Archives pour la catégorie medecine

La violence durant les études médicales

Ce billet fait écho à celui écrit et partagé sur le site Les Vendredis Intellos, avec un point de vue légèrement différent.

Je m’étais déjà lâché dans un billet : « Quand la médecine fait mal« , relatant quelques exemples de violence fait par les médecins à des patients, par incompétence, morale et psychologie de bas étage, habitude, irrespect, etc… Ce billet relatait de façon non scientifique des expérience vécues par des proches.

Ici, ma chère Mme Déjantée m’a fait passer un article d’un médecin qui a mené durant plusieurs années un projet pédagogique autour des violences durant les études de médecines. Il ne s’agit pas ici de parler de la violence entre étudiants, au cours de beuveries collectives, ou non plus les pratiques très très douteuses des salles de gardes, dont le magazine « Causette » avait parlé. Il s’agit ici des violences dont sont victimes les étudiants durant leurs stages en milieu hospitalier.

Karin Parent, médecin à l’Hôpital Luxembourg à Paris a proposé à des étudiants en médecine ou en maïeutique (étude de sage-femme, mais la « maîeutique », ça fait plus chic) qui suivait son cours optionnel sur les soins palliatifs de rédiger un texte. Non pas centré sur les patients, mais

« [centré] sur la reconnaissance de l’étudiant comme personne, avec son histoire, ses expériences de soin personnelles ou professionnelles, son affectivité, son désir d’exercer une médecine porteuse de sens, et ses pleines capacités réflexives à nourrir pour qu’il les développe. »

Et là, elle raconte

« J’avais très envie de découvrir sur quels thèmes ces jeunes hommes et ces jeunes femmes (21—23 ans) avaient travaillé. Ma curiosité s’est transformée en surprise, en stupéfaction, et en saisissement : au-delà de capacités de réflexion, de distance critique, ou de problématisation, ce qui s’exprimait-là, sur des sujets variés, était un vécu de violence si fort qu’après avoir lu la moitié des écrits, poursuivre la lecture m’est devenu insupportable« 

Avant d’aller plus loin, je souhaite faire une petite remarque. Je considère ici qu’il s’agit d’un article scientifique. Plus précisément ce qu’on appelle une monographie en sociologie, où le point de vue subjectif de l’auteur affleure naturellement, et fait partie intégrante du travail réalisé. Ici, la lecture de cet article fait apparaître qu’il s’agirait plutôt d’un acte de colloque, de la conclusion d’un travail de groupe durant un séminaire. Sa valeur n’en est qu’augmentée.

Entrons dans le vif du sujet. Pour l’auteure, les violences (psychologiques) qui s’exercent sur les étudiants sont de deux types : certaines sont inhérentes à l’apprentissage du métier de soignant, et d’autres, par contre, sont évitables, et correspondent au vécu de certaines situations qui violent leur éthique et leur représentation du rôle du soignant.

« Soigner, c’est transgresser »

Quand j’ai lu ces 4 mots, j’ai été assez marqué. Par la violence que cela représente, en même temps que par la nécessité évidence de la transgression dans ces métiers. Ces étudiants vont parfois faire mal à leur patient (une perfusion mal posée), à toucher leurs parties intimes, très intimes (toucher rectal, toucher vaginal).

Ils doivent apprendre à faire à l’autre ce qui est interdit aux autres non soignants, et à le faire de façon responsable.

Mais il n’y a pas que cela qui est violent, sans pour autant être anormal. Comment annoncer à un patient qu’il va mourir, à ses proches qu’ils vont être orphelins ? On critique souvent, et à juste titre les médecins qui ne savent pas le faire, et qui se protègent eux-mêmes en étant froids, distants. Ils devraient tous avoir appris à se comporter autrement. Mais ce n’est pas (assez) enseigné. Alors reste leur souffrance cachée derrière un masque.

« Ils sont en train de faire ÇA à ce malade. Personne ne dit rien, il n’y a que moi que ça gêne ici »

Et puis il y a ce que l’auteure appelle la « surviolence« . La violence inutile, gratuite, qui découle de l’abus de pouvoir du soignant sur le patient. Une élève raconte une scène terrible :

En deuxième année, les étudiants n’ont pas 20 ans. Un chef de service emmène un petit groupe d’étudiants dans une chambre. Il demande à la patiente de se mettre à quatre pattes, lui enlève son sous-vêtement et dit aux étudiants : « Entraînez-vous au toucher rectal, je reviens dans dix minutes ». Le médecin parti, les étudiants se regardés, se sont excusés, ils ont rhabillé la patiente et ils sont sortis.

La relation entre le patient et le soignant est « asymétrique » : l’un a beaucoup d’ascendant sur l’autre, sans que cela soit réciproque. L’abus de pouvoir est à portée de main du médecin, qui a pour s’en prémunir la déontologie et l’éthique personnelle. Par contre, la confrontation avec des actes inutiles et en désaccords profonds avec sa morale personnelle est très déstructurant pour l’étudiant.

[L’abus de pouvoir] sature ses capacités d’analyse rationnelle, sidérées par un ressenti composite intense de stupéfaction, d’incrédulité, d’horreur, de crainte, de révolte, d’impuissance, de solitude, de rupture d’idéal et de perte de confiance dans le modèle.

