Archives pour la catégorie santé

[Science et Genre] #5 Contre les Papillomavirus : vacciner les hommes aussi !

En France, comme dans la plupart des pays occidentaux, sont disponibles depuis quelques années plusieurs vaccins contre les fameux HPV, ces maladies sexuellement transmissibles de la famille des papillomavirus, dont les lésions sur le col de l’utérus sont à l’origine de l’apparition de cancers. Ces vaccins protègent contre la plupart des papillomavirus cancérigènes, et leur profil bénéfice/risque est excellent. Restent quelques questions actuellement en suspens, comme la durée de la protection (pour l’instant, les études montrent une protection au moins valable pendant 10 ans), mais globalement, on estime qu’ils peuvent éviter 70 % des cancers du col de l’utérus (d’où l’intérêt de pratiquer des frottis cervicaux tout au long de sa vie pour se prémunir des 30 % restant !). Si ces virus sont également montrés du doigt pour d’autres cancers, (gorge, bouche, anus en particulier) ce sont bien les femmes les principales victimes, si bien que ces vaccins ne sont actuellement prescriptible que chez les jeunes femmes, et non les jeunes hommes en France (ils peuvent néanmoins être proposés aux hommes homosexuels de moins de 26 ans, ce qui pose évidemment des questions du « tri » à effectuer en fonction des orientations sexuelles… Hum…). C’était le cas également de la plupart des pays du monde jusqu’en 2013 : l’Australie, suivi par les USA, l’Autriche, la Suisse, l’Italie et le Canada, ont alors mis en place une recommandation vaccinale concernant les deux sexes. Compte tenu de la rareté des autres cancers que de celui du col de l’utérus, il s’agit très clairement pour ces pays de diminuer l’incidence de cette dernière pathologie, chez les femmes donc. Malgré la logique (les hommes pouvant être considérés comme les principaux « vecteurs » du papillomavirus, les vacciner permettrait, logiquement, de diminuer l’incidence de la maladie), l’efficacité de cette vaccination « tous genres confondus » est difficile à évaluer.

Couverture vaccinale et effet grégaire

En imaginant une très large couverture vaccinale (quasiment tout le monde vacciné, il est probable que la vaccination « tous genres confondus » soit réellement efficace :

Quasi tous les hommes sont vaccinés

Le principal vecteur est supprimé

Les femmes, même non vaccinées, sont protégées

Seulement, elle est loin d’être large. Au contraire, en France, elle est actuellement très faible : 17 % seulement des jeunes femmes en 2015 (source). En imaginant une couverture vaccinale masculine identique, il semble peu probable d’obtenir un quelconque effet, puisque le « principal vecteur » reste, à peu de chose près, conservé… Il est vrai qu’en Suède, avec 80 % des jeunes femmes vaccinées, le problème est différent. Il n’empêche : il est nécessaire de quantifier, en fonction de cette couverture, l’intérêt de la vaccination masculine.
Pour résumer : l’objectif recherché, c’est une augmentation générale de la protection, c’est-à-dire une diminution du nombre de personnes infectées, grâce à la vaccination. Et ce malgré l’absence d’une vaccination de TOUTES les jeunes femmes. On est ici dans la problématique d’une recherche d »immunité grégaire« , qui peut être résumée comme sur ce schéma :

Schéma du haut : épidémie sans vaccination
Schéma central : épidémie avec quelques vaccinations : effet grégaire faible : quasiment pas de protection de personnes non vaccinées.
Schéma du bas : large couverture vaccinale : la maladie ne se propage globalement plus, y compris chez les personnes non vaccinées.
Source : NIH (via wikipédia)

 

Même à couverture modérée : les hommes doivent aussi être vaccinés

Une vaste étude a été menée en Finlande AVANT la mise en place d’une quelconque recommandation vaccinale contre les HPV, pour déterminer l’intérêt d’une vaccination exclusivement féminine, ou tous genres confondus. Publiée en ligne en octobre 2017, dans l’International Journal Cancer, il fait clairement apparaître le bénéfice d’une vaccination tous genre confondu dans la protection des femmes contre les cancers du col de l’utérus.

Pour cela, l’équipe de chercheurs menée par Matti Lehtinen, de l’Institut Karolinska (Suède), ont comparé trois groupes de communautés en Finlande, représentant au total 80000 personnes :

  • Dans le Premier (Groupe A), pour chaque communauté, 50 % des jeunes filles ont été vaccinées, ainsi que 30 % des jeunes hommes
  • Dans le Second (Groupe B), seules 50 % des jeunes filles ont été vaccinées, pas les jeunes hommes
  • Dans le troisième (Groupe C), aucune personne n’a été vaccinée (situation aujourd’hui éthiquement impossible dans le contexte de recommandation du vaccin par les autorités médicales)

L’intérêt d’une telle étude réside dans le choix de l’évaluation de couvertures vaccinales relativement faibles, et reflètent davantage les situations réelles que si 90 % des personnes étaient vaccinées. À titre d’exemple, la couverture vaccinale aux USA est de 42 %, 87 % au Portugal, et la France très loin derrière…

Tiré d’une infographie du Centre National de Référence HPV et de l’INCa (pdf)

Pour être concis, l’étude montre une augmentation significative de l’efficacité globale du vaccin entre le groupe A (tous genre confondu) et le groupe B. L’efficacité globale, c’est ce qui correspond au pourcentage des sujets effectivement protégés par le vaccin dans la population, soit directement par le vaccin, soit par l’effet grégaire de la vaccination. Si on regarde les résultats pour l’ensemble des HPV oncogènes (y compris ceux non directement visés par le vaccin), on atteint 47,6 % de protection des femmes dans le groupe B, contre 53,3 % dans le groupe A. Compte tenu de la faible couverture vaccinale proposée dans cette publication, les 5,6 % d’écarts sont significatifs, et correspondent à un véritable bénéfice (Voir la partie : « pour aller plus loin… »).

On peut comprendre que les pouvoirs publics, en France, se focalise sur la vaccination des femmes, puisqu’elles sont les principales victimes des cancers liés aux HPV, compte tenu de la très grande faiblesse de la couverture vaccinale. Cependant, est-il pertinent de se priver de vacciner les principaux vecteurs de la maladie que sont les hommes ? Ces travaux semblent nous annoncer que non. Puisque la vaccination, pour nombre de maladies contagieuses, est un acte citoyen, de protection globale de la population – de soi, mais aussi de son entourage – les hommes doivent participer à cet effort.

