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Trop de questions sur les tensions de surface… Pour ne pas aller en profondeur

Les phénomènes de tensions de surfaces sont partout. Tout le temps. Depuis les cheveux qui restent mouillés, jusqu’aux surfaces ultra-hydrophobes, en passant par le fameux « ménisque » que forme l’eau dans un tube en verre, ou encore les bulles de savon, et la flottaison des canards…

Ça me donne même envie de me lancer dans une série de billet là-dessus, tiens ! Mais comme je sais que je ne tiendrais pas vraiment la distance, on va essayer ici de poser les bases de la notion de tension superficielle, (ou tension de surface, c’est pareil.)

Bon, entrons directement dans le vif du sujet. Ce qu’on appelle tension de surface, c’est la force qu’il faut exercer par unité de longueur, pour séparer la surface d’un liquide en deux. On peut voir cela sur cette illustration schématique, représentant une portion de liquide et sa surface, en train d’être séparée en deux:

source : université de Lille

source : Cours de l’Université de Lille

Dans le schéma précédent, si \overrightarrow{T} est le vecteur force de tension, sa valeur sera proportionnelle à la longueur L de la « fente » crée par la séparation de la surface : T = \gamma \times L . Et le \gamma est justement appelé tension superficielle du liquide (mesurée en Newton par mètre).

En terme d’énergie, plus \gamma est grand, plus l’énergie de surface (mesurée en Joules par m²) est grande, c’est-à-dire plus il sera difficile de séparer la surface du liquide.

Mais attention, la surface d’un liquide est forcément en contact avec autre chose ! Un gaz, un autre liquide, un solide qui vont, de façon assez évidente influer sur la tension de surface. On va donc écrire \gamma _{LV} pour une interface liquide (L) et gaz (vapeur V) ou \gamma _{LS} (liquide – solide) etc.

Mais au fait, d’où vient cette force de tension ?

Pour comprendre cela, il faut revenir à la structure microscopique du liquide, et des liaisons inter-moléculaires entre les molécules qui le compose. Plutôt que de faire de long discours, on va examiner deux situations très différentes.

Prenons l’eau, de formule H_{2}O . Chaque hydrogène est lié à l’oxygène, suivant une géométrie bien particulière :

eau

En rouge, l’atome d’oxygène, en blanc, les hydrogènes. Pour rappel, les liaisons entre les atomes sont en fait constituées de 2 électrons, un provenant d’un atome, l’autre provenant de l’autre.

Quand on regarde précisément, on se rend compte que l’oxygène attire fortement à lui les électrons qui constituent les liaisons avec les hydrogènes. Lui se retrouve riche en électron, donc plutôt chargé négativement (les électrons étant eux-mêmes chargés – ). Et les hydrogènes se retrouvent appauvris en électrons, donc plutôt chargé positivement. [Pour les amoureux des termes qui permettent de briller en société, on parle de liaisons polarisées].

La conséquence de ces liaisons polarisées est simple : un oxygène d’une molécule d’eau, chargé – , va attirer à lui des hydrogènes d’autres molécules, eux chargés +. Et grâce à cette propriété, un réseau de liaisons intermoléculaires se crée. [Il faut entendre par liaison inter-moléculaire ici des interactions attractives, qui solidarisent les molécules entre elles].

liaisonsH

Forcément, lorsqu’on sépare une surface, on doit rompre un certain nombre de ces liaisons. Donc exercer une force, et on arrive ainsi à la « tension de surface ».

Prenons maintenant un alcane. Molécule banale constituée uniquement de carbone et d’hydrogène, avec des liaisons simples. Prenons de l’hexane (plus précisément, le n-hexane), qui est liquide à température ambiante. De formule C_{6}H_{12} , on peut le représenter comme cela :

hexane

Cette molécule ne présente pas de liaisons polarisées. Donc pas de charges localisées qui permettent de créer les mêmes liaisons qu’entre les molécules d’eau. Forcément, la tension de surface à appliquer sera beaucoup, beaucoup plus faible avec ce liquide qu’avec l’eau.

[En fait, dans le cas des alcanes, et en fait dans le cas de toutes les molécules qui ne contiennent pas de liaisons polaires, il existe quand même des liaisons intermoléculaires. Mais leur intensité est au moins 10 fois plus faible que pour les liaisons entre les molécules d’eau.