 Que faire de ces violences subies, et rapportées par les étudiants ?

L’auteure pose bien sûr la question des suites à donner à ces violences psychologiques rapportées par les étudiants. Qu’en faire ? Une des étudiantes qui suivait ce cours a rapporté des évènements graves, qui ne sont pas détaillés dans l’étude, mais qui pourrait relever du pénal. Qu’en faire ?

Afin d’aider ces étudiants, la première chose est d’instaurer un climat de confiance entre eux et les enseignants. Pour que ces violences puissent être explicitées. Rompre la solitude, et en parler avec les autres étudiants est pour K. Parent un élément central. Mais il reste le rôle joué par l’institution. Là, le constat est amer. Cette étudiante qui a fini par témoigner de violences terribles a eu pour seul retour… de changer de service. Au delà des faits répréhensibles qui ne seront jamais portés devant un conseil de discipline ou la justice, c’est la confiance dans le système qui est plus qu’ébranlée.

Au-delà de la souffrance des jeunes adultes, qui est déjà insoutenable lorsqu’elle est évitable, c’est la pratique même des métiers de la santé par ces futurs soignants qui est affectée par cette violence. Car la transgression d’une éthique, de la conviction que le médecin, la sage-femme est là au service du patient provoque une perte de repère qui peut conduire à la reproduction de ces mêmes violences.

J’ai souvent critiqué le comportement de certains médecins. Coupables à mes yeux de violences inutiles, volontaires ou non. Avec cet éclairage, de la façon dont ils sont mal-traités durant leurs études, je comprends mieux.  Et cela donne aujourd’hui un angle d’attaque pour faire évoluer la situation.

D’autant que tous les soignants ne reproduisent pas ces violences. Alors chantons les louanges des Martin Winckler, JADDO, Dr Borée, Leyla-MK (kiné de son état), FarfaDoc et quelques autres (tant d’autres !) qui un jour se sont dit, pendant leurs études,( ou après), des mots qui ressemblaient à « N’oublie pas, n’oublie pas, n’oublie pas« . (Voir par exemple ce billet de Dr Borée sur la pétition pour des chemises d’hôpital, qui renvoie des liens vers de nombreux blogs de soignants)

Source : « Que faire des violences rapportées par les étudiants » K. Parent Ethique et Santé 2013, 10 (3), pp 155-162

Quand la médecine fait mal


Avertissement aux lecteurs : Cet article a surpris, énervé certains. Je me permet donc de faire quelques mises au point.

  • Ce blog héberge habituellement des billets « scientifiques ». Ici, il s’agit d’un billet d’opinion sur une certaine pratique de la médecine. Je ne cherche pas à « démontrer » que « la médecine fait mal ». Mais à parler de pratiques qui ont concernées des proches, et qui m’ont heurtées.
  • La médecine moderne et les médecins sauvent d’innombrables vies tous les jours. Comment le remettre en cause ? Ce dont il s’agit ici sont des pratiques finalement « mineures » par rapport aux vies en jeu. Mais sont-elles pour autant acceptables, lorsqu’elles nuisent aux patients, et qu’elles ne sont pas rationnelles ?
  • To be continued…

Si vous êtes des lecteurs assidus, vous avez peut-être remarqué que je ne porte pas toujours les pratiques médicales dans mon coeur. Disons que sans n’avoir jamais eu le moindre problème de santé, j’ai vu, entendu trop d’horreurs pour ne pas être extrêmement méfiant. Hypochondriaque, je ne le suis pas un brin. Cancérophobe, malgré quelques cas dans ma famille et une thèse tournant autour de la synthèse de composé anti-tumoraux, non plus. Ce n’est donc pas du tout dans une optique revancharde que je vous propose ce billet. Mais trop régulièrement, j’apprends de nouvelles pratiques médicales qui mutilent, affaiblissent, asservissent inutilement.

Il ne s’agit pas de faire de généralités et d’accuser en bloc les soignants. Des médecins, sage-femmes, infirmier(e)s se battent tous les jours, et parfois contre leurs collègues, pour faire admettre des pratiques médicales saines, et respectueuses des patients. Je pense en particulier à ceux que je peux suivre sur Twitter, Dr Borée, Dominique Dupagne, Jaddo, GrangeBlanche, Martin Winckler, (et beaucoup d’autres…) et puis je pense aussi à mon médecin généraliste, que j’ai mis près de 10 ans à trouver, et avec qui, enfin, je peux échanger librement.

Je tiens à dire aussi que le métier de médecin est un des plus difficiles que je puisse imaginer. Parce qu’on voit des personnes qui souffrent, et qu’il faut à la fois parvenir à ne pas se laisser submerger par l’émotion, tout en n’oubliant jamais que la personne en face est humaine, et qu’elle a besoin de compassion, et, il faut le dire, d’amour. Alors ? Alors peu de médecins ont cette capacité à rester humain face à leurs patients (et je ne pense pas en être capable, mais, ouf, je ne fais pas ce métier). Les autres devraient peut-être faire un autre métier.

Maintenant, tout cela dit, je parle de médecine en général, parce qu’en France, les pratiques, les discours dont je souhaite parler sont généralisées. Je ne vais pas non plus sortir de scoop, et c’est pourquoi je mettrais beaucoup de lien vers d’autres sites, bien informés.