 

Disclaimer : Je n’évoque pas ici la question du ratio coût / bénéfice de la vaccination, qui a été évalué dans plusieurs pays et qui semble être tout à fait positif, malgré la nécessité de poursuivre le dépistage par frottis. Chaque pays, chaque couverture vaccinale est différente, ce qui rend parfois difficile de transposer les résultats des études coût / bénéfice d’une région à une autre. Compte tenu des spécificités françaises (sécurité sociale, dépistage par frottis peu suivi, vaccination encore moins), je ne me permettrai pas d’en parler ici, n’étant ni épidémiologiste spécialiste en vaccination, ni économiste de la santé. 

 

Pour aller plus loin

La lecture de cet article a été un peu ardue, je l’avoue. Si je connais les outils statistiques de base, des notions autour de la vaccination m’ont manqué. Afin d’y voir plus clair, j’ai pu contacter deux des principaux auteurs de la publication (Matti Lehtinen et Vänskä Simopekka) qui m’ont permis de lever les incertitudes (Merci à eux). Voici quelques détails de la méthodologie employée. N’hésitez pas à me demander d’autres précisions en commentaires.

Vous l’aurez compris, l’enjeu de cette étude n’est pas d’établir l’efficacité du vaccin chez les vaccciné-es, mais surtout de mesurer l’effet grégaire de cette vaccination, c’est-à-dire d’évaluer la protection chez les personnes non vaccinées. Les défis que cela impose sont multiples :

  • il faut que les groupes (groupes A, groupe B, groupe témoin C) reste cohérents, qu’il n’y ait pas trop d’échanges avec d’autres groupes non concernés par l’étude. Les chercheurs ont donc travaillé avec des « communautés », et ont vérifié qu’elles restaient stables, ou du moins qu’elles évoluaient de façon similaire dans les trois groupes (11 communautés par groupes).
  • Lorsque l’étude a débuté, la proportion de personnes déjà vaccinées était totalement négligeable parmi les communautés des trois groupes (moins de 1 %). Les jeunes concernés par l’étude ont donc été en contact avec des personnes un peu plus âgées non vaccinés. Leurs éventuels partenaires sexuels n’était ainsi pas constitué de 50 % de femmes protégées (et 20 % d’hommes pour le groupe A), mais d’une proportion plus faible. Les chercheurs ont donc choisi de séparer les groupes A, B, C, en deux sous – groupes : les plus jeunes (nés en 1994-95) et les plus vieux (né en 1992-1993), ces derniers étant plus exposés à des relations sexuelles contaminantes que les autres.

Les résultats que j’ai exposé plus haut sont ceux obtenu pour les plus jeunes (nés en 94-95).

  • Pour ceux nés en 1992-1993, il n’y a pas de différence significative entre les groupes A, B. Il n’y a pas d’effet grégaire significatif, que ce soit dans le groupe A, comme dans le groupe B. Cela signifie que la couverture vaccinale, avec ou sans les 20 % d’hommes n’est pas suffisante pour permettre une apparition d’un effet grégaire, c’est-à-dire une protection pour les non vacciné-es. Cela peut paraître assez normal, puisqu’aucun de leurs partenaires sexuels plus âgés n’était protégé contre le HPV : la couverture vaccinale réelle des personnes pouvant contaminer ou pouvant être contaminées est bien inférieure aux 50 % de femmes (et 20 % d’hommes pour le groupe A)
  • Pour ceux nés en 1994-1995, l’effet grégaire est significatif, non seulement lorsqu’on compare les groupes A et B avec le groupe témoin C, mais également entre les groupes A et B, qui ne diffèrent que par les 20 % d’hommes vaccinés. Ceci s’explique aisément par la couverture vaccinale plus grande des partenaires sexuels de ces individus plus jeunes : ceux qui ont jusqu’à 2 ans de plus qu’eux sont également vaccinés.

Il est donc clair qu’un effet grégaire n’est pas à attendre lors des toutes premières années de vaccination, puisque les personnes non vaccinées ont encore, parmi leurs partenaires sexuels, potentiellement contaminants, de nombreux individus plus âgés, et non vaccinés. Dans ces travaux, on peut néanmoins voir que cet effet protecteur apparaît de façon significative dès que les individus d’un ou deux ans plus âgés, sont également vaccinés. Un rapide retour sur investissement !

Les auteurs de cette publication ont également étudié la protection du vaccin en fonction du génotype du papillomavirus. Les différences entre les HPV 16, 18, 31, 33, 45 sont importantes.

Il faut noter que le vaccin distribué dans cette étude a été réalisé uniquement pour la protection des génotypes HPV 16 et 18. Pourtant, il s’avère qu’il protège également contre les HPV 31, 33, 45, mais avec une efficacité très variable : d’environ 40 % pour les génotypes 31 et 33, et plus de 80 % pour le génotype 45. Les chiffres de protection globale donnés plus haut s’entendent pour l’ensemble de ces cinq génotypes. En analysant plus finement les résultats, les chercheurs ont ainsi pu mettre en avant que :

  • Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes A et B pour les génotypes 16 et 45. En fait, pour ces deux HPV, aucun effet grégaire n’a pu être démontré. Pour le HPV 16, ces résultats confirment d’autres études : compte tenu de ses spécificités, seule une très grande couverture vaccinale permet réellement de faire émerger un effet grégaire. Le HPV 45, quant à lui, est trop rare dans les populations pour que son évolution aie pu être significative.
  • Pour les trois autres génotypes, l’effet grégaire est significatif pour les groupes A et B, et, dans les trois cas, supérieur pour le groupe où les hommes ont également été vaccinés.

Si cette étude montre que les hommes doivent également participer aux campagnes de vaccination contre les HPV, elle fait également état, par la variabilité des effets grégaires, et donc des efficacités globales du vaccin selon les génotypes des papillomavirus, de la nécessité d’étendre la couverture vaccinale contre ces maladies. Nous sommes bien ici dans un contexte de maladie contagieuse, aux conséquences pouvant être désastreuses. La vaccination, pour protéger les femmes principalement (mais également les hommes), semble être une solution particulièrement efficace, à l’unique condition qu’elle soit partagé par un bien plus grand nombre de personnes, femmes ET hommes.