Pour briller en société : l’ensemble des liaisons intermoléculaires sont les liaisons de Van Der Waals. Celle qui concerne l’eau sont les Liaisons Hydrogènes, les plus fortes. Celle qui concerne les alcanes, sont les liaisons de London, les plus faibles.]

Ainsi, la tension superficielle de l’eau à 20°C est \gamma_{Eau-Air} = 73 \: mN/m , et celle de l’hexane à 20°C est \gamma_{Hex-Air} = 18 \: mN/m  (pour connaître les valeurs solvant par solvant, c’est ).

On peut aussi déterminer les tensions superficielles d’un liquide en contact avec du verre ou d’un autre matériau solide, ou d’un autre liquide, etc. Finalement, tout dépendra des interactions inter-moléculaires au sein du liquide d’une part, et entre les molécules du liquide et les molécules de l’autre matériau.

Alors, un petit exemple d’utilisation de cette tension superficielle ? Le ménisque

Pour raisonner simplement, il faut se souvenir d’une chose primordiale, et commune à toute la physique et la chimie ; un système est stable s’il atteint un minimum d’énergie.  (Pas forcément LE minimum, un minimum local peut suffire)

On voit la notion de stabilité illustrée ici avec une bille sur un profil vallonné : en bas,  où l'énergie potentielle de pesanteur est minimale, l'équilibre est stable. En haut, instable.

On voit la notion de stabilité illustrée ici avec une bille sur un profil vallonné : en bas, où l’énergie potentielle de pesanteur est minimale, l’équilibre est stable. En haut, instable. A gauche, un état « métastable » : une petite perturbation peut causer une instabilité. La bille tombe alors en bas.

Le ménisque, c’est la surface courbe de l’eau (ou d’un autre liquide) dans un tube en verre (ou d’un autre matériau).

ménisqueSans interactions de surface, la cause est entendue : soumise à la gravité, l’eau DEVRAIT avoir une surface parfaitement horizontale pour minimiser l’énergie potentielle de pesanteur. Oui, mais voilà, il faut aussi prendre en compte les énergies de surface.

Le réseau de silice qui forme le verre peut réaliser des liaisons intermoléculaires avec l’eau fortes (des liaisons hydrogènes, et aussi des liaisons de Keesom), ce qui explique une tension de surface \gamma_{Eau-Verre} assez élevée qui compense localement la force de gravité : l’eau « remonte » sur les parois.

En pointillé, les liaisons hydrogènes entre le verre et l'eau, ou entre molécules d'eau (les pointillés à droite symbolisent la suite du réseau de silice dans le verre)

En pointillé, les liaisons hydrogènes entre le verre et l’eau, ou entre molécules d’eau (les pointillés à droite symbolisent la suite du réseau de silice dans le verre)

On peut aussi avoir une situation inverse, où les interactions entre le matériau et le liquide sont plus faibles qu’avec l’air: le liquide maximalise les interactions « internes », et minimise celles avec le tube de verre : il apparaît un ménisque convexe, comme si le verre repoussait le fluide…

Ménisque formé par du mercure dans un tube en verre.

Ménisque formé par du mercure dans un tube en verre.

 

Et bien j’espère que cette notion de tension de surface, ou tension superficielle est plus claire maintenant ! Parce que ce n’est qu’un début :

A suivre, donc, et dans le désordre (et dans un timing non déterminé) :

  • Les canards du Lac Léman
  • Les surfaces ultra-hydrophobes, à 4 mains, avec Sirtin (avec une petite expérience sympa à faire avec ses propres petites mains)
  • les surfactants
  • et plein d’autres choses !

Les puissances de 10 dans l’univers

Ah, les fameuses puissances de 10 dans l’univers, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, la bible des ordres de grandeurs ! Tout élève de seconde y passe, et tout enseignant de physique-chimie les présente.

Hélas, en général, cela ressemble à ça :

Ou encore, en flash, à ça :http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/html/peda/scphys/flash/Puissance10.swf ( Recommandé par l’Education Nationale !)

Oui. C’est terrible, ringard, moche,… vieux.

Mais ça, c’était avant. Avant ce site, cette animation, qui est malheureusement en anglais, mais magnifique : http://htwins.net/scale2

Alors, c’est en Flash, mais c’est trop la classe. Voilà un petit aperçu que les auteurs ont proposé sur Youtube… Mais c’est sans la musique planante !

Alors en plus, on peut cliquer sur chaque objet présenté, pour une présentation rapide, mais sympa.

