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[Flash Info Chimie] #40 Oubliez le viagra, et passez à l’optogénétique pour bander !

Hum. Je ne pensais pas que les Flash Info Chimie me mèneraient sur ce terrain… Mais puisqu’il s’agit d’une publication dans le journal Angewandte Chemie, une des principales références de la littérature scientifique en chimie, je me dois de vous parler de corps caverneux, de pénis, et d’érection. Attention, une ou deux images de pénis de rat seront susceptibles de choquer les plus jeunes d’entre vous (Faut pas trop s’inquiéter non plus, hein, c’est pas très impressionnant, même en érection !)

Comme un grand nombre d’entre vous le savent déjà, le mal de ce siècle, après le paludisme, le sida, la tuberculose multi-résistante, les cancers, la dengue, la rougeole, Ebola, les maladies cardiovasculaires, le mal de dos, les allergies, les punaises de lit et les pieds qui puent, consiste en… Les troubles de l’érection. Parce que vous êtes vieux, trop réservés, trop stressés, qu’on vous a retiré la prostate, etc… vous ne pouvez plus bander autant, et aussi bien que vous (ou votre/vos partenaires) le souhaitez. La solution actuelle ? la petite pilule bleue !!

Le Viagra : la pilule bleue à 2 milliards de bénéfice (et aux 20 milliards de spam) !

220px-Viagra_in_PackLe Viagra, qui a rapporté près de 2 milliards d’euros à Pfizer avant de tomber dans le domaine public, permet de provoquer une érection quelques dizaines de minutes après sa prise (et de lutter contre l’hypertension artérielle, mais ça, c’est une autre histoire).

Pour comprendre son mode d’action, il faut se faire une idée des mécanismes biochimiques qui provoquent l’érection. Vous allez voir, c’est tout simple !

Deux médiateurs sont particulièrement critiques dans l’induction de l’érection masculine. Le premier, le monoxyde d’azote NO, est libéré directement ou indirectement par les terminaisons neuronales (en bleu sur le schéma), pénètre dans les cellules musculaires, et permettent l’activation d’une enzyme, la « Guanylate Cyclase » (GC, en bas à gauche de la cellule musculaire sur le schéma). Cette enzyme transforme le GTP (guanosine triphosphate) en GMPc (guanosine monophosphate cyclique), qui est LE responsable du relâchement des muscles lisses des artères péniennes, et ainsi de l’engorgement de sang dans les corps caverneux, et donc, de l’érection (Sources : wikipédia, et l’article).

Le Viagra (Sildénafil, de sa dénomination internationale) est un inhibiteur de la PDES, l’enzyme responsable de l’élimination du GMPc. Il permet donc de maintenir des concentrations élevées en cette espèce chimique, et ainsi de provoquer un afflux sanguin conséquent, et durable. Mais le problème, c’est qu’il en faut, au départ, du GMPc ! Autrement dit, le Viagra et les autres inhibiteurs de la PDES renforcent et prolongent une érection existante… Si la chaîne de synthèse du GMPc, depuis la libération de NO, jusqu’à la guanylate cyclase est défaillante, ces médicaments sont inefficaces. De plus, ils sont incompatibles avec la prise de certains autres principes actifs, avec l’existence de certains troubles cardiaques ou hépatiques…

 Oubliez le viagra, vive EROS le bien-nommé !

Le cahier des charges d’un bon stimulateur d’érection est donc le suivant :

– provocation d’une érection même si l’ensemble de la chaîne est défaillante (à condition d’avoir un pénis en état de fonctionnement tout de même, sinon, demandez la solution à Taupo, du blog SSAFT, il m’en a suggéré une sur Twitter l’autre jour)

– provocation d’une érection sur demande, contrôlée dans le temps

– Pas de contre-indication, pas ou peu d’effets secondaires

C’est là qu’une équipe hélvético-française a eu l’idée d’inventer le stimulateur EROS. Oui, EROS pour ERectile Optogenetic Stimulator.

Le principe de fonctionnement est très simple : il s’agit ni plus ni moins d’un gène modifié de guanylate cyclase, qui va permettre la fabrication par les cellules musculaires du pénis de GMPc, et donc l’érection. Et pour contrôler cette fabrication, la guanylate cyclase artificielle est commandée par de la lumière bleue : sous lumière bleue : la GMPc est produit, et donc érection. Sans lumière : pas de GMPc.

C’est bien ici de la thérapie génique, pour utiliser les gros mots : on injecte localement (AIE !!! ) le gène artificiel, qui rétablit une fonction défaillante. L’avantage, c’est qu’il n’y a pas les même contre-indications qu’avec les médicaments : les modifications apportées sont uniquement locales, la GMPc agit dans les cellules musculaires qui contiennent EROS, et les effets secondaires, cardiaques notamment, n’existent donc pas. Et de plus, en court-circuitant l’ensemble de la chaîne du mécanisme de l’érection, EROS permettrait aux patients aux défaillances graves de retrouver toutes leurs capacités…

Enfin, et c’est là un avantage indéniable, tant qu’EROS est exprimé par les cellules musculaires des artères pénniennes, il n’y a pas de nécessité de nouvelles prises (par injection dans le pénis, je le rappelle. RE-AIE !). Alors que le Viagra doit etre pris à chaque fois, et au maximum une fois par jour, EROS est actif pendant… Longtemps ! (j’avoue ne pas avoir trouvé dans la publication la durée de fonctionnement. Chez les rats, les tests sont concluants pour des durées au moins égales à 100 heures… A suivre…)

Bon, ne nous emballons pas trop non plus. Pour l’instant, EROS n’a été testé que sur des rats… Mais avec succès ! Et pour ne pas vous décevoir, voici ces pauvres (ou pas) spécimens lors des expérimentations…

Un rat, dans sa cage rétro-éclairée

Un rat, dans sa cage rétro-éclairée

Et la preuve, en image de l’efficacité d’EROS …

ratEROS2

e : témoin, sans lumière; f et g : rats en érection induite par la lumière bleue

Personnellement, je me pose tout de même quelques questions. Cette stimulation lumineuse est bien sympa, mais si un simple dispositif portable suffisamment puissant permet de provoquer une érection efficace et durable, qu’en est-il de la lumière solaire à la plage, si le maillot est trop transparent à la lumière bleue ? D’autre part, il faudrait vérifier qu’il n’est pas nécessaire de continuer à s’éclairer le pénis pendant le rapport sexuel, sous peine de quelques soucis techniques (il semblerait cependant que la stimulation lumineuse initiale suffise…)

Enfin, dernière précision : les mécanismes d’érection chez l’homme et chez la femme étant très similaires, je ne vois aucune raison de ne pas développer EROS pour l’ensemble des partenaires…

« A Synthetic Erectile Optogenetic Stimulator Enabling Blue-LightInducible Penile Erection » T. Kim et al. Angewandte Chem. Int Ed. 2015Early View

Après Ebola… La rougeole ? Vers un désastre sanitaire que la vaccination peut éviter

C’est un appel à la mobilisation générale qui a été lancé par une équipe d’épidémiologistes le 13 mars, dans un article de la revue Science. Alors que l’épidémie due au virus Ebola reflue nettement, un nouveau désastre sanitaire se profile, et pourrait causer le décès de dizaines de milliers de personnes.

Les systèmes de santé des pays les plus touchés sont dévastés. En particulier, les campagnes de vaccinations contre la rougeole, la délivrance des médicaments anti-paludéens, anti-HIV, anti-tuberculeux sont à l’arrêt. L’article porte plus précisément sur la rougeole, qui pourrait faire jusqu’à 16000 morts en Sierra Leone, au Libéria et en Guinée.

En se basant sur de nombreuses données (de l’OMS et d’autres organisations), les auteurs ont évalué précisément le nombre d’enfants non vaccinés contre la rougeole dans ces trois pays avant Ebola, et établi des projections pour 6 mois, 12 mois, et 18 mois d’interruption des campagnes de vaccination.

A : situation avant Ebola B à D : situation prédite par les auteurs après 6, 12, et 18 mois d'interruption des campagnes de vaccination

A : situation avant Ebola
B à D : situation prédite par les auteurs après 6, 12, et 18 mois d’interruption des campagnes de vaccination

Si rien n’est fait rapidement, c’est bien le modèle à 18 mois qui risque de s’appliquer : il est prévu entre 127 000 et 227 000 cas supplémentaires de rougeole, conduisant à 2000 à 16 000 morts supplémentaires. La fourchette haute est privilégiée, compte tenu de la malnutrition et les déficits en vitamine A qui accompagnent cette crise.