Remarque : D’après l’échange avec les auteurs de l’étude, dans son contexte, en Finlande, avec cette couverture vaccinale, la vaccination des hommes, même à hauteur de 20 % seulement, a un rapport coût/bénéfice en faveur de la vaccination, à condition de considérer également les cancers masculins liés aux HPV. (Résultats non publiés)

Disclaimer 2 : Au cas où cela m’est demandé : oui, les auteurs ont déclaré avoir des liens (financements de l’étude, emploi) avec GSK, le fournisseur du vaccin.

Lehtinen, M. et al. (2017), « Impact of gender-neutral or girls-only vaccination against human papillomavirus—Results of a community-randomized clinical trial (I) » Int. J. Cancer. doi:10.1002/ijc.31119

[Flash Info Chimie] #53 Un vieux médicament contre l’asthme, prometteur contre la maladie de Parkinson

La maladie de Parkinson, comme d’autres maladies neurodégénératives, se manifeste par la formation d’agrégats anormaux de protéines dans les cellules du système nerveux, appelés dans ce cas « Corps de Lowy« .

Allure caractéristique d’une personne atteinte de la maladie de Parkinson (Sir William Richard Gowers, 1886)

Les axes actuels de développement de traitements consistent en l’élimination de α-synucléine, la protéine qui constitue majoritairement ces corps de Lowy, ou en le blocage de sa transformation en composés neuro-toxique.

Dans une publication dans la revue Science, Shuchi Mittal et ses collègues proposent une démarche différente pour l’identification de substances actives contre ces corps de Lowy, et donc, contre la maladie de Parkinson : ils ont cherché à identifier, parmi plus de mille composés déjà connus, ceux qui inhibent l’expression du gène codant pour l’α-synucléine (appelé SNCA).

Leurs résultats a été surprenant : les meilleurs inhibiteurs de l’expression du gène SNCA font partie de la classe bien connue des agonistes de β2-adrenorecepteur (β2-AR). Non seulement ils ont identifié clairement un nouveau rôle des β2-AR, (qui régulent donc l’expression du SNCA)  mais ils ouvrent également la voie à un traitement médicamenteux.

Bon, la « classe bien connue des agonistes de β2-AR », c’est un peu abusif de ma part. Je ne la connaissais pas, cette classe, pas plus que je ne connaissais ces β2-AR… Pourtant, des composés classiques en font partie, dont le salbutamol  (Vous savez, la fameuse « Ventoline® ») ou le clenbuterol, ce stéroïde anabolisant tant utilisé en dopage sportif ! On connaît également des antagonistes de β2-AR, comme le propanolol le premier bêta-bloquant découvert.

Les scientifiques ont donc vérifié, avec succès, sur modèle cellulaire (sur des lignées cellulaires humaines parkinsonienne) puis sur modèle animal (chez des lignées de souris parkinsonienne) que les deux agonistes de β2-AR diminuaient les quantités d’α-synucléine, dans les cellules, mais aussi prolongeaient leur durée de vie.

Et chez l’humain alors ?

S’il est, d’habitude, délicat de mesurer l’effet d’une substance chez l’humain, sans passer par la case « essai clinique », les chercheurs ont pu se baser dans cette étude sur des données de la « Norwegian Prescription Database », qui met à la disposition des scientifiques les données sur les prescriptions médicales de tous les norvégiens depuis 2004. Grâce à cet énorme corpus, ils ont pu comparer la survenue de la maladie de Parkinson chez les patients prenant régulièrement du salbutamol, du propanolol, ou ni l’un ni l’autre.

Les résultats sont parlants: le salbutamol a bel et bien un effet protecteur vis-à-vis de la survenue de la maladie de Parkinson, et le propanolol favorise l’apparition de la maladie.
Le groupe, qui a pris au moins une fois du propanolol a environ deux fois plus de cas de maladie de Parkinson qu’attendu.
Celui qui a pris au moins une fois du salbutamol a 40 % de cas en moins qu’attendu. Dans ce cas, les chercheurs ont séparé ce groupe en trois, en fonction de la quantité prescrite : Pour les plus gros utilisateurs (plus de 180 doses journalières prescrites en 4 ans), la survenue de la maladie de Parkinson a été divisée par deux. Pour les utilisateurs les plus occasionnels (moins de 60 doses en 4 ans), la diminution est anecdotique.

Compte tenu des effets secondaires du salbutamol, ou encore du clenbuterol, leur avantage thérapeutique en action préventive n’est clairement pas démontré. Néanmoins, les premiers essais in vitro indiquent qu’ils pourraient ouvrir la voie vers la mise au point de traitements curatifs chez des patients ayant déjà développé la maladie.

 

[Flash Info Recherche] #3 Du nouveau dans les thérapies anti-SIDA

Il est de bon ton de parler aujourd’hui du SIDA comme d’une maladie chronique que l’on contrôle grâce à un cocktail médicamenteux d’anti-rétroviraux (ART) efficaces. Si l’espérance de vie aujourd’hui d’une personne séropositive, en France, semble se rapprocher de celle d’une personne séronégative, avoir le SIDA reste une situation difficile et lourde à porter. Outre les conséquences sociales, cette maladie impose la prise d’ART à vie : ceux-ci rendent certes le HIV indétectable, mais ils ne l’éradiquent pas : quelques semaines après l’arrêt du traitement, le virus ré-apparaît.

N’oublions pas également que la situation française n’est pas la norme à l’échelle de la planète : nombre de patients asiatiques, africains, américains n’auront jamais accès aux ART, faute de moyens.

