tout ! En fait, ça ne fait pas assez pour conclure. Et de plus, sur ces femmes, 2 groupes émergent : un ayant scrupuleusement suivi le régime (77 % de réussite pour le sexe de l’enfant), et l’autre (52 % seulement ) !! Même sans avoir le détail du nombre de femmes par groupe, on arrive à des échantillons tellement faibles, qu’il est malhonnête, scientifiquement parlant, de conclure.
Il y a eu par la suite, beaucoup d’autres études, portant sur des douches vaginales acides, ou basiques pour favoriser des spermatozoïdes féminins ou masculins, sur l’alimentation encore une fois, sur des rapports sexuels précoces par rapport à l’ovulation, … Et à chaque fois, des résultats contradictoires, ou sans aucune signification statistique. On en vient à la dernière étude en date sur le sujet, publiée en 2008 au titre évocateur : « You are what your mother eats » (« vous êtes ce que mange votre mère »), où un apport énergétique important au moment de la conception semble faire la différence. Etude démontée (et non démontrée) quelques mois plus tard, par une équipe de statisticiens, apparemment agacés que leur science serve à prouver tout et n’importe quoi.
Alors voilà où on en est : pour avoir des garçons et pas des filles, ou l’inverse, la seule méthode qui marche, c’est lors des fécondations in vitro, de réaliser un diagnostic pré-implantatoire, où l’on détermine le sexe de l’embryon avant de l’implanter dans la matrice maternelle. C’est moins fun, forcément…
Deux dernières remarques :

  • Les études cherchant à déterminer un mécanisme qui pourrait expliquer une sélection entre bébé garçon et bébé fille ne donne aucun résultat probant.
  • [il s’agit ici de mon avis, de non-spécialiste] La différence entre le nombre de bébé garçon et fille ne semble pouvoir apparaître qu’après la conception : il pourrait y avoir alors, dans certaines conditions drastiques, de minimes différences entre les fausses couches des garçons et des filles. Est-ce vraiment sur ce point que l’on veut jouer ?

Sources :
Rosenfeld C.S., Roberts R.M. « Maternal Diet and Other Factors Affecting Offspring Sex Ratio : A Review » Biology of Reproduction 2004, 71, p1063
Mathews F., Johnson P.J., Neil A. « You are what your mother eats : evidence for maternal preconception diet influencing foetal sex in humans » Proc. R. Soc. B 2008, 275, p1661
Young S.S., Bang H., Oktay K. « Cereal-induced gender selection ? Most likely a multiple testing false positive » Proc. R. Soc. B 2009, 276, p1211
Grant V.J., Chamley L.W. « Can mammalian mothers influence the sex of their offspring peri-conceptually ? » Reproduction 2010, 140, p425