Pendant et après chaque crises sanitaires majeures, où les campagnes de vaccinations sont stoppées, les épidémies de rougeole se multiplient : guerre civile en Haïti dans les années 90, éruption du Pinatubo en 91, guerre actuelle en Syrie… Les exemples, hélas, ne manquent pas. Pourtant, certains, aux USA comme en France, s’inquiètent de cette vaccination responsable, pour eux, d’effets secondaires inacceptables. Cette étude est l’occasion pour donner, à nouveau, quelques informations sur le sujet. Cette maladie a fait près de 150 000 morts en 2013. Il s’agit d’une infection virale, pour laquelle on ne dispose pas de médicaments anti-viraux, qui est extrêmement contagieuse. La rougeole n’est pas une maladie anodine : le taux de mortalité est de 2 à 3 pour mille dans les pays occidentaux, et de 5 à 10 % chez les enfants dans les pays en développement. Globalement, grâce à la vaccination, le nombre de décès a été divisé par 15 depuis 1980. Des centaines de millions de vie épargnées. Qu’est-ce qui est inacceptable ? Les effets secondaires du vaccin ? Ou cette énorme mortalité évitable ?

D’autant que ce vaccin est bien évalué (1 milliard de personnes vaccinées…), très peu cher, et efficace dès la première dose (même si l’administration d’une seconde est nécessaire pour une immunité complète). De plus, il n’existe pas de réservoir autre que l’humain, ce qui permet d’imaginer une éradication totale de la maladie, comme cela a pu être fait pour la variole. Cela faisait d’ailleurs partie des objectifs pour 2020 de l’OMS, hélas revus à la baisse.

Dans cette étude, les épidémiologistes rappellent aussi que cette interruption de vaccination concerne aussi la poliomyélite et la tuberculose. Pour 10 000 morts d’Ebola, combien de morts évitables par la vaccination à venir ?

Sources :

OMS : Rougeole

– « Reduced vaccination and the risk of measles and other childhood infections post-Ebola » Saki Takahashi et al. Science 347, 1240 (2015)

Vaccins : marche-t-on sur la tête ?

Aujourd’hui, j’ai eu envie de faire exploser les stats de mon blog, alors, plutot que de parler de chimie, ou d’inégalité de genre dans l’enseignement supérieur et la recherche, j’ai choisi LA VACCINATION comme sujet. Vous allez voir, ça marche à tout les coups !

Quand on parle vaccination, on a immédiatement deux clans, anti, et pro qui montrent les armes, et qui s’en servent ! Résolument pro-vaccination, je suis cependant gêné par certains arguments de mon propre « clan ». J’y reviendrais peut-être…

Et au-delà des arguments, cet affrontement se traduit par des prises de décision sur la politique vaccinale en France : toute suppression de recommandation de vaccin est pris comme une victoire des « antis », et tout nouveau vaccin est un succès des « pros » ! Le résultat : les vaccins obligatoires n’ont pas été revus depuis 1964. Par ailleurs, il peut paraître paradoxal de constater que si la France est un des derniers pays européens à conserver des vaccins obligatoires, la couverture vaccinale n’est pas meilleure qu’ailleurs.

En septembre 2014, un rapport du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a préconisé une remise à plat de la politique vaccinale, de statuer sur le caractère obligatoire de certains vaccins, et de rendre plus lisible les recommandations, et plus accessible et plus égalitaire la vaccination. Certains y ont vu un premier pas vers la suppression de l’obligation, d’autres, au contraire, imaginent une généralisation de l’obligation à tous les vaccins recommandés.

J’ai eu envie de donner mon point de vue : pour moi, il y a deux types de maladies contre lesquelles on peut/il faut vacciner. Celles qui concernent un risque collectif, et celles qui concernent un risque individuel uniquement. On ne peut pas gérer de la meme façon l’obligation ou les recommandations vaccinales s’il s’agit de prévenir l’apparition d’une maladie, meme grave, chez le seul vacciné, ou s’il s’agit de protéger à titre collectif l’ensemble des membres d’une société, voire de viser l’éradication d’une maladie.

Pour illustrer ces deux éléments, j’ai choisi deux exemples emblématiques, deux maladies gravissimes, pour lesquelles la vaccination est obligatoire : la poliomyélite et le tétanos.

La poliomyélite est une maladie qui provoque, entre un cas sur 200 et un cas sur 1000, une faiblesse musculaire qui évolue vers une paralysie complète. Dans les autres cas, elle peut passer inaperçue, ou provoquer des paralysies partielles, et/ou passagères. On associe souvent cette maladie à des eaux croupissantes dans lesquelles elle se développerait, mais c’est une erreur : c’est bien une maladie qui ne se transmet que d’humains à humains. Elle peut survivre quelques semaines /mois dans les milieux humides, mais sans se multiplier. Il n’y a pas, donc, d’autres réservoirs que l’espèce humaine. Pour cette raison, elle peut être éradiquée : si tous les humains sont immunisés, elle disparaîtra, comme a déjà disparu la variole. Pour cela, le vaccin est une arme idéale. Son efficacité est de 85 %. En France, le dernier cas remonte à 1995 (cas importé). La maladie est totalement éradiqué en Amérique. Par contre, elle fait des ravages en Afrique sub-saharienne. Pour moi, la vaccination obligatoire est justifiée : il s’agit ici d’une mesure de santé publique, visant l’éradication totale d’une maladie. Se vacciner, c’est se protéger, protéger aussi ceux qui ne peuvent pas l’être (pour des raisons diverses comme des immunodépressions, des allergies…), et participer à un programme mondial d’élimination de la polio.

Le tétanos est une maladie terrible lorsqu’on l’attrape sans être vacciné. Le taux de létalité est d’environ 30 % (bien qu’il soit beaucoup plus faible dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement). La maladie provoque des spasmes musculaires très douloureux, qui se finissent par le décès liés aux dysfonctionnements des muscles respiratoires, ou, un peu plus tard par le dysfonctionnement du muscle cardiaque. Mais cette maladie ne peut pas être éradiquée : le sol est le réservoir naturel du bacille responsable. Se faire vacciner ne protège ni son entourage, ni personne d’autre, ni ne permettra d’éradiquer la maladie. Je ne vois pas pourquoi cette vaccination est obligatoire. Ceci dit, je ne dormirais vraiment pas sur mes deux oreilles si moi-même, mes enfants et mes proches n’étions pas vaccinés. D’autre part, l’obligation vaccinale concerne les enfants. Et la société s’accorde un droit de regard sur la façon dont ils sont traités. Il est prévu dans des cas extrêmes de maltraitance, que la justice décide à la place des parents de ce qui est bon pour les enfants. Pour ma part, et cela ne reflète que mon avis propre, il ne me semble pas que le refus de la vaccination anti-tétanos soit un acte de maltraitance.

Ces deux exemples montrent que la question de la vaccination, de sa recommandation et de son obligation doit dépendre de son rôle, individuel et/ou sociétal. Il me parait évident qu’en France, et d’un point de vue individuel, la vaccination contre le tétanos est aussi, voire plus nécessaire que la vaccination contre la polio. Mais puisque d’un point de vue protection collective elle n’a pas d’intéret, le caractère obligatoire n’est pas justifié.