Une étude parue dans la revue Science il y a quelques mois laisse néanmoins entrevoir l’espoir d’une réelle rémission après la prise d’ART : en travaillant sur le SIV – équivalent simiesque du HIV -, une équipe américaine a découvert qu’en traitant des singes malades avec un anticorps artificiel (spécifique de certaines protéines du système gastro-intestinal) en même temps que les ART, les taux de SIV ne remontaient pas après l’arrêt du traitement (pendant -au moins- 9 mois).(1)

Les chercheurs sont partis du fait que les tissus du système gastro-intestinal jouent un rôle de réservoir permanent de VIH (ou de SIV). Les lymphocytes T4, globules blancs cibles du virus, adhèrent à ces tissus grâce à une protéine de surface de la famille des intégrines : l’intégrine α4β7. Si on empêche ces globules blancs d’adhérer, peut-on empêcher la prolifération du virus ? La réponse semble bien positive :
Des singes SIV-positif ont été traités aux ART accompagné d’anticorps monoclonaux spécifiques de α4β7 simiesque. Après arrêt total des ART et de ces anticorps, le taux de SIV n’est pas remonté, et reste indétectable. Le mécanisme précis est mal connu, mais la prise de ces anticorps ont pour conséquence la diminution de la circulation des lymphocytes T4 riches en α4β7 dans les tissus gastro-intestinaux. Chez le singe, cela semble suffire pour limiter la contamination de ces globules blancs, et donc pour permettre au système immunitaire de lutter efficacement contre le virus.
Chez l’homme, des anticorps monoclonaux spécifiques à l’intégrine α4β7 sont déjà commercialisés pour d’autres indications. Les études humaines devraient probablement en être accélérés… En espérant que leurs résultats soient aussi spectaculaires !

(1) « Sustained virologic control in SIV+ macaques after antiretroviral and α4β7 antibody therapy » Siddappa N. Byrareddy, James Arthos, Claudia Cicala, et al. Science 14 Oct 2016 Vol. 354, Issue 6309, pp. 197-202

[Flash Info Recherche] #2 Manger moins pour vivre plus…

Lorsqu’on donne à des souris 30 % de moins de nourriture que ce qu’elles auraient naturellement mangé, elles sont en meilleure santé, et vivent plus longtemps. Le bénéfice de cette restriction alimentaire est très partagée dans le monde animal. Le mécanisme biologique reste néanmoins mal connu, mais tout semble se passer comme si l’organisme subissait un « léger stress », qui activait des mécanismes de défense bénéfiques…

Exemple de souris n'ayant pas de restriction alimentaire...

Exemple de souris n’ayant pas de restriction alimentaire…

Chez l’humain néanmoins tout reste à démontrer :

  • Il n’est pas aisé de convertir ces fameux 30 % de moins que ad libitum
  • Une privation cause un ralentissement du métabolisme : vivre plus vieux, oui, mais si c’est pour fonctionner au ralenti…Aucune étude n’a été réalisée (à ma connaissance) sur des cohortes suivies sur des temps longs…

Cela n’enlève rien à l’intérêt scientifique que l’on peut porter à ce mécanisme. Dans une étude paru dans Nature, une équipe européenne a étudié l’effet de cette restriction alimentaire à des lignées de souris dont on avait supprimé un gène (Ercc1 pour une lignée, Ercc5 pour l’autre) qui permet à l’ADN d’être réparé par la cellule.

Les résultats sont spectaculaires : tant la moyenne que la médiane des durées de vie des rongeurs ont été multiplié par trois par ce régime (pour la première lignée, la médiane passe de 10-13 semaines à 35-39 semaines selon le sexe). D’autres marqueurs du vieillissement, en particulier les fonctions neurologiques, ont été également retardés par la restriction alimentaire.

Pour les auteurs, il serait intéressant de transposer ces résultats aux humains atteints de progeria, ces maladies génétiques qui causent des vieillissements prématurés, en raison de la déficience en certains gènes, comparables aux Ercc1 et Ercc5 chez la souris.

« Restricted diet delays accelerated ageing and genomic stress in DNA-repair-deficient mice » W.P. Vermeij et al. Nature 537,427–431

Vaccin contre la dengue (Sanofi-Pasteur)… Oui, mais avec modération !

Compte tenu du titre, il me semble qu’il faille tout de suite mettre les choses au point : Je me positionne tout à fait pour l’utilisation de la plupart des vaccins (en particulier tous ceux obligatoires ou recommandés en France), et ce, à la lumière des publications scientifiques qui en montrent l’effet positif pour la santé à l’échelle individuelle, ainsi qu’à l’échelle sociétale. (Pour plus de détails, voir à la fin du texte).

Voilà,on va pouvoir, en toute sérénité, mettre en question la vaccination contre la dengue à l’aide du Dengvaxia, développé par Sanofi-Pasteur, actuellement fabriqué à Neuville-Sur-Saône.

dengvaxia

La dengue : un fléau aux quatre visages*

La dengue est une maladie virale humaine transmise via les moustiques du genre Aedes (dont fait partie le fameux moustique tigre). 40 % de la population mondiale est exposée à ce virus : on estime qu’il y a chaque année plusieurs centaines de millions de contamination, dont 36 millions de personnes qui développent les symptômes classiques de la dengue, mais aussi 2,5 millions de formes graves, et 21 000 décès. Il n’existe aucun antiviral efficace contre cette maladie, la prise en charge consiste donc en le traitement de la douleur et de la fièvre… Dans les cas grave, l’hospitalisation est indispensable.

world_denguetransmission_extension_2008

Allons un tout petit peu plus loin dans la description de cette maladie, afin de comprendre son originalité (sa perversité, j’allais dire) : il existe quatre sérotypes, appelés DENV-1 à DENV-4, qui donnent des symptômes similaires. Lorsqu’une personne est infectée par un des sérotypes, elle se trouve immunisée (définitivement) contre lui. Mais pas contre les quatre autres: Pire, le risque qu’elle développe une forme grave de Dengue est multiplié par 10 lors d’une nouvelle infection par un autre sérotype. 

La lutte contre cette maladie consiste actuellement essentiellement en la destruction de l’habitat des moustiques (eaux stagnantes), et l’utilisation de répulsifs. D’autres pistes sérieuses sont explorées, comme l’introduction massive d’insectes mâles génétiquement modifiés pour que leur descendance ne parvienne pas à l’âge adulte (une diminution de 90 % de la population de moustique est attendue en 6 mois), ou encore l‘introduction de la bactérie Wolbachia qui affecte les moustiques, se transmet de génération en génération, et empêche le virus de la dengue de se répliquer dans cet hôte. Et puis, bien sûr, la vaccination. L’humain étant à la fois un vecteur, et le seul réservoir de ces virus, une vaccination efficace pourrait, idéalement, éradiquer définitivement la maladie.

Le Dengvaxia, un vaccin « faute de mieux » ?