Dernier avertissement : je veux parler de mon expérience, ou de celle de mes proches. Pas faire une revue de la littérature argumentée, où j’aurais, pour chaque papier cité revu sa méthodologie d’analyse et de traitement statistique.

Donc la leçon du jour :  Comment asservir, faire mal, par la médecine

Technique 1 : La carte d’abonnement. Pour pouvoir asseoir l’autorité de la médecine, il faut que le patient ait toujours une bonne raison d’aller voir son médecin. Il faut donc distribuer des cartes d’abonnement. Certaines spécialités adoooooorent cela. Personnellement, j’en connais deux: endocrinologues et gynécologues.

Pour les gynécos, il faut absolument lire M. Winckler, qui a abondamment discuté des abus de ceux-ci (cet article, entre autre. ou son livre « le choeur des femmes »). Quelques exemples: la contraception : certains gynécos donnent des prescriptions pour une pilule pour 3 mois ou 6 mois. Là où la loi leur permet de faire des prescriptions annuelles. Hors situations exceptionnelles, comment peut-on le justifier ? Sans parler des stérilets, dont la durée de vie est de 5 ans environ… La palpation des seins. Beaucoup de gynécos, dès l’adolescence, palpent la poitrine de leurs patientes chaque année. Compte tenu des statistiques sur les cancers du sein, il est absurde que cet examen humiliant (Update : humiliant quand il est pratiqué sans raisons médicales valables) ait lieu avant 35 ans (hors situations exceptionnelles évidemment !). Les frottis : beaucoup de gynécos en font un par an, dès l’adolescence. Hors les recommandations officielles préconisent un frotti tous les 3 ans, à partir de 25 ans. (Avant 25 ans, il y a non seulement un risque extrêmement faible de cancer, mais en plus un risque réel de faux positif). Comment justifier ces pratiques ? (Une secrétaire médicale m’a remonté les bretelles au téléphone à ce sujet, comme quoi j’étais irresponsable de penser que cela suffisait, et qu’elle était bien contente de se faire *** chaque année). L’examen gynécologique : passage obligé ? Vous êtes vraiment sûr ? Alors il faut me dire à quoi ça sert pour de vrai, hors symptômes gynécologiques (M. Winckler le rappelle d’ailleurs en partie dans son billet sur la contraception). Je vous passe ici l’échographie endovaginale réalisée TOUS LES ANS à une personne de mon entourage de moins de 25 ans, sans aucun problème de santé… (Si vous ne savez pas ce qu’est une échographie endovaginale, eh bien… renseignez-vous). Bref, si on rationnalisait réellement toutes ces pratiques, les femmes iraient voir leur médecin généraliste ou leur sage-femme une fois par an, ou moins, afin de renouveler leur ordonnance, et de discuter sexualité.

 Pour les endocrinologues, je citerais une anecdote d’une proche. Suite à un malaise vagal, un médecin lui a prescrit une liste d’analyse longue comme le bras (dont un encéphalogramme, si si !), qui comportait un dosage de la TSH (principale hormone thyroïdienne). Le labo d’analyse, pour des raisons obscures ou financières ( au choix), a décidé de réaliser aussi le dosage d’anticorps auto-immun qui peuvent expliquer une hypothyroidie. Ca ne rate pas, la TSH est normale, mais il y a légèrement plus que la norme du labo d’anticorps. Rdv chez l’endocrino, qui dit qu’en fait, ces anticorps sont présents chez près d’un quart de la population, et que cela n’a aucune conséquence. Si un jour des symptômes apparaissent, il faudra penser à la thyroide, c’est tout. Mais elle lui propose QUAND MEME un suivi « à vie », avec une prise de sang tous les 6 mois. (Renseignement pris chez une autre endocrino : sans pouvoir rien justifier médicalement, elle aurait fait pareil.).

Technique n°2 : Déformer ou cacher des informations, tromper, faire peur

Vous trouvez que j’y vais fort, n’est ce pas ? Je cite un médecin consulté pour mon fils de moins de 3 mois ayant la varicelle, et que j’aurais dû amener à l’hosto en cas de fièvre, où il aurait dû subir Radio de la poitrine, ponction lombaire, prise de sang : « Il est prouvé, toutes les études le disent, que la ponction lombaire chez un nourrisson est SANS DOULEUR ! » Une telle affirmation va à l’encontre de tous les efforts qui ont été réalisés depuis le début des années 1980 pour prendre en compte la douleur des enfants. Et je n’ai pas trouvé de trace de toutes ces études. S’il s’agissait d’un chercheur, évalué par ses pairs, comment aurait-il été jugé ??

Un autre, gynéco cette fois, à propos du dépistage du diabète gestationnel, non obligatoire mais recommandé par le CNGOF à l’époque, qui depuis a été réservé aux personnes « à risque » : « si vous ne faites pas cet examen, vous mettez en danger de mort votre futur enfant« . Je me suis pas mal renseigné sur le sujet (voir ce billet, un peu ancien déjà), en lisant nombre de rapports d’experts (de la HAS, du CNGOF, etc…), ainsi que des méta-analyses… Dans le cas d’une personne non diabétique (je parle de diabète vrai, de type 1 ou 2), cette affirmation est absurde. Et ne vise qu’a obliger une patiente à faire un examen coûteux lorsque il est généralisé.