Mais la distinction protection individuelle/collective ne suffit pas à faire une politique d’obligation et de recommandation. D’autres paramètres, difficiles à appréhender, doivent entrer en compte :

  • Le rapport bénéfice/risque : comme tout produit biologiquement actif, les vaccins peuvent engendrer des produits secondaires, qui sont évalués lors des demandes de mises sur le marché. On peut très bien décider, en fonction des maladies concernés, d’accepter ou non les effets secondaires, et donc de se vacciner ou pas.
  • L’efficacité des vaccins n’est jamais totale. Pour les questions de protection individuelle, on est en droit de prendre en compte ce paramètre. Pourquoi se protéger d’une maladie qu’on a peu de risque d’attraper, avec un vaccin qui protège que dans 60 % des cas ? Ceci dit, dans le cas d’une vaccination qui permet une protection collective (comme pour la polio), même si le vaccin est peu efficace, cela peut suffire pour diminuer considérablement le risque de contamination. Prenons comme exemple la fièvre Ebola : il est admis qu’en période épidémique, chaque personne en contamine, en moyenne, deux autres. Si on trouvait un vaccin efficace dans 50 % des cas, le risque d’être malade dans les zones touchées reste très important. Mais la maladie cesse de s’étendre, puisque chaque malade ne peut en contaminer plus qu’un seul ! (Ce raisonnement est évidemment simpliste, mais il montre qu’une protection individuelle partielle peut permettre une protection globale efficace)
  • Certaines maladies se soignent bien mieux aujourd’hui qu’hier, la vaccination peut cesser de devenir indispensable pour elle.
  • Qui dit obligation et recommandation, dit (en France du moins) remboursement du vaccin, ce qui implique un coût pour la société. Certaines méthodes de prévention des maladies peuvent être aussi efficaces, ou plus efficaces que la vaccination. On est en droit de se poser la question de l’intérêt de la promotion (et de son remboursement) des vaccins dans ce cadre.

Afin d’illustrer un peu plus mes propos, je voudrais prendre deux exemples supplémentaires (oui, je sais, ça fait long…)

La tuberculose est une maladie qui fait 1,5 millions de mort par an dans le monde. Il existe un vaccin, le BCG, administré chez 100 millions de personnes par an dans le monde, dont l’efficacité fait débat.

Avant d’aller plus loin, il faut savoir que la tuberculose se traite par antibiotique, mais qu’il existe des formes de plus en plus résistantes, contre lesquelles nous sommes démunis. L’utilisation massive d’un vaccin est un enjeu majeur de la santé mondiale.

L’efficacité du BCG fait débat : il protège efficacement les enfants contre certaines formes de la tuberculose, en particulier les terribles méningites tuberculeuses. Mais la protection contre les formes pulmonaires, les plus courantes, est faible, voire inexistante. Il s’agit donc d’un vaccin intéressant à titre individuel, mais, hélas, non à titre collectif. La vaccination par le BCG, même massive, n’a pas d’impact sur la propagation de la maladie… Pire, même, il peut s’avérer néfaste pour la détection de la tuberculose, puisqu’il influence les résultats des tests tuberculiniques…

En 2010, l’obligation vaccinale a été levée en France, même si le vaccin reste fortement recommandé pour les personnes à risques. Il reste donc urgent de trouver un vaccin efficace qui pourrait permettre d’éradiquer la maladie

Le Gardasil est un vaccin contre certains HPV (papillomavirus humain), responsables des cancers du col de l’utérus. Ce vaccin doit être administré avant tout contact avec le HPV, puisqu’il pourrait favoriser l’apparition de lésions cancéreuses si la personne est déjà porteuse de ce type de virus… D’où une vaccination précoce, avant l’âge des premiers rapports sexuels. Ce vaccin a été très critiqué, attaqué suite à des mises en cause dans la survenue de maladies auto-immunes en particulier. Je n’irais pas dans ce sens là : d’un point de vue épidémiologique, il n’y a pas de lien entre ce vaccin et un risque particulier de développer ces maladies. Pourtant, des scientifiques sérieux continuent à critiquer ce vaccin aujourd’hui recommandé… Et pour des bonnes raisons.

  • L’efficacité du vaccin reste encore à démontrer. Il est encore trop tôt pour savoir s’il permet réellement de protéger contre les cancers du col de l’utérus. S’il démontre son efficacité, la donne sera différente !
  • Il existe un moyen de surveillance dont l’efficacité a fait ses preuves de la survenue de ces cancers : les frottis. C’est actuellement la seule arme éprouvée contre les cancers du col de l’utérus.
  • Le vaccin est cher (400 € par personne). D’après D. Dupagne, « une dépense de 400€ pour 400 000 jeunes filles tous les ans (160 millions d’euros). Une telle somme aurait peut-être été mieux utilisée en organisant au niveau national le dépistage par frottis, qui a fait ses preuves. »
  • Ce vaccin protège (s’il protège) individuellement. Il reste à démontrer qu’il peut diminuer l’incidence des HPV impliqués dans la survenue de cancers… Peut-etre faudrait-il aussi imaginer vacciner les hommes !

Tout cela ne montre pas que le Gardasil est à jeter à la poubelle, mais sans doute faut-il être un peu plus vigilant pour sa recommandation…

Bon, après tant d’exemples, je vous laisse reposer un peu. Tout cela m’amène à vous inviter à toujours étudier avec raison, et non passion, ces questions de vaccination. On peut être, et c’est mon cas, pro-vaccination, sans pour autant se faire vacciner contre tout et n’importe quoi, et souhaiter imposer à tous de faire la même chose. Et on peut, que cela soit raisonnable ou pas, être méfiant vis-à-vis des vaccins, et accepter de se faire vacciner a minima, pour se protéger et protéger l’ensemble des membres de la société.

N.B. Je n’ai quasiment pas parlé des effets indésirables des vaccins. Ils existent, mais en comparaison de ceux de très nombreux médicaments, ils sont faibles. Libre à chacun d’étudier à sa guise le rapport bénéfice/risque. Merci par contre de ne pas chercher à imposer à tout prix son point de vue aux autres.

Bibliographie :

le GINKO CONTROL, c’est prouvé scientifiquement ! (Ou presque)

 

Le GINKO CONTROL, c'est la petite pastille.

Le GINKO CONTROL, c’est la petite pastille. 29,90 € l’unité (mais attention ! les frais de port sont gratuits !)

Cher Emmanuel,

Tu m’as envoyé un mail pour me permettre de découvrir, quasiment en avant-première, ton produit super performant, testé par un laboratoire du CNRS, qui permet de lutter contre les méchantes ondes électromagnétiques qui nous polluent, et nous tuent à petit feu. Afin que tous les lecteurs de mon modeste blog sachent de quoi il s’agit, je copie ici ta gentille et aimable lettre électronique :

Site web: http://www.ginkocontrol.com/fr/
Votre texte: Info Presse : Le Patch GINKO CONTROL qui protège des ondes électromagnétiques


Bonjour,

Je me permets de vous contacter car je m’occupe des relations digitales de GINKO CONTROL. Nous avons récemment lancé un patch qui protège des ondes électromagnétiques (Wi-Fi, Bluetooth etc).
Il suffit de le coller sur votre smartphone ou sur l’appareil connecté de votre choix et le tour est joué !

Il détient une caution scientifique : technologie approuvée par un laboratoire du CNRS.  De même, le patch GINKO CONTROL se base sur l’invention du système d’antennes passives, une invention qui a obtenu la médaille d’or au Concours Lépine en 2008.

Ci- jointe, une vidéo virale expliquant son principe :https://www.youtube.com/watch?v=gmp6HNyDDAs .
Je peux vous faire parvenir un patch si vous êtes intéressé.
Bien à vous,
Emmanuel
Nouveau champ:
Heure: 08/01/2015 at 14:48

Outre le fait qu’à 14:48, le 8 janvier, je pleurais encore à moitié les morts de la tuerie de Charlie Hebdo, ton message est passé directement dans les spams (Coincidence ? Intuition ?), et ce n’est donc que 5 jours plus tard que j’ai pris connaissance de ces quelques lignes…

Avant de t’expliquer pourquoi ton produit ne m’intéresse pas, je voudrais avant tout que tu saches combien j’admire ta démarche : créer une entreprise avec un produit innovant. Cela permet de diminuer le chômage, augmenter l’activité, participer à la croissance économique. Donc, avant tout, et sincèrement, bravo ! J’en suis personnellement bien incapable !

Ton produit ne m’intéresse pas en réalité. Et même, je te l’avoue, il est nul à chier, inefficace contre un risque inexistant. Ce n’est ni le premier, ni le dernier, tu me diras (avec un peu d’honnêteté intellectuelle). Oui, mais là, tu me demandes mon avis, alors, je me permets de dire tout ce que je pense de ce « patch GINKO CONTROL », et des arguments que tu mets en avant.