Il y a plusieurs vaccins en cours d’homologation, mais seul le Dengvaxia, développé par Sanofi-Pasteur est actuellement sur le marché. 11 pays l’ont actuellement homologué (Depuis le Mexique à Singapour, en passant par la Thaïlande, le Brésil, etc.). Ce vaccin a une efficacité toute relative, comprise entre 43 % pour DENV-2 et 77% pour DENV-4 (1).** Les autres candidats vaccins ne semblent pas faire mieux que le Dengvaxia…

Venons-en, enfin, au cœur du problème. Le principe du vaccin (de tous les vaccins, en réalité) consiste en la sensibilisation du système immunitaire en l’exposant à des fragments / particules / virus attténués, afin qu’il développe des anticorps « comme si » le corps avait déjà été en contact avec la maladie. Le Dengvaxia est ainsi un vaccin tétravalent, c’est-à-dire qu’il sensibilise le système immunitaire aux quatre sérotypes connus lors de sa mise au point. Mais souvenez-vous : le risque de formes graves augmente considérablement après une première exposition : le vaccin risque donc d’accroître ce risque ! Cela n’aurait aucune incidence si le vaccin était efficace à 100 % sur tous les sérotypes : il n’y aurait, dans ce cas, pas de nouvelle contamination. Mais avec son efficacité qui n’est pas totale, un problème inédit (à ma connaissance) dans l’histoire de la vaccination apparaît : un individu vacciné pourrait présenter un risque accru de dengue sévère comparé à un autre jamais en contact avec cette maladie.

Les résultats de la phase III de l’essai clinique du vaccin, celle qui est effectuée sur de grandes populations, n’a pas permis de lever cette interrogation :

  • Des différences nettes entre l’efficacité du Dengvaxia chez les patients séropositifs (qui avaient déjà eu une dengue avant vaccination) et chez les patients séronégatifs ont été observés: En réalité, Aucune efficacité statistiquement significative n’a été mesurée chez les personnes séronégatives (2).
  • L’efficacité chez les enfants (plus souvent séronégatifs du fait de leur âge), est nettement plus faible que chez les groupes de sujets plus âgés (2).
  • Il a été observé également une augmentation du risque d’hospitalisation pour dengue sévère au cours de la troisième année après administration du vaccin, principalement chez les jeunes enfants, qui ont été de fait exclu de la cible du vaccin (proposé à partir de 9 ans) (1). Ce risque a été mesuré à + 7,5 %, mais du fait de l’échantillon très restreint sur lequel a été fait l’étude, il est en réalité compris entre 1,2 et … 314 %. De travaux de plus larges ampleurs doivent être entrepris pour affiner tout cela !

De quoi renvoyer le Dengvaxia dans les oubliettes de l’histoire des ratés de l’industrie pharmaceutique ? Tout de même pas !

Vaccin contre la dengue : à utiliser avec modération !

À la lumière de ces résultats ni catastrophiques, ni rassurants, des scientifiques ont cherché à établir avec plus de précision quelles étaient les situations sanitaires et épidémiologiques pour lesquelles le vaccin serait bénéfique. Une équipe d’épidémiologistes de l’Université de Stanford a ainsi modélisé mathématiquement l’impact de la vaccination chez des populations dans des zones différemment exposées à la dengue, en prenant en compte les résultats -mitigés- dont nous venons de parler. Ils ont étudié l’impact du vaccin sur des périodes allant de deux ans à trente ans. D’après leurs travaux, il est important d‘adapter la vaccination aux zones géographiques en fonction de l’endémicité de la maladie, et, si possible, en fonction du statut immunitaire de chaque individu.(2)

La logique qui transparaît de cette modélisation est assez simple :

À l’échelle collective :

  • En cas de forte endémicité, le risque d’être contaminé plusieurs fois par les différents sérotypes de la dengue est très grand. La vaccination n’induit globalement pas de risques supplémentaires en rajoutant une exposition. De toute façon, cette exposition avait de très grande chance de se produire… Le bénéfice est donc réel. Les auteurs montrent d’ailleurs que dans ces zones, on pourrait abaisser l’âge minimal de vaccination en dessous de 9 ans (les enfants plus jeunes étant déjà confronté au risque d’être contaminé plusieurs fois…)
  • En cas de faible ou de moyenne endémicité, le risque d’être contaminé une fois existe, mais celui d’être contaminé plusieurs fois est relativement faible. La vaccination, qui rajoute une exposition, peut devenir contre-productive, et causer des symptômes graves lors du contact avec un des sérotypes de la dengue. Une vaccination globale dans ces zones est donc à proscrire.
  • Pour les voyageurs provenant de zone où la dengue est absente, le risque d’attraper la dengue plusieurs fois est quasi nul, aucune vaccination ne doit être entreprise pour la même raison.

À l’échelle individuelle :

  • Une personne séronégative n’a aucun intérêt à se faire vacciner : cela crée une situation de première exposition, et augmente les risques de développer des symptômes graves.
  • Une personne séropositive à un des dengues a tout intérêt à se faire vacciner, puisque le risque de développer des formes graves a déjà été accru par une première infection. Les épidémiologistes ont estimé que ce n’était cependant pas particulièrement intéressant dans les zones de faible endémicité, mais efficace en zone de forte endémicité.

La conclusion globale de cette étude sonne comme une mise en garde : la vaccination par le dengvaxia est intéressante, mais pas n’importe où, pas chez n’importe qui. L’idéal est de pouvoir effectuer un test rapide (et pas cher !) pour connaître le statut sérologique de chaque individu qui se fait vacciner. Si cela n’est pas le cas, il ne faut agir qu’en zone de forte endémicité, où, en vaccinant tout le monde, y compris les séronégatifs, on aura tout de même un bénéfice global en matière de santé publique.

J’aimerais ajouter une remarque plus générale : ce type d’étude montre une chose importante : LA Vaccination n’existe pas (pas plus que L’Antibiotique, ou LE Anticancéreux !) : il existe DES vaccins dont l’évaluation doit être réalisée au cas par cas, de façon minutieuse et précise. Espérons qu’à la lumière de cette étude, ce vaccin soit utilisé de façon réellement utile et efficace, de façon modérée et éclairée dans les pays qui l’ont validé.