Je souhaite ici citer le travail de D Dupagne, qui se bat contre les affirmations (qui vont à l’encontre des résultats de la recherche) de certains médecins sur les dépistages (en particulier sur le cancer de la prostate).

Pour moi, il est anormal que les médecins, que tout le monde considère comme des scientifiques, ne soient pas en mesure de se renseigner, et de justifier de façon rationnelle et scientifique leurs pratiques. D’entendre de plus des fausses informations, parfois énoncées en toute connaissance de cause me semble en dehors de tout cadre déontologique.

Je citerais un dernier exemple, un peu différent, mais caractéristique de ce que je viens de dire : un psychiatre, à une amie maître de conférence en Sciences humaines, qui demandait à ce que son traitement anti-dépresseur soit réduit : « Non, et je ne discuterais pas avec vous : vous les professions intellectuelles supérieures, vous savez trop argumenter, alors je finirais par avoir tort. Donc, c’est non, sans discussion. »

Technique n°3 : Etre partout, tout le temps

La médecine moderne s’est implantée peu à peu à toutes les échelles de notre vie. Il faut manger 5 fruits et légumes par jour, faire du sport, ne pas boire, ne pas fumer, se laver les mains 12 fois par jour, mettre de la crème solaire dès que l’on sort(y compris en hiver d’après certaines sources médicales), surveiller sa ligne, ne pas manger trop salé… Sinon on meurt. Je ne dis pas qu’un grand nombre de ces conseils ne sont pas de bons conseils, mais lorsqu’on sort du « conseil », pour devenir une « prescription », là, c’est un problème. D’autant plus que certains de ces conseils sont… surprenants, voire arbitraires. Par exemple, on ne doit plus JAMAIS être au soleil sans protection.. Or, c’est lorsque notre peau est exposé au soleil que nous fabriquons de la vitamine D, pour laquelle les études épidémiologiques montrent que nous sommes carrencés. On va donc prendre des suppléments de vitamine parce que le soleil est l’ennemi de notre peau ? Y a pas un truc qui cloche ? Et réfléchir, être raisonnable, ça fait trop travailler le cerveau, c’est un facteur de risque de schizophrénie ou de dépression ?

De toute façon, comme dit mon médecin généraliste : « on ne peut plus péter sans que la médecine s’en mêle« .

Un autre domaine est très révélateur de cette main-mise du médical sur la vie quotidienne. La puériculture, « l’art d’élever les enfants ». Boltanski, en 1969, a écrit à ce sujet un ouvrage formidable : Prime Education et Morale de Classe. Voilà ce qu’on peut y lire par exemple :

 La diffusion de la puériculture ne s’est pas faite […] spontanément ni au hasard ; elle est le résultat d’une entreprise systématique qui, commencée à la fin du siècle dernier, se poursuit encore aujourd’hui, et ne constitue qu’un élément à l’intérieur d’un projet plus vaste, plus ambitieux : régler la vie, particulièrement celle des membres des basses classes, régler tous les actes de la vie, y compris les plus intimes et les plus privés, ceux qui s’accomplissent à l’intérieur de la maison, au sein du foyer « 

Mme Déjantée en a fait une analyse très pertinente dans ces deux articles (ici et ici), et elle note en particulier, tout en citant largement l’auteur :

« C’est ainsi que l’avènement des statistiques dans la première partie du XIXème siècle a amené « chez les administrateurs, les médecins, mais aussi dans le public, une prise de conscience de la mortalité infantile et de son importance. » (p.55) faisant germer dans leur esprit la nécessite d’ « imposer un « style de vie nouveau », une « nouvelle morale » » (p.56) à ceux dont les mœurs sont tenues pour responsables de cette situation dramatique que sont les classes laborieuses. Ce changement prenant pour base l’école, vue comme outil d’acculturation propre à instaurer et asseoir la légitimité et le pouvoir du médecin tout en bannissant les traditions populaires et familiales. »

Ce qui est particulièrement saillant, en puériculture, c’est qu’il ne s’agit pas de soigner, mais de « maintenir une bonne santé » un enfant qui l’est déjà. Pour cela, on a au cours du XXeme siècle inventé des règles sorties de nulle part : Pendant leurs premiers jours de vie, les bébés ne devaient consommer que de l’eau sucrée. Un bébé doit être immédiatement lavé après sa naissance, etc. Ces considérations, ayant le statut de règles, ne sont pas dictées par un savoir scientifique, mais bien par une idée de « ce qu’il convient de faire », aussi critiquable que les discours de comptoir. Sauf qu’elles sont énoncées par une personne ayant de l’autorité, c’est-à-dire le soignant. Au patient de s’exécuter docilement, afin de rentrer dans la norme.

Technique n°4 : Humilier, faire mal

Pendant ma thèse de chimie organique, un collègue thésard suivait en même temps des études de médecine. Externe cette année là, il nous a raconté, sans broncher, comment on lui avait appris à gérer les tentatives de suicide par ingestion de substances dangereuses (médicaments ou autre) : Il fallait réaliser un lavage d’estomac, et surtout, FAIRE MAL POUR QU’IL OU ELLE, « CE CONNARD OU CETTE CONNASSE » NE RECOMMENCE PAS, ET COMPRENNE QUE C’ETAIT UNE CONNERIE. Je n’invente rien. c’était en 2008. Et ce qui est dramatique, c’est que cela faisait partie de ce qu’on lui apprenait !