Enjoy ! Et luttons tous contre ces vieux diaporamas qui font la honte de l’enseignement scientifique moderne !

Le glaçon dans l’apéro, l’iceberg et la montée des eaux…

On présente souvent la fonte des icebergs, immenses glaçons flottant dans les océans, comme la cause d’une hausse du niveau des mer. et, même si le échelles et les conséquences ne sont pas comparables, la fonte du glaçon dans un verre d’apéritif rempli à ras-bord comme la cause de son débordement.

Et bien non, dans ces deux cas, la fonte des glaces et des glaçons ne sont pas en cause. Pour simplifier, et parce que le temps s’y prête, on va faire notre raisonnement à l’aide du verre d’apéro.

Essayons d’y voir plus clair. Comme chacun sait, la glace, ça flotte. Comme chacun sait, c’est parce que l’eau a la propriété (assez rare) d’être moins dense à l’état solide qu’à liquide, ce qui fait que 1 litre de glace a une masse de 917 g (Pour les puristes, je parle ici de la glace « ordinaire », puisque l’eau solide peut exister sous plusieurs formes, dont la plupart ont une densité supérieure à 1. Voir Wikipédia par exemple). Bref, en langage courant et abusif, « c’est plus léger, donc ça flotte ».

En fait, c’est grâce à la fameuse poussée d’Archimède qu’un corps moins dense qu’un fluide « flotte ». Sans vouloir refaire un exposé sur la poussée d’Archimède, je souhaite juste ici en rappeler le principe de base. A cause de la gravité, la pression augmente lorsqu’on descend sous l’eau (ou dans l’air, ou dans n’importe quel gaz ou liquide). Ce qui fait qu’un objet plongé dans l’eau subit une force de pression plus importante dans sa partie la plus profonde que dans sa partie la plus haute. 

Les flèches symbolisent les forces de pression. Sur les côtés, elles se compensent. Par contre, les forces de pression en bas sont plus importantes qu’en haut, d’où une force globale qui fait « remonter » l’objet immergé.

Bon, les lois de la statique des fluides nous permettent d’établir une expression de cette force verticale, vers le haut :

 Π = ρ(fluide) . g . V(immergé)

(Π étant la valeur de la poussée d’Archimède, ρ la densité du fluide dans lequel est immergé l’objet, g une constante, et V le volume de l’objet effectivement immergé)

Cette formule amène deux commentaires :

  • la densité du corps plongé dans le fluide n’intervient pas : une balle de polystyrène et une boule de pétanque de même volume, maintenus dans l’eau, subissent la même poussée vers le haut. Par contre, le poids de la boule de polystyrène est beaucoup plus faible, et donc la poussée d’Archimède peut le compenser. Ce qui n’est pas le cas de la boule de pétanque, dont le poids est beaucoup trop grand.
  • L’objet, s’il est trop léger, c’est-à-dire que son poids ne permet pas de compenser la poussée d’Archimède, va remonter vers la surface, et une partie va émerger au-dessus du fluide : V(immergé) va donc diminuer, et ainsi la valeur de la poussée, jusqu’à ce qu’elle soit identique à celle du poids. A ce moment, les forces se compensent, et l’objet est en équilibre.
  • la densité du fluide intervient : plus il est dense, plus la poussée est grande. On peut ainsi faire flotter une lourde pièce de monnaie sur du mercure.

Pour aller un peu plus en profondeur (hum…), on peut détailler les calculs pour un objet qui flotte : L’équilibre est donc atteint lorsque le poids et la poussée d’Archimède se compensent exactement.

On a alors :  Π = P , c’est-à-dire  ρ(fluide) . g . V(immergé) = ρ(objet) . g . V(total)

On peut simplifier, et on obtient V(immergé) / V(total) = ρ(objet) / ρ(fluide)

Dans le cas de la glace, le calcul donne V(immergé) / V(total) = 0,917 ; soit 91,7% de la glace immergé, et le reste à la surface.

[Nota Bene : Tout cela est valable pour l’eau douce. Dans le cas d’un iceberg (eau douce) dans la mer (eau salée, donc de densité légèrement supérieure), la partie non immergée est un peu plus importante. L’idée du calcul reste identique.]