 

* Il a été annoncé un cinquième sérotype pour la dengue lors d’une conférence internationale en 2013. Mais cela n’a jamais été confirmé par un article dans une revue. Une discussion à lire sur researchgate montrer qu’il ne s’agirait en fait que d’un variant de DENV-4 (ouf…)

**Il faut bien comprendre qu’en dépit d’une efficacité relativement faible à l’échelle humaine, un vaccin peut permettre l’éradication d’une maladie à l’échelle collective : une diminution de 50 % des malades signifie également un risque de contamination nettement plus faible qu’en l’absence de vaccin. Avec le risque de contamination plus faible ET la probabilité plus grande d’être efficacement immunisé, on arrive à des diminutions réelles et rapides de la prévalence des maladies.

Suite de la mise au point initiale sur les vaccins :

  • Les vaccins sont des produits pharmaceutiques soumis aux mêmes contrôles que les médicaments. Ceux qui sont aujourd’hui obligatoires ou qui sont recommandés en France ont fait leurs preuves, tant pour leur innocuité que pour leur efficacité. De plus, tout comme les médicaments, dire « les vaccins c’est le mal » est aussi idiot que dire « les antibiotiques c’est le mal », ou « les anti-douleurs, c’est le mal », alors qu’il en existe dix mille différents…
  • Des maladies ont disparues (La variole), d’autres pourront disparaître (la polio actuellement en voie d’éradication) grâce à la vaccination.
  • Il existe des effets secondaires aux vaccins, et ils sont pris en compte lors de leur évaluation.
  • L’aluminium présent dans les vaccins n’est responsable ni de cancers, ni de maladies neurodégénératives, ni de maladies auto-immune. Il a été montré qu’il était totalement sûr d’un point de vue de la santé (On pourra lire, entre autre les conclusions de cette revue de la littérature par des membres de la Collaboration Cochrane, qui font référence en terme de sérieux ET d’indépendance en recommandation médicale).
  • Néanmoins, on peut effectivement, d’un point de vue éthique, questionner la question de l’obligation vaccinale en vigueur en France, d’autant qu’elle n’est pas efficace, et qu’elle génère un scepticisme face aux vaccins. (J’ai déjà parlé de ce point dans cet article : « Vaccins : marche-t-on sur la tête ?« )

(1) Site de l’OMS : « Questions-Réponses sur les vaccins contre la Dengue »
(2) « Benefits and risks of the Sanofi-Pasteur dengue vaccine: Modeling optimal deployment » N.M. Ferguson et al.Science 02 Sep 2016: Vol. 353, Issue 6303, pp. 1033-1036
(3) « Surprising new dengue virus throws a spanner in disease control efforts » Science  25 Oct 2013, 342 (6157), pp. 415

Les prix des médicaments

Les prix des médicaments qui sortent sur le marché sont si élevés qu’ils sont inaccessibles sans assurance santé. Dans certains pays, dont la France, le système de sécurité sociale publique permet leur diffusion auprès de tous les malades. Dans d’autres, c’est-à-dire la plupart des pays dans le monde, il faut être riche, très riche, pour se soigner efficacement. J’en avais déjà parlé dans ce billet coup de gueule*.

C’est l’entreprise qui a déposé le brevet du médicament qui en fixe le prix, souvent pays par pays, en négociant avec les états concernés, et en l’adaptant à la demande. Par exemple, le traitement par le sofosbuvir (contre l’hépatite C) coûte environ 3000 € en Egypte, 41 000 € en France.*

Members of the association Act Up hold signs in front of a stand of US pharmaceutical giant Gilead Sciences to denounce the high price of a new drug, Sofosbuvir, to treat Hepatitis C, on April 29, 2014 in Montpellier, southern France. In the United States, Gilead priced 730 euros per Sofosbuvir pill for a treatment which can last from 12 to 24 weeks. The World Health Organization estimates there are 184 million people infected with hepatitis C worldwide through sources such as transfusions, with the disease causing half a million deaths annually. Signs read ''Nepal, annual income 340 USD, price of Sofosbuvir 900-1 000 USD''.  AFP PHOTO / SYLVAIN THOMAS / AFP / SYLVAIN THOMAS

Action d’Act Up à Montpellier, le 29 avril 2014
AFP PHOTO / SYLVAIN THOMAS / AFP / SYLVAIN THOMAS

Il faut bien voir une chose : l’entreprise pharmaceutique n’a pas le même intérêt que les états et les sociétés civiles : D’un coté, le médicament est un moyen de gagner de l’argent, de l’autre, il est un moyen d’assurer une santé correcte à la population. C’est cette dualité qui se retrouve dans les aspects juridiques qui encadrent la commercialisation et la protection intellectuelle des médicaments. Et ce, depuis les premiers questionnement sur la place des médicaments parmi les inventions susceptibles d’être brevetées, jusqu’à aujourd’hui, dans la lutte pour l’accès des différents remèdes, par les états les plus démunis comme par les pays occidentaux. ça vous dit, un petit panorama de la question ? Un peu d’histoire tout d’abord… Continue la lecture

Cinq remèdes homéopathiques QUI MARCHENT !

De nombreuses publications ont montré que l’homéopathie ne fonctionne pas. Mais alors, pas du tout. En fait,TOUTES les publications scientifiques sur le sujet ont montré qu’en dehors de l’effet placebo, l’homéopathie n’avait aucune action sur le corps, à part éventuellement sur les personnes diabétiques, à cause du sucre qui compose les petites granules.

Homeopathic medication with chamomile globules

L’homéopathie… ÇA MARCHE !!!

Et bien pourtant, je vais vous présenter 5 remèdes HOMÉOPATHIQUES QUI MARCHENT, du moins s’ils existaient. Et vous allez voir que le principe de similitude, et autres théories fumeuses maintes fois réfutées n’y sont pour rien.