Alors voilà, tu proposes un « patch », de 1 à 3 cm de diamètre, à coller sur un appareil qui « émet des ondes électromagnétiques » (je suppose que tu parles des méchantes ondes qu’émettent les méchants téléphones, antennes relais, Wifi etc…). Ces patchs sont constitués de deux « antennes » métalliques (deux pastilles probablement ?) séparées par un isolant, ce qui permet de « [capter] les ondes en phase (polluantes), et par induction électromagnétiques, elle transmet ces ondes avec rotation à 180° sur l’autre antenne, les changeant d’état physique ». 

Mais, cher Emmanuel, tu te rends bien compte que ce charabia peut impressionner le premier venu, mais que c’est un peu risquer de l’envoyer à un scientifique, non ? (Tu t’es dit que j’étais chimiste, et donc que j’y comprendrais pas grand chose de plus que le premier venu, sans doute… Tu n’as pas totalement tort, je dois bien l’avouer)

Je te proposes de revenir, rapidement, sur quelques arguments, que tu exposes ici. Ta première phrase est sympa :

Pour réduire l’action d’une force, il suffit de lui opposer une autre force

Force contre force, ça devrait bien marcher ! Dans Star Wars surtout, mais pourquoi pas ! Par contre, la suite donne tout de suite le ton mauvais pseudo-scientifique (par mauvais, j’entends qu’il y en a dont les raisonnements sont bien plus fins…) :

Le principe physique du déphasage à 180° fait que deux forces, deux énergies, en l’occurrence deux ondes opposées de même puissance, se neutralisent mutuellement, diminuant la pollution.

Merde alors, tu viens de ré-unifier, en quelques mots, les notions de force, d’énergie, et même d’onde ! Bon sang, c’est pas une médaille d’or au concours Lépine que tu mérites, c’est 15 prix Nobel ! Ou alors ta phrase est complètement conne. Une force, c’est pas une énergie, cher Emmanuel. Une onde, non plus. Alors certes, tu me diras qu’une force, ça peut modifier l’énergie d’un système. Ça peut, oui, mais c’est un peu comme si tu disais que du sucre, c’est pareil qu’une pomme ! Une pomme contient du sucre, c’est vrai, mais c’est pas tout à fait la même chose… Pour les ondes, c’est encore différent, hein, c’est un peu comme si les ondes, c’était le boîte dans laquelle tu mets tes morceaux de sucre. Et c’est pas tout à fait pareil non plus…

Et puis là, génial. Tu cases le mot « pollution ». BAAM ! Comme dises les lycéens. THE argument ! Sauf que tu parles de quoi ? Pollution de l’air, de l’eau ? Pollution lumineuse (celle qui empêche de regarder les ciels étoilés dans toute leur splendeur dans les villes) ? Je ne vais pas me faire plus bête que ce que je suis, je suppose que tu parles de « pollution électromagnétique »… J’ai bon ? On reviendra quelques secondes dessus…

Bref, tu dis que tu as inventé un système passif (sans nécessité d’apport énergétique) qui permet de déphaser de 180° une onde, ce qui permet de générer une onde « opposée de même puissance », et ainsi de neutraliser la première… Tu proposes même un joli schéma qui montre que les deux ondes sont « antagonistes », et comme 1 + (-1 ) = 0, à la fin tout est annulé, et on n’est plus pollué (et même Cécilia revient).

Comme tous les pseudo-scientifiques marketteurs, tu commences ton charabia par le fameux :

Le fonctionnement du patch GINKO Control est simple.

Et tu le continues en donnant plein de mots incompréhensibles, de registres très différents :

Quand le patch est collé sur le téléphone, l’antenne la plus près de la source capte les ondes en phase (polluantes), et par induction électromagnétiques, elle transmet ces ondes avec rotation à 180° sur l’autre antenne, les changeant d’état physique. Ainsi devenues antagonistes et antidotes, les ondes déphasées pénètrent notre corps et sont alors envoyées vers le cerveau qui accepte ces informations, ce qui permet de maintenir l’équilibre de nos cellules.

  • « Ondes en phase » : tu parles de phénomènes ondulatoires
  • « polluantes » : santé ? Environnement ?
  • « Induction électromagnétique » : ça, c’est de l’électromagnétisme
  • « changeant d’état physique » : ah ! de la thermodynamique :
  • « antagonistes » : ça, c’est… c’est… Ah oui, peut-être de la biologie moléculaire ?
  • « antidotes » : J’ai !! De la toxicologie !
  • « Cerveau qui accepte ces informations » : neuro-psychologie ? Sciences cognitives ?
  • « Équilibre de nos cellules » : biologie cellulaire ?

C’est plus une explication, c’est une invitation à la formation universitaire interdisciplinaire (je dirais un bon niveau Licence dans 3 ou 4 disciplines différentes) ! C’est surtout un excellent moyen pour perdre complètement le lecteur, qui se croit con, et te pense super intelligent. Alors que c’est pas tout à fait sûr… Parce que tu le sais très bien, ça ne veut rien dire. Tu passes du coq à l’âne sans aucune transition, en liant des mots et des concepts qui n’ont rien à voir les uns avec les autres…

Alors, plutôt que de répondre point par point (parce qu’il faudrait déjà que je comprenne ton raisonnement…), je te ferais juste quelques remarques :

  • Les effets néfastes des ondes électromagnétismes utilisées pour le wifi, téléphonie mobile, etc… n’ont jamais été démontrée. Ça veut pas dire qu’ils n’existent pas, cela signifie que si ces effets existent, ils sont tellement faibles qu’aucune étude sérieuse réalisée sur le sujet ne les a détecté. Bref, ton patch, même s’il fonctionne, ne sert à rien.
  • Supposons que ton patch provoque bien l’effet voulu (déphasage 180°) : Comment la nouvelle onde va bien pouvoir « être envoyée au cerveau » ? Tu imagines bien que c’est pas un patch placé vaguement au centre d’un appareil tantôt collé à l’oreille, tantôt posé sur une table, ou je ne sais pas trop encore, ce n’est pas pareil ! Ton antenne, elle est passive, mais elle n’est pas équipée d’un « détecteur de cerveau ! ». En plus de cela, je serais plus qu’étonné que le déphasage à 180° soit efficace quelque soit la direction de l’onde incidente. Je parie plutôt sur le fait que la direction de propagation doit être parfaitement orthogonale au patch. Si jamais ton truc marche !
  •  Comment un patch de quelques cm² peut supprimer TOUTES les ondes ? Tu n’ignores pas que les micro-ondes (émis par tes appareils) se propagent dans toutes les directions. Si jamais ton truc marche, il arrêtera/neutralisera les ondes qui tombent dessus, c’est-à-dire vraiment pas grand chose !!
  • Enfin, supposons que ça marche. Totalement. Que ça neutralise tout. Plus d’ondes. Tu ne vois pas de problème ? Je peux te le dire, simplement : et bien ton téléphone, ou ton autre appareil qui émet/reçoit des ondes, ne servira plus à rien !!! Comment tu veux téléphoner avec un téléphone qui n’émet pas de signal ?

Moi je connais 2 trucs qui marchent parfaitement bien pour ton problème :

  • Une boîte métallique hermétique : aucune onde de type micro-onde ne pourra y entrer (et en sortir). Tu mets ta machine dedans, et c’est réglé (et ça coûte moins cher). Bon, ta machine ne servira plus à rien, mais c’est bien ce que tu souhaites ! Et si tu es vraiment trop inquiet pour ta santé, fabrique-toi une boîte en métal de ta taille, et mets-y toi dedans : vraiment aucune méchante micro-onde n’y rentrera (je te conseille de faire tout de même quelques petits trous pour respirer)
  • Re-vends ton PC wifi, ton téléphone ! C’est encore plus économique !!

 

La suite est très compromettante. Pas pour toi, hein, plutôt pour les personnes et institutions scientifiques qui sont citées.