[Nota Bene 2 : on néglige bien sûr ici les poches d’air présentes dans les glaçons, dans les icebergs, ainsi que les forces liées à la tension superficielle, qui sont faibles comparées au poids dans ce cas]

Bon, et le rapport avec les océans qui débordent et le niveau de l’apéro qui monte ?

Alors souvenons-nous de la situation avant que le glaçon fonde : le verre est remplie à ras-bord, avec un glaçon qui dépasse. Le volume {apéro + glaçon} dépasse donc les capacités du récipient. Donc la question est donc de savoir, lorsque le glaçon aura fondu, quel sera le volume final… Pour répondre rigoureusement à cette question simple, il faut se souvenir que si le volume va varier, la masse, elle, non.

Du coup, on peut exprimer la masse du glaçon de 2 façons :

m =  ρ(glace) . V(glaçon) avant qu’il ne fonde, et  m =  ρ(eau) . V(glaçon fondu) après

En combinant ces expressions, on obtient que V(glaçon fondu) / V(glaçon) = ρ(glace) / ρ(eau) = 0.917 !

Donc, en résumé, le volume du glaçon fondu est exactement le même que le volume immergé du glaçon !

L’apéro ne déborde pas ! OUF !

Et le niveau des océans ne monte pas non plus. Enfin, pas pour cette raison.

Pour les océans, il est plus raisonnable de penser à la dilatation liée à l’augmentation de la température. Je n’ai pas vérifié, mais c’est plus plausible. Pour l’apéro, il semblerait, d’après une loi purement empirique, que le taux de débordement soit proportionnel au nombre de verre dégusté…

[Nota Bene 3: J’avais prévu de mettre de belles photos de mon cru, mais il s’est avéré que mes glaçons étaient trop bien fait, sans assez d’air dedans pour les faire émerger de façon bien visible… Alors je me suis mis en quête d’une bonne photo sur le net, et me suis rendu compte à ce moment du subterfuge : pour faire apparaître des glaçons qui sortent à 50 % de l’eau, les photographes remplissent complètement le verre de glaçons, et celui qui surnarge, en fait, ne flotte pas, mais tient sur la pyramide constitué par les autres morceaux de glace. Il va sans dire que dans ce cas, mon petit calcul ne tient pas du tout… Allez, je mets quand même une photo, ça servira pour apparaître en Une…]

La physique des arcs-en-ciel

Le phénomène des arcs-en-ciel est expliqué partout, à l’aide d’un petit schéma montrant la dispersion de la lumière dans une goutte d’eau.

Image de l’excellent blog scienceetonnante.wordpress.com

L’idée physique à l’origine de ce schéma, c’est qu’une goutte d’eau se comporte comme un prisme en optique : la lumière blanche qui arrive au niveau de la goutte est composé de toutes les couleurs possibles. [à chaque couleur correspond une « longueur d’onde« ] En traversant la surface de séparation entre l’air et l’eau, les différentes couleurs sont déviées, dans des directions différentes, dépendantes de leurs longueurs d’onde [ce qui correspond aux phénomènes de réfraction et de dispersion de la lumière]. C’est un peu sommaire, comme explications, mais en allant voir les liens, on finit par y voir suffisamment clair.

Bref, à partir de la lumière blanche, du soleil, on obtient dans des directions différentes, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. CQFD ?

Hélas, ou tant mieux, les choses ne sont pas du tout aussi simple. Et avec mon collègue et ami Alex, nous avons passé des heures à discuter, modéliser (surtout lui, pour la modélisation !)  pour essayer de voir plus clair.

Premier point, le plus simple : l’ordre des couleurs de l’arc-en-ciel. Contrairement (apparemment seulement) à cette photo, l’ordre des couleurs de l’arc-en-ciel principal est, du bas vers le haut : rouge, orange,… jusqu’au violet. La contradiction n’est qu’apparente. En fait, il faut se rappeler que pour que  l’on  voit un « objet », en optique, il faut que de la lumière, que l’on modélise sous forme d’un « rayon » lumineux, parte de cet objet, et arrive jusqu’à notre oeil. Un arc-en-ciel est un objet « étendu », c’est à dire qu’on peut le voir comme un ensemble de point émettant de la lumière. Donc pour qu’on puisse le voir, il faut qu’un rayon lumineux provenant de chaque point, c’est-à-dire de chaque goutte d’eau soit intercepté par notre oeil. Ainsi, pour expliquer l’ordre des couleurs,  c’est un « mur » de goutte telle que celle présentée sur le schéma suivant qu’il  faut imaginer. Chaque goutte renvoie toutes les couleurs,mais notre oeil intercepte seulement une couleur par goutte, suivant sa position. Et dans ce cas, l’ordre des couleurs est bien respecté !