J’ai exactement le même témoignage d’une ancienne aide-soignante, en centre IVG : les médecins pratiquant l’avortement décidant volontairement de faire mal aux patientes. (Ce témoignage là correspond à une situation dans les années 1980. Espérons que cela a complètement changé.)

Humilier, c’est encore plus facile. Une petite phrase par ci, une autre par là… Et ça permet d’anihiler la volonté. Tenez, encore un gynéco, à une proche qui a eu un enfant à 19 ans (grossesse volontaire) : « A votre âge, normalement, on vient me voir pour un avortement, pas pour une grossesse ! » Comment ne pas sentir misérable, inférieur(e), et finalement soumis(e) après de tels propos ?

Technique n°5 Mutiler

Mutiler, c’est détruire ou dégrader pariellement une partie du corps de façon irréversible. Les mutilations dont on entend le plus parler aujourd’hui sont les excisions qui consistent, s’il est besoin de le rappeler, à enlever tout ou partie du clitoris chez une femme.

Il y a quelques jours, Un tribunal allemand a jugé que la circoncision est contraire à l’intérêt de l’enfant. La circoncision qui consiste en l’ablation totale ou partielle du prépuce a été introduite et généralisée, hors motif religieux, pour lutter contre… la masturbation . (Comme l’excision d’ailleurs) Si aujourd’hui, on se pose des questions, c’est qu’on estime, à un degré certe moindre que l’excision, qu’il s’agit d’une mutilation pouvant perturber la sexualité des hommes. En 2006, plus de 56%  des bébés étaient circoncis dès la naissance aux USA. En 2009, ils n’étaient « plus que » 32,5 % (source : wikipedia). Ce qui me choque ici, c’est que les médecins ont pratiqué de façon systématique une opération chirurgicale, sans avoir un commencement de preuve du rapport bénéfice-risque, qui est censé être à la base de leur pratique. Heureusement, les pays anglo-saxons sont une exception sur la question, et ils sont les seuls à avoir proposé cette opération hors religion de façon systématique. En France, cela ne fait pas partie des pratiques médicales pédiatriques.

Ce qui fait partie des pratiques médicales systématisées, même s’il y a des progrès en la matière, c’est l’épisiotomie. Globalement, ce geste chirurgical concernait en France la moitié des accouchements en 2003-2004. Je n’ai pas trouvé de statistiques plus récentes. Cela aurait été d’autant plus intéressant qu’en 2005, le CNGOF (Collège National des Gynécologues Obstréticiens de France) réévaluaient ses recommandations, préconisant l’abandon de cette technique, dont on a prouvé qu’elle n’apportait dans l’extrême majorité des cas aucun bénéfice lors de l’acccouchement (voir les recommandations ici). Un exemple présenté en 2011 lors d’un symposium, montre comment depuis 2005, une maternité de CHU a vu son taux d’épisiotomie diminuer de près de 20%, autour de 25 % globalement. Soit un quart des acccouchements, là où une pratique est censé ne pas être recommandé. Ce qui est assez drôle c’est la conclusion de cette présentation :

« Le groupe de travail a décidé fin 2009, de clore cette démarche d’EPP tout en continuant à rendre aux équipes leur taux d’épisiotomies en référence au taux moyen régional et national via l’Audipog (http://www.audipog.net). En effet, le taux atteint ne laissait plus présager une grande marge d’amélioration étant donné le recrutement important de grossesses pathologiques dans notre centre. »

Rappelons que quelque soit la situation, accouchement pathologique ou non, l’épisiotomie généralisé n’a jamais apporté de preuve de son intérêt. Dans ce cadre, comment interpréter cette conclusion ? Un mépris pour les patientes ?

Si je parle d’épisiotomie, c’est qu’il existe une pratique courante dans le cadre des soins après l’accouchement : il s’agit du « point du mari« . L’idée générale, c’est de recoudre l’épisiotomie en rajoutant des points de suture au delà de ce qui a été incisé. L’ouverture du vagin se retrouve resséré, et permettant au « mari », d’avoir plus de plaisir, ou du moins autant qu’avant l’accouchement, lors des rapports sexuels. Cette pratique, dont on trouve aussi beaucoup de traces lorsque les mères se plaignent d’avoir été recousues « trop serrées » semble avoir été généralisée. Je n’ai pas trouvé de statistiques sur le sujet. Les conséquences sont des douleurs importantes, insupportables parfois lors des rapports sexuels, nécessitant parfois une opération chirurgicale ultérieure. (On entend aussi des mères discuter de la façon dont elles ont eu mal après leur accouchement, « jusqu’à ce que leur(s) point(s) lâche(nt) » Et pour quelle raison ? Faire plaisir « au mari » ? Comment des médecins ont ils pu dire à leurs patientes « Votre mari me remerciera  » (sic) ? N’est-ce pas une mutilation injustifiable ?