Avant d’entrer dans le sujet, rappelons que pour réaliser un remède homéopathique, on dilue une « teinture mère », c’est-à-dire un extrait aqueux ou alcoolique d’une plante ou d’un « truc » (foie de canard malade par exemple pour le fameux et très rentable Oscillococcinum). Pour les techniques de dilution, le Pharmachien en parle très bien, et c’est la notation « CH » sur le remède qui nous donne la concentration finale :

  • 1 CH correspond à une dilution par un facteur 100 de la teinture mère (1 mL pour 1 Litre d’eau)
  • 2 CH correspond à une dilution par un facteur 100 x 100 = 10 000 de la teinture mère
  • 3 CH correspond à une dilution par un facteur 100 x 100 x 100 = 1 000 000
  • etc… n CH correspond à une dilution par un facteur 100n

Bref, au bout de 11-12 CH, il est à peu près sur qu’il ne reste AUCUNE trace de la teinture mère dans le remède…

Après ces petites précisions d’usages, passons au TOP 5 DES REMÈDES HOMÉOPATHIQUES QUI MARCHENT !

REMÈDE N°1 : Norovirus Laxatus 4 CH

Ce remède se prend par voie orale. Il permet aux patients de fluidifier le contenu de leur tractus digestif et intestinal, qui pourra ensuite être évacué par les voies naturelles, haute, et basse. Prévoir néanmoins des toilettes à proximité, une alimentation à base de riz blanc et de carottes/bananes pendant quelques jours.

La teinture mère est constituée d’une suspension d’excréments de personnes atteintes de gastro-entérites aigues, à norovirus (soit la plupart des gastro-entérites en Europe). Chaque gramme de ces excréments contiennent entre 100 millions et 10 milliards de virus (1). Or, une dizaine de norovirus suffit à déclencher une gastro-entérite (2). 4 CH est donc une dilution tout à fait acceptable pour avoir une très bonne probabilité d’action du remède.

REMÈDE N°2 Thiolus Odorantis 4CH

Ce remède est réservé aux personnes trop sociables, et qui ont besoin de se retrouver un peu seule, dans une intimité que nul n’osera violer. Laissez fondre les granules de Thiolus Odorantis dans la bouche . L’effet est immédiat. Meme pour vous. Disons que vous n’accepterez sans doute meme plus votre propre compagnie, et surtout votre propre haleine.

Issus de la dilution de  3-méthylbut-2-ène-1-thiol  la molécule la plus odorante connue pour l’homme, vous exhalterez un parfum à vomir avec cette dilution au cent-millionième, puisqu‘un milliardième de gramme est déjà détecté par notre nez. N’essayez pas Thiolus Odorantis 3 CH ou une autre dilution plus faible si votre sens olfactif n’a pas été totalement détruit avant.

REMÈDE N°3 Toxicus Botulinium 5CH

Vous êtes trop tendu ? Vos muscles sont tous contractés ? Toxicus Botulinium 5CH est fait pour vous ! Une inhalation, et vos muscles se détendront, comme par magie. Utile aussi en cas de strabisme, et de nombreux autres troubles d’hyperactivité musculaire.

Préparée à partir d’un produit naturel non OGM (Clostridium Botulinium), cette solution à inhaler, ou à s’injecter directement dans les muscles hypertendus est d’une efficacité redoutable. Attention néanmoins au surdosage : la prise de 5 à 10 doses de Toxicus Botulinium 4CH, qui contient 10 ng de Toxine Botulique, a pour effet secondaire… La mort.

REMÈDE N°4 Coxiella Burnetiius 6CH

Ce remède… Ne remède pas grand chose. Par contre, il est très efficace contre des ennemis potentiels. A partir d’1 g de la matière première, a été produit plus de doses nécessaires qu’il n’y aura jamais d’humains sur Terre.

En estimant à environ 10-13 g la masse d’une bactérie de l’espèce Coxiella Burnetti (2), chaque dose de ce remède contient au moins une copie du micro-organisme… Ce qui est tout à fait suffisant pour infecter celui qui l’ingère. A administrer, donc à son ex, à sa belle-mère, ou à Kim-Jung Un. La Fièvre Q qui en résulte sera tout à fait spectaculaire.

Chose intéressante : ce « remède » reste efficace dès années après sa préparation, meme s’il est soumis à de fortes chaleurs, ou à des rayonnements UV intenses… Ne jetez pas vos vieux tubes, ils pourront toujours resservir !

REMÈDE N°5 Polonium Radiante 6CH

Vous vous ennuyez dans votre vie, que vous trouvez trop plate, sans émotions ? Prenez une dose de Polonium Radiante 6 CH, et il vous sera permis de vivre dans le doute, dans la peur de mourir dans d’atroces souffrances liées à la survenue de multiples cancers ! Ce remède, certes extremement couteux, est reconnu pour ses vertus cancérigènes… Mais attention, il ne s’agit pas d’une action chimique, mauvaise pour la santé ! C’est d’émissions de particules véloces au sein même de votre organisme dont on parle ici (ce qui n’est pas la même chose…). à partir des 85 g produits annuellement, ce sont 85 000 000 000 000 doses qui peuvent ainsi etre préparées. Le polonium 210, dont quelques picogrammes ingérés suffisent à dépasser les limites tolérables de radioactivité, va avoir une action prolongée, et distiller ses particules alpha pendant des mois au coeur même de vos organes…

Testé avec succès par la star russe Alexandre Litvinenko !

Ouf, c’est pour de faux !

Bien sûr, ces « remèdes » n’existent pas. Les valeurs données sont un peu approximatives (à un facteur 10 près…) , tout comme les voies d’administration (orale, par injection, par inhalation). Ce qui me semble important ici, c’est de mettre en avant les très faibles quantités des poisons, agents pathogènes, ou molécules odorantes qui suffisent pour induire une réaction de la part de notre corps. Des quantités si faibles, que des « doses homéopathiques » peuvent être responsables des pires effets ! Lorsqu’on dit que les tubes homéopathiques ne contiennent pas une seule molécule active, c’est totalement faux pour les faibles dilutions (jusqu’à 9 – 10 CH). Mais cela ne signifie pas pour autant que « l’homéopathie marche » : Ces remèdes sont les pires qu’on pourrait imaginer, issus des pires micro-organismes et pires poisons. Et en-deçà de 6 CH, ils n’auraient « même pas » les effets escomptés… Alors ne comptez pas sur moi pour promouvoir ces granules de sucre…

 

Bibliographie:

  • (1) Données issues de la thèse de Alison Vimont
  • (2) Estimation maison, sur la base de la masse d’une E. Coli. Coxiella est censée être une « petite bactérie…

Merci à Mme Déjantée pour m’avoir, de retour de vacances, fait exploser de rire en me proposant ce sujet !!