Ici, l’observateur (l’oeil à gauche) a le soleil dans le dos. Il faut imaginer chaque goutte (à droite) ré-émettant toutes les couleurs à la fois, dans toutes les directions comprises entre le rayon bleu, et le rayon rouge, matérialisés en traits fins. Mais chaque goutte ne renvoit qu’une seule couleur dans la direction de l’observateur (traits épais), ce qui lui fait voir l’arc-en-ciel, comme une image étendue, projetée sur un écran de goutte d’eau…

[Une question ouverte pour les matheux : peut-on parler de passer d’un espace à son « espace réciproque », dans  ce type de situation, où on passe d’un phénomène qui part d’une goutte pour émettre de la lumière dans toutes les directions, à la situation où on a une « infinité » de sources lumineuses qui émet de la lumière vers un seul point ? Je sais, ce  n’est pas très clair, mais cela me fait tellement penser aux dispositifs où la figure de diffraction est la transformée du dispositif diffractant…]

Voyons maintenant un GROS problème. les fameux 42° . Pour ceux qui ne sont pas encore au courant, l’angle formé entre les rayons provenant du soleil vers l’arc-en-ciel et ceux venant de l’arc jusqu’à l’observateur est d’environ 42°. On trouve par exemple ce type de schéma :

(Source : http://www.figer.com/publications/betisier.htm)

ou encore ça :

source : http://ark-en-ciel.e-monsite.com/pages/i-qu-est-ce-qu-un-arc-en-ciel.html

Là où le problème se pose, c’est qu’en fait, la goutte en entier est éclairée par le soleil. ET donc là où on dessine un rayon incident, il faudrait en dessiner une infinité, tous parallèles entre eux, arrivant sur toute une moitiée de goutte. Si on fait cela, grâce au logiciel Geogebra (et je tiens ici à exprimer mon profond respect à Alex qui a programmé cette situation), et on calcule les angles de sortie des rayons, on obtient ça :

En jaune un rayon du soleil. En bleu, les rayons issus de la goutte, pour une seule couleur donnée, pour des rayons du soleil frappant, avec le même angle, toute la surface à gauche de la goutte

Bref, chaque goutte renvoie, pour chaque couleur, des rayons lumineux avec des angles de – 42° à 42 ° environ avec les rayons issus du soleil. Si on en reste là, pas d’arc-en-ciel, mais juste finalement, de la lumière de toutes les couleurs à la fois (donc blanche), provenant du mur d’eau !

Il faut donc trouver une explication valable. On la trouve (ici par exemple, ou  et ), sans beaucoup d’explication autre que des calculs certes intéressants, mais qu’il est difficile de transposer dans la situation réelle.

Grâce à la simulation sur Geogebra qui a permis le schéma précédent, et en multipliant les rayons incidents sur toute la surface de la goutte, on peut y voir plus clair :

On peut voir assez nettement ici que lorsque la goutte est entièrement exposée à la lumière, il y a un effet de concentration des rayons au niveau des angles maximaux de déviation : certes, la sphère d’eau ré-émet dans dans toutes les directions, mais avec une intensité beaucoup plus importante dans 2 directions : environ -42 ° (celui-là, on ne le voit jamais, sauf en avion) et + 42 ° : c’est la direction de l’arc-en-ciel. Alex avait réalisé des calculs pour montrer à quel point l’effet de concentration était efficace, mais non seulement cela alourdirait beaucoup ce billet, mais en plus il les a égaré… [par contre, on les retrouve ]

Le schéma précédent est évidemment valable pour une seule couleur. Pour les autres, l’angle de sortie sera légèrement différent, toujours autour des fameux 42°, ce qui permet de ré-obtenir les schémas si habituels avec les rayons de chaque couleur dans une direction différente, comme le premier de cet article.

[Néanmoins, pour les matheux, (mais qui ont la flemme d’aller sur les sites que j’ai évoqué), l’idée du calcul est de trouver l’expression de la dérivée de l’angle de sortie en fonction de l’angle d’entrée. Elle s’annule pour environ 42°, et de plus reste proche de zéro sur une plage assez importante d’angle incident. D’où l’effet de « concentration ».]