En matière de mutilation, la gynécologie est décidemment en pointe. La question des personnes « intersexes » (qui présentent à la naissance un sexe indéterminé, entre le masculin et le féminin) est assez sordide. La plupart d’entre elles se sont vues « mutilées » à la naissance, sans aucune nécessité, le médecin ou l’équipe médicale décidant du sexe à attribuer, en fonction de critères esthétiques. Certains se sont vus supprimer la partie qui ressemblait à un pénis, et reconstituer un vagin, d’autres enlever la partie féminine de leur anatomie (vagin, utérus). Je ne suis pas très bien placé pour parler en détails de ces pratiques. Elles sont très largement évoquées dans le roman de M. Winckler « le choeur des femmes », ainsi que sur des sites dédiés à la cause des individus intersexes.

 

Pour moi, ces différentes techniques ont pour conséquence une soumission à la médecine, toute puissante, qui décide non seulement de qui est en bonne santé et qui ne l’est pas, sans l’objectivité scientifique qu’on est en droit d’exiger, mais aussi de la norme à atteindre, quelqu’en soit le prix, même s’il s’agit de faire peur, d’opérer, de mutiler.

Mais finalement, qui blâmer ? Les médecins, qui manquent considérablement de temps, et n’ont plus le temps de communiquer réellement avec leurs patients ? Leurs formateurs ? Les pouvoirs publics ? L’aspect juridique de la médecine moderne ?

Peut-etre, pourtant, qu’il doit bien exister des débuts de solutions !

Pourquoi n’existe-t-il pas systématiquement des groupes de paroles pour les médecins, supervisés par des psys ? Après tout, leur métier est réellement dur et traumatisant. Les psys se supervisent entre eux, pourquoi pas les médecins ?

Pourquoi la formation psy est-elle aussi peu présente lors de leur formation ? Pourquoi ne pas l’inclure dès les premières années, et la rendre centrale ?

Pourquoi exiger des médecins toujours plus de consultations quotidiennes, et pourquoi ne pas permettre et préconiser, au contraire, des consultations de durées minimales plus importantes, où un véritable échange avec le patient pourrait s’instaurer ?

Pourquoi la formation continue des médecins n’est-elle pas obligatoire ? Les médecins de 60 ans ont été formés aux pratiques d’il y a 30 ans. Il y a trente ans, le sida n’existait quasiment pas, la douleur des enfants non plus, pas plus que la plupart des traitements anticancéreux généralisés aujourd’hui.

Pourquoi les labos pharmaceutiques ont-ils une telle main-mise sur la médecine, à travers leurs subventions aux congrès, leur lobbying, leurs visiteurs médicaux ?

Pourquoi ne pas démocratiser, ouvrir à tous les savoirs médicaux ? N’est-ce pas abérrant de voir des ressources réservées uniquement aux médecins ? Quelle science peut se permettre de priver le grand public de ses connaissances ? (je pense en particulier aux sites accessibles uniquement aux médecins (vidal par ex.)…)

En guise de conclusion, je vous invite à lire le serment prếté par les médecins français depuis 1996 (source : Wikipédia)

 Au moment d’être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.

Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.

J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.

Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me le demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.

Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.

Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.

Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.

J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.

Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré et méprisé si j’y manque. 

N.B. Cet article n’étant pas à proprement parler scientifique, il ne paraîtra pas sur la plateforme du c@fé des sciences.

N.B. 2 Tout commentaire, enrichissant et même me contredisant complètement est le bienvenue.

Quand les grands du nucléaire soignent les cancers…

A traîner sur Twitter, j’en apprends de bonnes. Voilà Elifsu qui se met à parler d' »Areva Med »… La chose semblait entendue : Areva inventait des villages de vacances au pied des centrales nucléaires, pour profiter de la chaleur résiduelle des réacteurs… La classe ! Bon, en fait, pas du tout. Mais vraiment RIEN A VOIR…

Non, en fait, à l’origine, il y a une opération de com’ vers les blogueurs « influents » (dont je ne fais pas partie) de la part d’une filiale d’AREVA, AREVA MED, spécialisée dans le développement de traitements contre les cancers.

MED = médical et non méditérranée… Dommage… Mais l’occasion de me renseigner, et de vous faire part de cette chimiothérapie qui commence à faire ces preuves, la radio-immunothérapie. Je laisse le soin à Elifsu d’écrire sur son blog ce qu’elle pense de cette filiale d’Areva, qui pour moi fait tous les efforts du monde pour s’acheter une jolie image auprès du grand public…

Alors voilà. Pour traiter un cancer, on a trois voies :

  •  La chirurgie : arme redoutable contre les tumeurs bien délimitées, et accessibles aux bistouris. C’est souvent le cas, surtout quand on hésite pas à retirer tout l’organe qui va avec. Mais forcément, ça devient non utilisable pour des tumeurs mal placées (cérébrales par exemple), ou mal délimitées,..
  • La radiothérapie : ça marche plutôt bien aussi : On irradie à l’aide de faisceaux de photons (dans le domaine des Rayons X en général), ou d’électrons, (ou plus rarement protons, neutrons,…). Le seul petit hic : ça crame tout sur son passage ! Donc parfois inopérant pour des tumeurs profondes. Et dans le cas de cancers disséminés dans d’autres organes, ça ne sert plus beaucoup…
  • La chimiothérapie : En tant que chimiste, je trouve que c’est la plus -scientifiquement parlant- intéressante. En réalité, ça marche parfois, (le Cis-platine soigne 90 % des cancers des testicules pris à temps…, le Glivec a révolutionné les traitements de certaines leucémies, etc…), et puis parfois, les effets secondaires sont invivables, pour un bénéfice faible… L’avantage par rapport aux autres techniques, c’est que le composé anticancéreux va partout, y compris dans les endroits inaccessibles pour la chirurgie et la radiothérapie. L’inconvénient, c’est que le composé va partout, y compris dans les cellules saines, ravageant un peu tout sur son passage.