Le professeur Zanca par exemple, se retrouve en première ligne. Professeur à l’Université Montpellier 2, il a validé non seulement les antennes passives qui déphase de 180° les fameuses ondes polluantes, mais aussi collaboré

pour des tests cliniques réalisés sur plus de 1.000 sujets, [qui] démontrent notamment la diminution des tensions des chaînes musculaires anti gravitaires par l’effet du protecteur d’ondes GINKO Control. Conclusion: « L’individu avec la pastille GINKO Control retrouve son niveau énergétique, ce qui soulage, améliore ses performances et lui apporte une sensation de bien être. »

Michel Zanca est bien réel, et tu le cites même sur ton compte Twitter. Je ne comprends pas comment un professeur d’université, qui publie régulièrement des articles de recherche sérieux, en particulier sur l’IRM, puisse s’abaisser à promouvoir ton produit. L’appât du gain, sans doute. Et puis, personne n’est incorruptible ! Par contre, il ne fait pas la promotion de GINKO CONTROL sur le site de son labo… Il ne parle pas non plus de quelconques tests, ni d’une collaboration avec le « Dr » Jacques Gaujac (j’ai mis entre guillemet « Dr », parce que je n’ai pas retrouvé le fait qu’il soit docteur… Tu m’en voudras pas). Je me demande pourquoi. J’espère que ses collaborateurs (à M. Zanca) sont au courant, pour GINKO CONTROL, parce que ça leur ferait sans doute un choc…

Par contre, tu proposes de fournir les études que tu as fait réaliser, sur des MILLIERS DE SUJETS, et en double aveugle avec placebo sur une CENTAINE DE SUJET. Mais si tu as VRAIMENT fait ces études, publie-les dans un journal scientifique ! En attendant, tu peux aussi me les envoyer, je serais enchanté de les parcourir, commenter… Non ?

Bon, je vais m’arrêter là, Emmanuel. Et puis, tu n’y es pour rien, tu es juste là pour la com’ ! Alors, n’hésite pas à faire passer le message à Roland Wehrlen, le véritable chef d’orchestre de ce … patch ? Pastille ? De cette merde !

 

 

Pilule du lendemain : les femmes en surpoids méritent mieux que du mépris

Ce titre un peu tape-à-l’œil est à l’image de ma stupéfaction et ma colère, en lisant l’avis motivé de l’Agence Européenne du Médicament, qui a conclut que le levonorgestrel (pilule du lendemain) et l’ullipristal (EllaOne, autre contraceptif d’urgence) était efficace, quelque soit le poids de la femme qui le prend. Reprenons depuis le début.

les contraceptions d’urgence

Il en existe trois disponibles en France :

  • Le DIU (on l’appelle aussi stérilet) au cuivre : à poser dans les 5 jours qui suivent un rapport sexuel non protégé, il est efficace à quasiment 100 %. Il est utilisé depuis 1930 dans ce cadre. Il nécessite tout de même la pose par un médecin ou sage-femme, et toutes les femmes ne sont pas prêtes à en porter un.
  • Le levonorgestrel : la fameuse « pilule du lendemain » (obtenu sans ordonnance) D’après les notices, il est efficace à 95 % dans les 24 premières heures, 85 % de 24 à 48h, et 58 % entre 48h et 72 h. Si de nombreux effets secondaires sont fréquents, ils sont sans gravité, et le nombre de réelles contre-indications est très faible. Ce médicament peut de plus être pris pendant l’allaitement et n’a pas de conséquence sur une grossesse déjà en cours. (pour des informations plus exhaustives, on peut consulter ce document)
  • L’Ullipristal Acetate : Commercialisé sous le nom EllaOne (et obtenu uniquement sur ordonnance), appelé aussi la « pilule du surlendemain ». Son efficacité est deux fois meilleure que celle du levonogestrel, et peut être prise jusqu’à 120 heures après le rapport non protégé. Les effets secondaires sont similaires au levonorgestrel, mais étant beaucoup plus récent, on manque de recul sur l’allaitement, ou les grossesses en cours. Il est donc préconisé en particulier l’interruption momentanée de 36h pour l’allaitement. [Il semblerait néanmoins que l’ullipristal passe dans le lait, mais dans des quantités plutôt faibles, puisqu’il s’agit d’un représentant de la famille des stéroïdes (comme le levonorgestrel d’ailleurs) on pourra lire ce document, en anglais], connus peu passer dans le lait, . (Pour des informations plus exhaustives, on peut consulter ce document (pdf)

Et cette histoire de poids alors ?

En 2011, paraît un article très intéressant dans la revue Contraception, intitulé :

Can we identify women at risk of pregnancy despite using emergency contraception? Data from randomized trials of ulipristal acetate and levonorgestrel

Ou en français (pardon pour les approximations) :

Peut-on identifier les femmes qui risquent de tomber enceintes malgré une contraception d’urgence ? Données tirées d’essais cliniques randomisés sur l’ulipristal et le levonorgestrel

Le poids, ou plutôt l’Indice de Masse Corporel (IMC) est apparu comme un paramètre particulièrement important sur le risque de grossesse malgré la prise de ces pilules. Très clairement, avec un excellent facteur p (qui montre la fiabilité statistique, voir wikipédia) (p<0,0001), le levonogestrel apparaît comme nettement moins efficace pour des Indice de Masse Corporelle (IMC) compris entre 25 et 30 (deux fois plus de risque de tomber enceinte), et inefficace pour un IMC au-delà de 30. L’efficacité de l’Ulipristal diminue aussi, mais seulement pour les personnes ayant un IMC supérieur à 30.

Cette relation entre l’efficacité des contraceptifs hormonaux et l’IMC n’est ni nouvelle, ni surprenante : dès les années 80, il avait été relevé qu’il y avait un plus grand nombre d’échec à la contraception hormonale chez les personnes en surpoids et obèse (on pourra lire par exemple cette revue de la littérature de J. Trussell (pdf) de 2009). Certes, il ne s’agissait pas de contraception d’urgence, mais les contraceptifs hormonaux ayant des structures chimiques et des activités biologiques similaires, il est logique de mettre en parallèle ces différentes situations.

D’un point de vue biologique et chimique, les contraceptifs hormonaux font partie de la famille des stéroïdes, qui sont des composés très solubles dans les graisses. Il est très probable qu’ils puissent se stocker facilement dans les tissus adipeux, et donc être moins disponibles. Un article de 2009 a ainsi montré (cet article (pdf)) que les concentrations atteintes en lévonorgestrel sont moindres chez les personnes obèses que celles d’IMC inférieurs à 25.

De façon générale, ce qui est important en science pharmaceutique, ce ne sont pas les doses « brutes » des médicaments, mais les concentrations en principe actif dans le corps du patient. Une personne de 100 kg aura besoin, a priori, d’une dose double par rapport à une personne de 50 kg, pour obtenir une concentration équivalente. Partant de ce principe, il est vrai un peu simpliste, le dosage d’un contraceptif ne peut pas être identique chez des femmes de poids très différents (on module bien la quantité de paracétamol en fonction du poids des enfants) ! Soit il y a un surdosage chez les femmes minces, soit il y a un sous-dosage chez les femmes en surpoids. Les auteurs de l’article de 2011 suggère à ce propos qu’il serait intéressant d’évaluer scientifiquement la prise d’une double dose pour les femmes en surpoids (ce qui est déjà le cas pour les personnes qui prennent d’autres médicaments susceptibles de diminuer l’efficacité de la contraception hormonale)…

Pourtant, aucune de ces conclusions n’a été retenue par l’Agence Européenne des Médicaments

Suite à la publication de cette étude, certains distributeurs de Levonorgestrel ont décidé de rajouter une précision sur la notice du médicament, précisant que l’efficacité était diminué chez les personnes en surpoids. Appelée à statuer sur l’intérêt, ou non, de cette précision, l’Agence Européenne des Médicaments a rendu son rapport fin juillet 2014. Le titre est sans appel :

Levonorgestrel and ulipristal remain suitable emergency contraceptives for all women, regardless of bodyweight

Le levonorgestrel et l’ulipristal reste une contraception d’urgence appropriées pour toutes les femmes, indépendamment de leur poids.

Ce rapport, qui tient sur deux pages, me paraît scientifiquement assez surréaliste : le rapport conclut que les données sont considérées comme insuffisantes ou trop limitées pour « conclure avec certitude que l’effet des contraceptifs d’urgence est diminuée chez les personnes en surpoids. » (traduction de l’auteur). Je ne comprends pas bien du tout ce besoin de certitude : des doutes sérieux sont émis, justifiés par des résultats statistiquement pertinents, mais cela ne suffit pas pour justifier un avertissement sur l’efficacité du médicament !!!

Mais d’ailleurs… Ces données ? Quelles données ?