Mais les rayons renvoyés dans toutes les directions se voient aussi, et sont responsables de l’impression de ciel très lumineux que l’on a en regardant l’arc-en-ciel. Sauf dans une zone, que l’on appelle la bande d’Alexandre. Je reviendrais dessus dans quelques lignes.

Ce travail sur Geogebra, Alex l’a aussi appliqué à la modélisation de la formation de l’arc-en-ciel secondaire. En fait, cet arc-en-ciel nettement moins visible est formé par les rayons qui font une réflexion de plus dans la goutte avant de sortir. Lors de cette réflexion supplémentaire (comme lors de n’importe quel phénomène de réflexion ou réfraction) une partie de l’énergie lumineuse est perdue (ou transmise dans une autre direction). Ce qui explique une luminosité moindre.

[A ce propos, l’angle d’incidence a aussi une influence sur l’énergie transmise. Et on peut donc imaginer dans quelle direction l’énergie transmise est la plus importante, « par rayon », ou plus scientifiquement correct, par unité de surface éclairée par le soleil. Il s’avère que les fameux 42° correspondent à une direction privilégiée d’un point de vue énergétique, mais l’écart avec les autres directions reste faible, ne permettant pas d’expliquer le phénomène d’arc-en-ciel. Je serais ravi de fournir la modélisation qu’a réalisé Alex à ce sujet à tout(e) curieux(se)]

Ainsi, pour expliquer l’existence de ce second arc-en-ciel, on peut obtenir le schéma suivant, où l’on voit les rayons émergents après 2 réflexions :

on remarque dans ce cas que la plupart des rayons issus de la goutte sont cette fois-ci, à cause de la réflexion supplémentaire dans la goutte, plutôt vers l’arrière. Avec toujours l’effet de concentration des rayons dans une direction privilégiée, ici environ 51°.

Il est intéressant de décortiquer, pour finir, le phénomène de la bande d’Alexandre. Il s’agit d’une bande plus sombre entre les arcs-en-ciel principal et secondaire (en dessous). Ça se voit vraiment très bien, pour peu qu’on y fasse attention :

[Au passage, on voit nettement sur cette photo les « arcs surnuméraires », juste en dessous de l’arc principal, mais qui sont dus à des phénomènes de type diffraction/interférence lumineuse.Explications par exemple ici]

En fait, le travail de modélisation permettant d’expliquer la zone d’ombre a déjà été présenté ici : il suffit de superposer les rayons issus de la goutte après une réflexion avec ceux issus de 2 réflexions :

On voit ici une petite zone dans laquelle la goutte ne renvoie pas de lumière du tout. Si on accumule pour toutes les gouttes du « mur d’eau », on s’aperçoit que pour une direction donnée, celle de l’observateur, les gouttes d’eau situées entre celles responsables des arcs-en-ciel secondaire et principal ne renvoie pas de lumière du soleil. D’où l’impression plus sombre du ciel à cet endroit. [Je n’ai pas réussi à faire une capture d’image suffisamment claire pour cela à l’aide de la simulation Geogebra,.. avec le mur de goutte, ça fait vraiment trop chargé…]

 

Bon. Nous voilà arrivé aux termes de ce billet. J’espère avoir été plus clair que d’autres sur ce sujet tellement vaste.

Evidemment, je souhaite remercier Alexandre pour tout son boulot (il ne s’est pas trop senti, finalement, pour la rédaction de l’article… ça sera pour la prochaine fois !)

N’hésitez pas à me demander de vous envoyer le fichier Geogebra de la simulation ! (dès que j’ai le temps, je vous l’incorpore directement dans l’article !)

A lire aussi:

 

>Les tartines de Schrödinger

>Je viens de faire une nouvelle expérience ce matin, que Schrödinger n’aurait pas reniée.

Elle concerne les états intriqués. Pour faire très simple, très très simple, en mécanique quantique, il arrive que deux « objets » (deux photons par exemple) aient un état quantique commun, de telle manière qu’on ne puisse pas réellement parler de deux objets, mais uniquement d’un ensemble des deux.

Ainsi, même si on sépare par une grande distance ces deux objets, ils restent d’une certaine manière « liés ». La conséquence immédiate de ce concept, est que lorsqu’on « observe » et donc « pertube » un des deux objets, le second est aussitôt (oui, instantanément, même s’il se retrouve à des années lumières) pertubé.