la télomérase : l’inhiber contre les cancers, l’activer contre le vieillissement ? (1)

Il y a quelques temps déjà, j’avais écrit deux billets sur les télomères, la télomérase, et l’opportunité de l’inhiber pour lutter contre les cellules cancéreuses (voir ici et ). S’il fallait résumer en quelques mots, on pourrait dire que :

  • les télomères sont les extrémités des chromosomes : ils jouent le rôle de protecteur du code génétique. Mais à chaque division cellulaire, ils rétrécissent un peu, jusqu’à atteindre une taille critique, qui bloque toute nouvelle division des cellules (elles entrent alors en « sénescence »), ou qui provoque le suicide programmé de la cellule (appelé apoptose)
  • Dans certaines cellules, un complexe protéinique appelé la télomérase, a pour rôle de maintenir, ou de rétablir la taille des télomères. La télomérase n’est pas présente dans la quasi totalité de nos cellules : seules nos cellules souches, ainsi que certaines cellules du système immunitaire (les lymphocytes T en particulier)) sont concernées.
  • Par contre, la télomérase est sur-exprimée dans 80 – 90 % des cellules cancéreuses, et permet leur immortalisation : elles peuvent alors se diviser à l’infini, sans que leur « horloge biologique » ne marque la fin de leur activité…

La télomérase apparaît donc à la croisée des chemins : son absence est la cause du vieillissement de nos cellules, et donc, in fine, de notre organisme, sa présence est source d’immortalisation des cellules tumorales… Il n’en fallait pas tant pour que les scientifiques cherchent soit à l’inhiber, soit à l’activer.

Contre les cancers : la télomérase, objectif à abattre !

Inhiber la télomérase, c’est, pour 90 % des cancers, rendre les cellules malignes à nouveau mortelles. Ce qui signifie que la tumeur va vieillir, puis… mourir, ou arrêter de se développer. Encore faut-il que l’organisme en ait le temps.C’est la raison pour laquelle les inhibiteurs de la télomérase sont très généralement testés en combinaison avec d’autres anticancéreux : aux uns de tuer le maximum de cellules malignes, à l’autre d’empêcher les restantes de se développer à l’infini.

Actuellement, plusieurs inhibiteurs sont en cours d’évaluation. Le plus avancé dans les tests cliniques est l’Imetelstat, actuellement en phases i et II seul, ou en combinaison avec d’autres anti-cancéreux. Il s’agit d’un oligonucléotide (c’est-à-dire un petit brin d’ADN modifié, en gros) : il va être pris en charge par la télomérase à la place du vrai télomère, et bloquer la machine.

Dans la sous-unité hTERT de la télomérase, l'imetelstat va se lier à la partie qui reconnaît le brin du télomère, et ainsi empêcher son élongation.

Dans la sous-unité hTERT de la télomérase, l’imetelstat va se lier à la partie qui reconnaît le brin du télomère, et ainsi empêcher son élongation.

Un autre inhibiteur est aussi développé, en phase pré-clinique actuellement, et donne des résultats intéressant : le BIBR1532. Il s’agit non pas d’un oligonucléotide, mais d’une « petite molécule ». Son mode d’action n’est pas très clair, même si lui aussi va prendre la place du brin télomérique.

BIBR1532

BIBR1532

La télomérase : un appât pour l’immunothérapie

Puisque les cellules cancéreuses sont (presque) les seules à produire ces protéines, pourquoi ne pas s’en servir comme d’un marqueur pour cellules malignes ? C’est la base des immunothérapies basées sur la télomérase.

En effet, le problème des cellules cancéreuses, c’est qu’elles sont encore moins particulières que les cellules normales : tout se passe comme si elles « s’indifférenciaient« … Et c’est bien là le problème ! Cela permet la contamination des organes voisins, et l’apparition de métastases : les cellules cancéreuses voyagent dans la circulation sanguine incognito avant d’essaimer dans un poumon, un os, un cerveau… La télomérase pourrait bien être ce marqueur, qui permet de distinguer une cellule maligne d’une cellule saine. Et une fois qu’on a un marqueur, on peut le cibler efficacement par immunothérapie : pour cela, on peut produire des vaccins qui vont sensibiliser le système immunitaire contre cette cible. Et ça aussi, ça marche : Trois vaccins (GV1001, Vx-001 et GRNVAC) sont actuellement en phase clinique II ou III contre des cancers variés (mélanome, cancer du pancréas, de la prostate…).

Alors, une cible en or ?

Le ciblage de la télomérase suscite toujours, 30 ans après sa découverte, beaucoup d’enthousiasme. Sans doute à raison : dans les années qui viennent, la mise sur le marché probable de l’imelstat et des vaccins anti-télomérase va venir renforcer l’arsenal thérapeutique de la lutte anti-cancer. Leur sélectivité, liée à l’absence de télomérase dans la plupart des cellules saines est particulièrement intéressante, et on peut raisonnablement estimer qu’ils permettront de sauver des vies.

Cependant, il ne faut pas oublier que la télomérase est présente dans 80 – 90 % des cancers, et qu’il existe des mécanismes alternatifs d’élongation des télomères utilisés par les autres, qui permettent de se passer de ce complexe de protéine. Ces thérapies anti-télomérase pourront peut-être être utile dans un grand nombre de cas, mais des résistances surviendront, nécessairement.

Par ailleurs, l’efficacité de ces traitements est limité par deux éléments :

  • Si le cancer en est déjà à un stade avancé, il est probable que les télomères aient été déjà très allongés, beaucoup plus que les cellules saines. Dans ce cas, les inhibiteurs de la télomérase arrivent trop tard : il faudra de très (trop) nombreuses divisions cellulaires avant que la tumeur cesse de croître…
  • Les immunothérapies marchent très bien… Lorsque le système immunitaire n’est pas trop affaibli : or c’est souvent le cas, lorsque le cancer est avancé.

On revient, comme souvent, à l’idée que les cancers, quelque soit leur traitement, doivent être traités le plus précocement possible… D’où l’intérêt de se faire dépister ! (mais correctement, hein ! je ne vous ferais pas encore un lien vers mon billet « Dépistons, piège à c***« )

 

À Suivre : l’activation de la télomérase : le graal de la lutte contre le vieillissement ?

 

Pour en savoir plus :