Le rapport cite trois méta-analyses. Ou plutôt, « parle » de trois méta analyses, sans donner de références publiées ! Seuls les articles sur lesquels les meta-analyses se sont appuyés sont cités. Le soucis, c’est que ces articles ne portent pas directement sur l’influence de l’IMC sur l’efficacité des contraceptifs, même si les auteurs ont pu récupérer ces informations. Les chiffres avancés sont donc, en partie du moins, invérifiables, y compris en lisant les articles cités.

Sur ces 3 méta-analyses, de petites envergures, 2 concluent à la diminution de l’efficacité du levonorgestrel et de l’ulipristal. La troisième conclut en l’absence de diminution de l’efficacité.

En cherchant un peu, la première de ces méta-analyses correspond à l’article de 2011, dont le rapport ne fait référence, dont j’ai parlé plus haut. Mais je n’ai pas trouvé les deux autres méta analyses dans la littérature.

Par contre, en cherchant mieux, j’ai pu trouver ce document (pdf), publié en septembre 2014 : Efficacy of Emergency Contraception in Women over 75 kg, écrit par le « Northern Treatment Advisory Group » (organisation britannique d’information sur les traitements médicaux (leur site)). Ce document détaille les méta-analyses dont « parle » le rapport, pointe les insuffisances des données actuelles, mais préconise, lui, la communication de conseils supplémentaires aux patientes et aux prescripteurs. Je vous invite fortement à le consulter (en anglais).

Alors, que faut-il conclure ?

Plusieurs choses m’ont choqué dans ce rapport :

  • Les résultats présentés montrent qu’il y a, a minima, de sérieux doutes sur l’efficacité de ces contraceptifs d’urgence. Mais le rapport préconise la négation de ces doutes.
  • Alors que les doutes sont sérieux aucune demande d’études complémentaires n’est proposée.
  • Les résultats sont présentés de telle manière qu’ils en deviennent quasiment invérifiables.

Là où j’estime que cela ressemble purement et simplement à du mépris, c’est qu’il existe des alternatives à la prise de la pilule du lendemain. Ne pas changer les préconisations, alors que de sérieux doutes ne sont pas levés, consiste à considérer qu’il n’est pas important que la contraception d’urgence soit réellement efficace pour tous. (C’est d’ailleurs ce sur quoi insiste toutes les notices d’utilisation).

Sans être médecin, ni sage-femme, ni pharmacien, je pense qu’il est raisonnable, lorsqu’une femme en surpoids cherche une contraception d’urgence :

  • De lui donner les informations sur le manque de preuve d’efficacité de la pilule du lendemain si son IMC dépasse 25
  • De préconiser la pose d’un DIU, méthode la plus efficace (et de loin)
  • De préconiser, si le DIU n’est pas possible ou souhaité, la pilule EllaOne qui reste, de toute façon, bien plus efficace que le levonorgestrel.

Sans être expert en sciences pharmaceutiques, je pense qu’il est raisonnable, lorsqu’on lit un rapport aussi… surprenant, de remettre en question soit les compétences, soit la volonté de clarté du groupe d’expert qui s’est penché sur la question. Et puis de toute façon, elles n’avaient qu’à faire attention, ces grosses !! (Ont-ils l’air de dire…)

Principales références (les autres se trouvent en lien dans l’article) :

 

N.B. Si l’envie de lire ces publications vous prend, sachez, pour comprendre les valeurs d’efficacité données, que la probabilité pour une femme de tomber enceinte en prenant un placebo à la place d’une contraception d’urgence est d’environ 5,6 à 6 %. D’où l’inefficacité du levonorgestrel chez les personnes d’IMC supérieur à 30 dès une probabilité d’être enceinte de 5,8%…

Du nouveau dans la lutte contre les vilains microbes…

Grâce à Alan, (@alanvonlanthen sur Twitter, un des gourous de PodCastScience.fm), je suis tombé sur un article en ligne de la BBC, intitulé « Novel antibiotic class created« . Pour un chimiste, qui aime bien la science des médicaments, cela fait partie des titres les plus alléchants qu’on puisse trouver !!

Une course sans fin…

On décrit souvent la recherche de nouveaux traitements antibiotiques comme une course contre l’apparition de souches bactériennes résistantes. Une course où les humains piétinent, face à des bactéries qui mutent et résistent de mieux en mieux aux médicaments.

Alors qu’il faut sans cesse découvrir de nouveaux antibiotiques pour remplacer les anciens auxquels les bactéries pathogènes se sont adaptées, la recherche est trop lente, trop inefficace.

La faute aux industries pharmaceutiques, qui investissent beaucoup plus dans les maladies chroniques que dans ce domaine, où les traitements sont courts, et définitifs (jusqu’à l’infection suivante bien sûr…). Mais la faute aussi, et surtout aux difficultés inhérentes à la lutte contre les bactéries : il n’y a pas beaucoup de modes d’action possibles. En fait, 5 ont été recensés, (voir schéma suivant), et il ne semble pas y avoir d’autres choix que de les viser. Comme ces cibles sont peu nombreuses, il y a de grande chance, lorsqu’on trouve une nouvelle molécule, qu’elle ne soit pas efficace contre des souches déjà résistantes aux autres antibiotiques. On a alors un traitement qui ne sert… à rien (ou éventuellement à diminuer les effets secondaires, parfois…).

Les 5 cibles potentielles des antibiotiques sont en jaune (sauf oxazolidinone, qui est une erreur...). Tiré de cet article

Les 5 cibles potentielles des antibiotiques sont en jaune . Tiré de cette excellente revue de la littérature sur le sujet.

Ainsi, l’arrivée sur le marché d’un nouvel antibiotique est rare :

– En 2013 est arrivé un nouveau médicament contre la tuberculose résistante aux autres traitements. On l’attendait depuis… quarante ans.

– La dernière famille d’antibiotique découverte est celles des oxazolidinones, et la sortie de son principal représentant, le linézolide, date de 2002. C’était la première nouvelle famille depuis plus de 30 ans… (Dès 2005, des résistances ont été signalées (source)…)

Un travail majeur… Mais pas de nouvelles classes d’antibiotiques !

Le billet de la BBC s’inspire de l’article paru dans Nature Biotechnology, en septembre. Hélas, pour le chimiste amateur de belles molécules que je suis, il ne s’agit pas du tout d’une nouvelle classe d’antibiotique. En fait, il ne s’agit pas d’une chimiothérapie antibactérienne, mais bien d’un travail de biotechnologie. Très habile d’ailleurs.

Des bactériophages infectant une bactérie, au microscope électronique (source : wikipédia)

Des bactériophages infectant une bactérie, au microscope électronique (source : wikipédia)

L’idée des chercheurs est d’avoir utiliser des bactériophages comme vecteur de leur arme antibactérienne. Les bactériophages, ce sont tout simplement des virus infectant les bactéries, en leur injectant leur patrimoine génétique, ce qui permet, comme pour les virus chez les autres êtres vivants, de se répliquer grâce à la machinerie enzymatique de leur hôte. Ici, les bactériophages ont été modifiés génétiquement, pour injecter aussi un gène qui va permettre la production, par la bactérie, d’une arme à la fois très efficace et très sélective, appelée RGN (pour RNA-guided-nuclease). Ces RGNs sont des nucléases, c’est-à-dire des protéines qui découpent l’ADN, qui doivent reconnaître une séquence génétique spécifique avant de provoquer des coupures dans l’ADN, et ainsi causer la mort de la bactérie.

Ces séquences génétiques peuvent être spécifique de la bactérie pathogène, ou, mieux encore, de certains gènes qui confèrent des résistances, ou des virulences particulières aux bactéries. En effet, rien ne sert de neutraliser TOUTES les bactéries : celles qui ne présentent pas de résistances pourront être traitées efficacement par les antibiotiques existant, et celles qui ne sont pas virulentes pourront être laissées tranquille. Il ne faut pas oublier que nous hébergeons plus de bactéries dans notre corps que nous possédons de cellules ! Les fameuses Escherichia Coli peuplent notre intestin sans poser de problème en temps normal. De nombreuses souches non pathogènes, et même bénéfiques sont présentes sur notre peau, dans notre vagin, dans notre bouche, et l’utilisation massive d’antibiotiques affaiblit ces flores, causant parfois effets secondaires pénibles. Ce nouveau type de traitement a donc une sélectivité particulièrement intéressante. L’autre intérêt majeur réside en la versatilité d’une telle technique : en modifiant le bactériophage, on peut l’adapter à différents gènes : sitôt qu’un gène de résistance est identifié, on peut construire l’arme qui anéantira les bactéries qui le porte.