Est apparue depuis les années 1980 l’immunothérapie : En fait, on commence à savoir comment bien mieux cibler les cellules cancéreuses ; en particulier, on arrive à produire des anticorps (oui oui, les mêmes anticorps spécifiques de telle ou telle maladie virale ou bactérienne) agissant contre les cellules cancéreuses, ou plus précisément contre certains marqueurs spécifiques des cellules cancéreuses. Le plus connu, c’est l’Herceptine,  pour le traitement de certains cancers du sein, assez efficace, avec très peu d’effets secondaires. [SOURCE]. Mais il y en a beaucoup d’autres, commercialisés ou en tests cliniques. [SOURCES]

Il n’empêche, parfois cela manque encore d’efficacité. Par exemple, pour peu que les cellules cancéreuses soient résistantes aux attaques du système immunitaire, ou que celui-ci ne soit pas au top, ça ne marche pas bien ( les anticorps, une fois fixés sur les cellules malignes, sont censés activer la suite du processus immunitaire qui permet la destruction de la cible. Si il est défaillant, ben, c’est raté).

Alors, il reste une solution : doter les anticorps d’une arme de destruction massive (comme ça, plus besoin du système immunitaire !). Et pas une arme chimique, non, une véritable BOMBE NUCLEAIRE !! Si si !!!

C’est très simple, sur les anticorps, on greffe des atomes radioactifs, émetteur de particules β (en fait simplement des électrons) et/ ou de rayons γ, qui vont agir directement sur la cellule cancéreuse ciblée(et celles qui se trouvent à proximité). Bref, une radiothérapie ciblée, localisée au niveau des cellules cancéreuses. Cette technologie existe maintenant depuis une vingtaine d’année, et sert par exemple à traiter des leucémies, à l’aide de l’yttrium 90 (nom de code du médoc : Zevalin ). On se sert aussi de l’iode 131, en particulier pour traiter les cancers de la thyroïde (pas besoin d’anticorps, dans ce cas), et tout plein d’essais sont en cours.

 Un exemple (hélàs en anglais. Pour info : « antibody = anticorps ;  cd20 : marqueurs de surface reconnu par les anticorps, nus (« naked ») ou accompagnés de l’élément radioactif (« radio-labelled »))

Il s’avère qu’une des améliorations majeures attendues de la radio-immunothérapie, outre la fabrication d’anticorps dirigés vers d’autres cibles cancéreuses, consiste en l’utilisation d’autres éléments radioactifs, mais émetteurs α cette fois. L’intérêt est très simple : les rayons γ ou  les particules β peuvent se propager sur une assez grande distance avant d’interagir avec la matière : la zone irradiée est de l’ordre du milimètre. Les α, eux, sont beaucoup plus gros, et donc vont se propager dans une zone plus faible (environ 50 µm, 200 fois plus précis donc !).

Et c’est là qu’Areva intervient. J’imagine un brain storming… :

– Bon, les gars, on a deux soucis sur le dos : 1. on ne nous aime pas. (murmure de désapprobation dans la salle) 2. On a plein de Thorium à Cadarache, radioactif il va de soi, et il se désintègre lentement sans qu’on en fasse grand’chose. (soupirs nombreux…). Faut changer tout ça ! Une idée ?? Personne ? Ah Jean-Paul, t’es encore bourré du pot de départ de hier soir, mais y a personne d’autre…

(Avec une voie pâteuse et mal assurée) On a qu’à utiliser les produits de désintégration du Thorium pour soigner des gens de cancers, comme ça, on libère de la place à Cadarache, et on devient des bienfaiteurs de la médecine !!

– [Le reste de l’assemblée, morte de rire] Mais qu’il est con, ce Jean Paul ! Allez, va cuver ton vin !

-[Et puis un ptit bonhomme] Oui, il est con. Mais si il avait raison ??

Chaîne de désintégration du Thorium 232

Et voilà qu’un des descendants du Thorium, le Bismuth 212 a exactement les bonnes propriétés. Ou plutôt son père, juste suffisamment stable pour avoir le temps de préparer le médoc, le Plomb 212, émetteur α, et greffable sur un anticorps (j’ai très envie d’en parler, [c’est la partie « chimie »], mais ça sera pour une autre fois). Et Areva Med est née. Pour l’instant, tout se passe bien, le 212Pb-TCMC-Trastuzumab (En fait l’équivalent de l’herceptine, mais avec le Plomb 212 en plus de l’anticorps) est en phase I des tests cliniques depuis quelques mois, et l’usine de production de cet élément radioactif en cours de construction dans le Limousin. Et v’là qu’Areva rachète même une boîte de chimie organique, « Macrocyclics », leader dans la production de « molécules-cages » (dans le cas précédent le « TCMC » ) permettant de greffer le métal émetteur α à l’anticorps. Apparemment, ils y croient à mort !