Par exemple, il est possible de produire un couple de photon, « intriqués », dont la polarisation (+ ou -, pour simplifier) est aléatoire, et non déterminée avant mesure (pour chacun des photons, 50 % de chance de le trouver +, 50 % de le trouver -). Et bien, lorsqu’on regarde la polarisation d’un des deux photons, on la « fixe » (+ par exemple), et l’autre photon voit aussitôt sa polarisation fixée (- forcément dans notre exemple).

Pour des détails plus poussés, wikipedia propose toute une série d’articles sur les états intriqués, Alain Aspect (qui a montré expérimentalement que ça marche bien), etc…

Revenons aux tartines. Ce matin, sur des biscottes identiques, j’ai déposé une couche de miel, de même épaisseur, de même composition. Et bien, ces biscottes, croyez -moi ou pas, étaient intriquées. Chacune avait, en dépit de leur similitude, des comportements différents, non déterminés avant la mesure, comme tout objet quantique qui se respecte. Soudain, l’aîné de mes enfants a jeté son dévolu sur l’une d’entre elle (comprenez il l’a mesuré), la qualifiant de « bonne » (un des deux états quantiques possibles).  Instantanément, le deuxième observateur (la cadette) a constaté que l’autre tartine, pourtant strictement identique au départ, était « mauvaise » (le deuxième état quantique). Si c’est pas de l’intrication, ça !!

Figure représentant la méthode d’intrication quantique de 2 tartines au miel (attention, il ne s’agit pas des tartines de l’expérience relatée ci-dessus, celles-ci ayant disparues corps et âmes dans divers estomacs…)

Voilà, à force de répéter que la mécanique quantique, c’est des gros calculs mathématiques, avec une vulgarisation trop simpliste, on n’oublie que ça arrive tous les jours (pour peu qu’on ait des enfants) !

Sources :

  • Wikipédia, bien sûr
  •  Albert Einstein, Boris Podolsky et Nathan Rosen, « Can Quantum-Mechanical Description of Physical Reality Be Considered Complete? » Phys. Rev.47, 1935, 777-780 (Bien sûr, je ne l’ai pas lu, mais ça fait classe de citer un article d’Einstein !)
  • Des cours de l’ENS de mécanique quantique…
  • Mon petit déjeuner pour les expériences

>Question 19 : ENFIN : pourquoi le ciel est bleu ?

>Et là, je vais beaucoup vous décevoir. Parce que je ne vais rien écrire du tout sur le sujet.
Parce que un certain Bruno Bolis fait cela très bien. C’est par içi !

>Question 16 : Qu’est-ce qui se passe lorsqu’on fait dégorger un concombre ?

>Recette des concombres au yahourt (ou à la crème fraîche, c’est encore meilleur). Prenez un concombre bien ferme, bien vert. L’éplucher, le couper en fine rondelle. Rajoutez du sel, mélanger, attendre quelques minutes. Vider l’eau obtenue, rincer soigneusement les tranches de concombres. Ajouter ensuite le pot de crème fraîche, quelques herbes de Provence (éventuellement des graines de moutarde grillées et de la menthe ou de la coriandre fraîche). Et déguster.
Afficher l'image en taille réelleOn aime ou on n’aime pas. Mais dégorger les concombres, c’est assez drôle. On ajoute du sel, et une partie de l’eau du concombre sort par magie. Ce tour de main des cuisiniers-ères, bien facile et bien connu a une explication redoutable : l’osmose.

Voyons cela de plus près : la nature a non seulement horreur du vide, mais elle a en plus horreur des différences, des inhomogénéités, et tend à gommer toutes formes d’originalités. Bon j’exagère là. En tout cas, pour les liquides, ça marche : prenez un réservoir d’eau douce, un d’eau salé, et mettez-les en contact, séparés par une membrane semi perméable (c’est-à-dire qui laisse passer seulement l’eau, mais pas le sel). Le réservoir d’eau douce va se vider de son eau, afin que la concentration de sel s’égalise. C’est ce que je disais : détruire toute forme de diversité !
Grâce aux lois de la thermodynamique, on peut en effet démontrer, que dans le cas précédent, apparaît une force de pression dite « osmotique », qui « pousse » l’eau douce à passer à travers la membrane, jusqu’à ce que les concentrations soient identiques…

Et le rapport avec nos concombres ?
En ajoutant (beaucoup) de sel sur les concombres, on crée un gros déséquilibre entre l’eau à peu près douce des cellules du concombres, et l’eau très salée à l’extérieur. La pression osmotique devient très importante, et fait sortir l’eau des cellules (en explosant les membranes cellulaires au passage)
Le concombre dégorgé n’aura plus la mauvaise idée de rendre son eau une fois la recette finie !