Il reste tout de même que les bactéries pourraient devenir résistantes… aux phages eux-mêmes ! Cela signifie que si cette technique, totalement novatrice, est intéressante, elle ne représente pas une victoire définitive dans la course. Tout juste une corde supplémentaire à l’arc des médecins. Mais c’est déjà pas si mal !!

« Sequence-specific antimicrobials using efficiently delivered RNA-guided nucleases » R.J. Citorik et al. Nature Biotechnology 2014

Et le très bon -sauf le titre- article de BBC News : http://www.bbc.com/news/health-29306807

 

« Choisir Sa Contraception » : les surprenantes données de l’INPES

Comment choisir en bonne intelligence sa contraception ? Préservatifs ? Pillule ? DIU (dispositif intra utérin) ? Et les autres ? Pour permettre un choix éclairé, l’INPES a créé un site plutôt bien fait, qui montre les avantages / inconvénients des différentes méthodes : « Choisir sa Contraception« . Les propos sont sensés et mesurés et toutes les solutions sont passées au peigne fin. En particulier, il y est proposé un tableau récapitulatif de l’efficacité des différentes méthodes de contraception, dont je vous propose une copie d’écran ici :

Il y a sur le site 16 méthodes de contraception depuis les stérilisations jusqu'aux spermicides. Le classement par défaut correspond à l'efficacité pratique

Il y a sur le site 16 méthodes de contraception depuis les stérilisations jusqu’aux spermicides. Le classement par défaut correspond à l’efficacité pratique

 

Ce tableau est très complet, très pratique… Mais les chiffres annoncés sur l’efficacité sont parfois … surprenant.

Les méthodes « sans manipulation » ou définitive sont les plus efficaces, ce qui paraît logique. Ainsi, l’implant, les DIU (Dispositifs intra-utérins, appelés aussi stérilet), ou encore les stérilisations définitives ont des efficacités « pratiques » identiques aux efficacités « théoriques », de plus de 99 %. C’est plutôt pour les autres dispositifs contraceptifs que les chiffres paraissent bizarres… Par exemple, le préservatif, avec ses 85 % d’efficacité pratique, ne semble pas meilleur que la cape cervicale, et moins efficace que le diaphragme. Le préservatif féminin, dont l’efficacité est souvent vantée comme identique à celle de son homologue masculin, se retrouve à 79 % d’efficacité, soit… quasi-identique à la méthode de retrait, qui, d’expérience, a une efficacité… faible (pour mon plus grand bonheur aujourd’hui, je dois l’avouer). Il est aussi surprenant, pour moi, que les méthodes d’abstinences périodiques soient encore moins fiables que celle du retrait, et d’ordre de grandeur comparable à l’utilisation de spermicides…

Peut-être relèverez-vous d’autres éléments surprenants dans ce tableau (et n’hésitez pas à les partager en commentaires), mais ces chiffres, et leur organisation méritent maintenant une explication plus fine.

Provenance des données

Ces valeurs « d’efficacité » proviennent d’un rapport de la Haute Autorité de la Santé de 2013, qui les tire de l’OMS, qui elle-même les a extraites d’un article de J Trussell paru en 2011 (accès gratuit) dans le journal Contraception. Les chiffres français ont été tirés d’un article de C. Moreau, J. Trussel et leurs collaborateurs de 2007 (accès gratuit),

Que signifie réellement « efficacité » ?

Une efficacité de 75 % signifie que le risque de déclarer une grossesse dans l’année est de 100-75 = 25 %. A titre de comparaison, le risque de déclarer une grossesse en absence de toute contraception est de 85 %.

Mais ce terme n’est pas aussi clair qu’il n’y paraît. Ces statistiques, et cela n’est pas clairement dit, correspondent uniquement à une première année d’utilisation. Cela permet sans doute d’expliquer les écarts importants entre les méthodes où il n’y a pas d’intervention des personnes concernées (implants, DIU, …), qui apparaissent très sures, et les méthodes où il y a intervention (pilule, préservatifs, etc…). Il est aisément concevable que ces écarts se resserrent lorsque les couples deviennent « experts » en l’utilisation de leur contraception, et c’est ce qui est observé dans l’étude française.

Que signifie « pratique » ou « théorique » ?

L’efficacité théorique correspond à une utilisation rigoureuse de la contraception. Le mot « théorique » n’est pas très approprié : cette efficacité peut très bien être atteinte !! Par exemple, pour la pilule, il « suffit » de la prendre à heure fixe, sans oubli, et d’être très rigoureux sur les aliments et les médicaments qui pourraient diminuer son action pour atteindre son « efficacité théorique ».

L’efficacité pratique correspond aux résultats obtenus par sondage auprès de femmes ayant utilisé ce moyen de contraception, en comptant le nombre de grossesse survenue dans l’année. Ainsi, l’efficacité pratique d’un moyen de contraception va correspondre au nombre de femmes qui ont déclarées avoir utilisé ce moyen et qui sont tombées enceintes. Pour le préservatif masculin, par exemple, vont être concernés de la même façon des couples très rigoureux et précautionneux, et des couples qui n’utilisent le préservatif de façon qu’occasionnelle.

Chiffres français ou chiffres américains ?

Hum… Là, l’affaire se corse un peu plus. Les chiffres d’efficacité donnés sont exclusivement tirés de la publication de Trussel. Si les chiffres français apparaissent dans le document de la HAS (sans être commentés pour autant), ils n’apparaissent plus du tout sur le site choisirsacontraception.fr. La raison pour laquelle ils n’ont sans doute pas été conservés réside en leur manque d’exhaustivité. Pas de traces « d’efficacité théorique », pas de distinction entre DIU hormonal et DIU au cuivre, et de nombreuses méthodes contraceptives dont l’efficacité n’a pas été chiffrée (implants, anneaux vaginaux, préservatifs féminins, …).

Cependant, les statistiques américaines et les statistiques françaises qui restent peuvent parfois présenter de très grosses différences. Un exemple est particulièrement saillant : aux USA, l’efficacité pratique du préservatif masculin est de 85 %. En France, elle est de 96,7 % ! De quoi modifier profondément le classement des méthodes contraceptives !

Voici un extrait du tableau du rapport de la HAS, montrant les différences les plus flagrantes…

tableauHAS

Ces valeurs correspondent aux taux de grossesse la première utilisation de la méthode. La note qui correspond à la ligne « DIU » précise en réalité que l’étude française ne distingue pas les DIU au cuivre des DIU hormonaux (au lévonorgestrel). Extrait du rapport de la HAS « Etats des lieux des pratiques de contraceptives et des freins à l’accès et au choix d’une contraception adaptée« 

 

 Comment expliquer de tels écarts ?

Comment peut-on passer de 15 % à 3,3 % d’échec à la contraception avec le préservatif masculin, ou de 9 % à 2,4 % avec la pilule ? Il paraît difficile à imaginer qu’une telle différence peut exister entre deux pays à première vue similaire, d’un point de vue démographique. De façon globale, les échecs à la contraception s’élèvent à 2,9 % en France, contre 13 % aux USA.