Ce phénomène d’osmose est très général, utilisé en biologie pour faire exploser les membranes cellulaires, utiliser pour dessaler l’eau de mer (c’est dans ce cas « l’osmose inverse« , où on impose une force de pression pour forcer l’eau douce à refluer dans le compartiment d’eau non salée). Maintenant, ce phénomène est aussi utilisé pour produire de l’énergie : qui dit force de pression, dit possiblité de faire se déplacer de l’eau, donc turbine, donc électricité. Et pour l’approvisionnement en eau douce et eau salée, il suffit de se mettre à l’embouchure de n’importe quel fleuve…
Il n’en fallait pas moins pour que des ingénieurs suédois de Statkraft installent une centrale fonctionnant avec l’eau du Fjord  d’Oslo et de la mer Baltique. Voilà (en anglais…) leur vidéo de démonstration.

The World’s First Osmotic Power Prototype Opens Today


Moi je trouve ça quand même assez sympa, comme process…
Seul hic : les membranes semi perméables : elles coûtent chers, sont fragiles, ont une durée de vie faible.

Sources :
Wikipedia bien sûr !
Statkraft

>Question 15 : pourquoi est-ce si difficile de retirer une ventouse (d’un objet lisse) ?

>Avez-vous déjà essayer de retirer une ventouse d’un carrelage bien propre, juste en tirant dessus ? Pas évident. Pas évident du tout … et pourtant, cela s’explique très bien !
En fait, tout est dans la fameuse phrase : « la nature a horreur du vide »
                       von Guericke's Magdeburg sphere experiment as shown by Ferrari in Philosophia Peripatetica, 1745.
                       Représentation de la fameuse expérience de la « sphère de Magdebourg » : en  bref, deux grosses ventouses collées l’une contre l’autre,  que 4 chevaux ne peuvent séparer…

Voyons cela simplement : en appliquant la ventouse sur le mur, on chasse presque la totalité de l’air entre le support, et le petit disque de plastique. En tirant dessus, la ventouse se déforme, et tend à créer un espace « vide ». Et cela, ce n’est pas supportable : l’air extérieur va appuyer avec une force gigantesque pour que cela ne se réalise pas. (bien sûr, l’astuce réside en faisant entrer l’air par un côté, et la ventouse tombe d’elle-même).
Bon, ça c’était le raisonnement « fait avec les mains ». Regardons maintenant de plus près : chacun sait, météo télévisée oblige, que la pression atmosphérique tourne autour de 1000 hecto-pascals. Ces fameux hecto-pascals représente la force qu’exerce l’air sur une surface de 1 m². L’air exerce donc une force de 100000 Newtons par m². On est bien avancé. Bon comparons avec le poids d’un éléphant. un petit, d’une tonne. S’il s’assayait sur une surface de 1 m², la force qu’il exercerait dessus serait d’environ 10000 Newtons. Bref, il faut 10 éléphants d’une tonne pour arriver à une force égale à celle de l’air !!
Comment font donc les objets de notre quotidien pour résister à de telles forces ? Essayez de poser 10 éléphants sur une table de 1 m², il y a peu de chance qu’elle résiste longtemps ! On oublie cependant içi une donnée importante : l’air ne pousse pas la table que par le dessus : globalement, l’air pousse partout ! Mieux, l’air contenu dans la table, entre les fibres du bois, pousse aussi avec la même force, ces 100000 Newtons par mètre carré ! Tout se compense… et la table reste en place.
Revenons à cette ventouse, avec un diamètre de 10 cm, soit une surface de 0,03 m² environ Cela signifie que l’air exerce une force de 3000 N dessus (« seulement » le poids d’un éléphanteau de 300 kg !). si on tire, on crée un « vide » qui n’exerce plus de force de pression, et qui ne compense plus la force de l’air extérieur. La ventouse reste irrémédiablement collé…

N.B. : bien sûr, on ne crée jamais un réel vide, et il reste toujours un peu d’air entre le mur et la ventouse. Et on finit par y arriver, à soulever cette maudite ventouse, sans être un éléphant ! !