Les réponses à cette question sont discutées dans l’étude française :

  • Il existe une importante sous-déclaration des avortements, tant aux USA qu’en France. Et de plus le taux de sous-déclaration varie d’une méthode contraceptive à l’autre : par exemple, aux Etats-Unis, la sous-déclaration est beaucoup plus importante en cas d’utilisation de contraception locale (préservatif, diaphragme, …) ou « naturelle » (retrait, …) qu’en cas d’utilisation de contraception hormonale… Il semble plus avouable de tomber enceinte involontairement avec une contraception censée être fiable et régulière (on n’y est VRAIMENT pour rien, on a fait tout ce qu’il fallait), plutôt qu’avec une contraception plus ponctuelle, à l’efficacité paraissant plus aléatoire… Moreau et ses collègues annoncent qu’ils n’ont pas corrigé leurs données, contrairement à l’étude américaine. Il faut donc comparer les 2,9% d’échecs en France aux 10 % américains et non 13. Cela fait tout de même une efficacité trois fois moindre aux USA !
  • Les études françaises et américaines diffèrent sur un point assez important : aux USA, toutes les grossesses sous contraception ont été considérées comme des échecs à la contraception. Or un tiers de ces grossesses sont en fait voulues. L’étude française exclue ces dernières des statistiques. Les 2,9 % d’échecs français doivent donc être comparées à 6,7 % aux USA… Ça se rapproche…
  • Un autre biais est aussi relevé : compte-tenu de la méthodologie adoptée, les périodes d’abstinence dans l’étude française sont sans doute sous-estimées

Cependant, les auteurs affirment que ces différents points ne peuvent pas expliquer la totalité des écarts observés. D’autres raisons (Culturelles ? Éducatives ? De pratiques sexuelles?) doivent être évaluées. Les auteurs rappellent par exemple, qu’une étude sur 5 pays européens a montré que l’oubli d’une pilule durant le cycle précédent concerne de 12 à 25 % des femmes, suivant le pays concerné…

D’autres part, les pratiques contraceptives sont très différentes entre les USA et la France :

  • Outre-atlantique, la pilule contraceptive arrive en tête avec 27,5 % d’utilisatrices, suivie de la stérilisation féminine (26,6 %), puis du préservatif masculin (16,3 %), de la vasectomie (stérilisation masculine, 10 %), et enfin des DIU (5,6 %) (source : GuttMacher Institute )
  • En France, la pilule arrive aussi en tête, (45 % + 4,6 % qui utilisent aussi le préservatif), suivie des DIU (20,7 %) et des préservatifs (12,2 %). La stérilisation ne concerne que 4,2 % des femmes… (source : INED)

L’édition des chiffres français, corrigés, est indispensable

Peut-on réellement se baser sur les chiffres américains dans ces conditions ? S’il est évident que les méthode définitives (stérilisations), et les méthodes sans intervention sont les plus fiables, les autres ne sont pas aussi catastrophiques qu’annoncés sur le site « Choisir Sa Contraception ». L’INPES, par l’intermédiaire de cette plateforme web, répond aujourd’hui à l’urgence de la publication de données claires pour un choix personnel et éclairé sur les différentes méthodes, mais l’utilisation des statistiques des USA pose le problème de la fiabilité des données, et surtout de leur transposition dans un contexte où les pratiques diffèrent largement, d’autant que les statistiques françaises, quoique incomplètes, n’apparaissent pas du tout sur le site. Pour « choisir sa contraception » en bonne intelligence, il me paraît urgent que les chiffres présentés soient complétés, et modifiés par les résultats de l’étude française.

 

N.B. Il reste, de plus, d’autres sources d’erreur et de confusion sur le tableau, concernant par exemple les méthodes dites « naturelles », qui peuvent correspondre à des pratiques très sécuritaires, comme d’autres beaucoup plus laxistes. D’après l’article de Trussel, l’efficacité théorique s’échelonne entre 99,6 % pour la méthode sympto-thermique à 95,2 % pour la « Standard Days Method ». Il y aurait aussi à redire sur l’efficacité de la cape cervicale, très différente entre les nullipares et les femmes qui ont déjà eu une grossesse…

N.B.2 : N’oublions pas aussi de souligner l’importance de la colonne « protège contre les IST » dans le tableau du site…

Légalisation du cannabis pour usage thérapeutique et consommation des adolescents

Voilà une étude qui va donner des cheveux blancs aux partisans du maintien de l’interdiction totale de la consommation de Cannabis Sativa.

Le chanvre indien, c’est la fameuse marijuana, drogue illicite la plus consommée par les jeunes (et les moins jeunes) en France, voire dans tout le monde occidental. Déclarée illégale en France en 1925, elle a été totalement prohibée jusqu’au début 2014, que ce soit pour un usage récréatif, comme pour un usage thérapeutique (si on exclut quelques autorisations temporaires pour des essais cliniques).

En juin 2013, un décret autorise les autorisations de mise sur le marché (AMM) de médicaments contenant du tétrahydrocannabinol (THC), l’espèce active du cannabis. Et en janvier 2014, le Sativex est le premier médicament à base de THC à obtenir son AMM (voir la délibération de l’ANSM (pdf)) Son utilisation est très très restreinte, puisqu’il ne peut être prescrit que dans le cadre des spasticités non soulagées par les autres antispastique pour les personnes atteintes de sclérose en plaque. (les spasticités sont des contractions musculaires involontaires, très douloureuses. J’avoue avoir la chance de ne pas connaître). Le nombre de patient potentiel est de 2 à 5000 en France. Dans d’autres pays, le THC est utilisé dans divers médicaments pour lutter contre des effets secondaires d’anti-cancéreux ou d’antiviraux, mais aussi contre d’autres douleurs aiguës, épilepsie, etc. (voir la notice « Cannabis Médical » de Wikipédia)

Tous les responsables de santé, comme politiques se défendent d’avoir ouvert une brêche vers la légalisation de l’usage thérapeutique du cannabis. Après tout, les opiacés sont des drogues, et certains d’entre eux sont utilisés couramment en médecine, mais on ne peut pas non plus acheter de l’opium à fumer dans les pharmacies ! L’usage de la marijuana, sous forme d’herbe à fumer, ou de façon plus général comme un extrait de la plante à fumer, manger, … reste formellement interdit en France, même pour un usage thérapeutique.

La situation est très différente dans d’autres pays. En Espagne, aux Pays-Bas, dans 20 états des USA (pour citer les exemples les plus emblématiques), on peut consommer du cannabis légalement, dans un cadre thérapeutique souvent beaucoup plus large. Dans notre pays, la question est très tendue. Les politiques sont très très prudents, ou, beaucoup plus rarement, militent pour une légalisation non limitée à l’usage médical (comme Daniel Vaillant et Cécile Duflot, par exemple). La raison est simple : la légalisation de l’usage thérapeutique serait un premier pas vers la banalisation puis vers la légalisation de tous les usages. Un pharmacologue, interrogé par le journal La Croix, s’exprime en ces termes :

C’est un moyen déguisé pour arriver à sa dépénalisation. Le bénéfice de ces médicaments reste d’une extrême modestie alors que les risques sont nombreux : ivresse, anxiété, dépressionEt surtout, il existe d’autres médicaments sur le marché qui peuvent traiter les douleurs ou les pertes d’appétit. 

Revenons à l’étude qui vient tout juste de paraître, et dont j’ai appris la connaissance grâce au réseau social Reddit (Pour voir de quoi il s’agit, c’est ici). Utilisant des données très vastes du « Youth Risk Behavioral Surveillance System » (YRBS), (depuis 1990, plus de onze millions d’adolescents répartis sur plusieurs états américains), ils ont démontré, en comparant les périodes sans, puis avec légalisation de l’usage thérapeutique dans les états, ainsi qu’en comparant les états entre eux, qu’il n’y a pas eu d’augmentation de la consommation des adolescents liée à l’utilisation thérapeutique de la marijuana. Au Nevada et au Montana, il y a même eu une baisse de la consommation chez les jeunes.

Les auteurs insistent toutefois sur les effets négatifs de l’utilisation abusive du cannabis, et signalent que leur étude ne s’applique pas aux états ayant autorisé la consommation à but récréatif. Il me semble raisonnable, néanmoins, de penser qu’on pourrait s’en inspirer en France, pour autoriser la consommation thérapeutique de marijuana. Honnêtement, pensons deux secondes aux malades qui en bavent, parce qu’ils ont mal, parce qu’ils n’ont plus d’appétit, ou subissent des vomissements à longueur de journée. Quel argument peut-on encore leur opposer contre une substance qui pourrait les aider à se sentir mieux ?

[Je suis d’avis, personnellement, que les effets néfastes du THC sont faibles. Il existe des addictions, et des souffrances liées à l’abus de marijuana. Mais opposées à son efficacité avérée comme anti-nauséeux, anti-spasmodique, stimulateur de l’appétit, analgésique,… Pour moi, le rapport bénéfice/risque est clairement en faveur de son utilisation thérapeutique.]

Sur le (vaste) sujet de la consommation du cannabis, Vous pouvez lire aussi :

Et la publication originale (pour lire la discussion Reddit sur le sujet, c’est ici !) :

« The Impact of State Medical Marijuana Legislation on Adolescent Marijuana Use » E.K. Choo et al. J. Adol. Health 2014, in press.