Un commentaire général sur cette nouvelle activité d’AREVA : La mise au point d’un médicament coûte vraiment très cher, et sa rentabilité soumise à un grand nombre d’aléas, et en particulier l’acceptation des autorités sanitaires (FDA américaine, AFSSAPS française, EMA européenne) à la mise sur le marché. Sans compter qu’on n’est jamais sûr que cela va apporter un bénéfice réel aux patients par rapport aux autres chimiothérapies… Mais bon, Areva peut sans doute se le permettre, et ainsi renverser complètement l’image qu’a le nucléaire : au lieu de provoquer des cancers, rendre stériles pendant des siècles des km² autour des centrales accidentées, l’atome soigne et guérit les pires maladies… Il y a une chose supplémentaire à ne pas oublier : pour faire de la médecine nucléaire, aujourd’hui indispensable pour la santé publique, il faut des entreprises capables d’extraire des éléments radioactifs, les manipuler, les transformer. Qu’Areva s’engage dans cette démarche (et même si c’est uniquement dictée par le service com’ de la boîte, et même si ça me fait mal au coeur de dire du bien d’une telle boîte) est une très bonne chose pour la médecine.

Source :

>Les régimes alimentaires peuvent-ils influencer le sexe d’un bébé à venir ?

>

Choisir le sexe de son futur enfant ? Un doux rêve partagé par beaucoup de parents sur terre, depuis la famille indienne ne souhaitant pas une fille de peur de payer une dot exorbitante, à la famille plus aisée, qui a déjà 5 garçons, et qui aimerait ENFIN une fille.
Les remèdes de grands parents existent depuis la nuit des temps (souvent d’ailleurs emprunts de considérations sexistes) : pour faire un garçon, il faut bien manger, et salé ! Pour une fille, plutôt privilégier les goûts plus doux, et le sucré…
Ces essais pour influencer le sexe de son enfant pourrait prêter à sourire, si les médecins et les chercheurs en médecine n’avait pas mis leurs nez dedans. Et depuis les années 1970, des articles scientifiques ont aussi commencer à préconiser tel ou tel régime pour avoir un garçon plutôt qu’une fille, ou l’inverse.
Mamanpoussinou relate ainsi  pour sa participation aux Vendredis Intellos de Mme Déjantée le livre co-écrit par le Dr Papa, qui en 1983 avait publié un article scientifique intitulé : « Selection préconceptionnelle du sexe par la méthode ionique« . Dans cet article, et dans le livre, le Dr Papa annonce qu’en suivant un régime draconien, on peut influencer le sexe du bébé à venir, et avoir jusqu’à 80 % de chance d’obtenir celui qu’on veut ! Au delà des considérations éthiques de ces efforts pour obtenir un bébé « mâle » ou « femelle », la question de la réalité scientifique de ce type d’écart par rapport à la « normalité » (pour ceux qui l’ont oublié : environ 50 % de garçon et 50 % de fille) est clairement posée. Et c’est ce dont on va parler ici.

Avant d’entrer réellement dans le vif du sujet, voici un tout petit rappel :
Ce qui décide du sexe d’un enfant, c’est ses chromosomes sexuels : un chromosome X et un Y pour les garçons, et deux chromosomes X pour les filles. La mère transmet un chromosome X, et le père, un X ou un Y. Plus précisément, 50 % des spermatozoïdes sont porteurs du X, et 50 % du Y. Les différents travaux ont tendance à montrer que s’il y a un déséquilibre entre le nombre de « mâles » et de « femelles », il ne vient pas d’une proportion anormale chez le père.
Donc, à moins de trier les spermatozoïdes avant l’insémination, si on veut choisir le sexe de son enfant, c’est à la mère de sélectionner les bonnes gamètes des autres (porteurs du chromosome X, ou Y, au choix).
Voyons maintenant ce qui a été publié sur le sujet depuis les années 1970 sur ce sujet si sensible.
Tout semble commencer réellement en 1973, avec une publication d’un article de Trivers et Willard, qui, se basant sur des critères liés à la sélection naturelle, pose l’hypothèse que de bonnes conditions de vie et de santé des femelles des espèces polygames doivent favoriser la naissance de plus de mâles (Voir l’article de Rosenfeld et Roberts pour une explication détaillée de cette hypothèse).
Clairement sur-interprétée, cette hypothèse de départ a néanmoins été vérifiée chez nombres d’espèces animales, en liberté ou en captivité. (porcs, certains grands ruminants, …): les femelles en bonne santé lors de la conception donnent plus de mâles que les femelles affamées et malades.
Les travaux sur les souris de laboratoire ont donné des résultats aussi intéressants : celles nourries avec un régime très riche en lipide donne plus de mâles que celles nourries avec un régime aussi énergétique, mais pauvre en graisse (l’apport énergétique étant alors assurés par des glucides). D’autres études montrent l’influence du taux de testostérone lors de la conception (un fort taux étant corrélé à un plus grand nombre de mâles). [afin de mettre toutes les choses au clair, la testostérone est avant tout, chez la femme, associée à l’infertilité. C’est pas le moment d’imaginer se doper à cette hormone masculine pour avoir des p’tits gars!!!]

Mais venons-en à l’espèce humaine. Et au fameux Dr Papa et son étude de 1983. Il y décrit un régime particulièrement contraignant pour les femmes autour de la conception, qui permettrait de choisir, avec une probabilité allant jusqu’à 80 % (!!) le sexe de son enfant. Hélàs, (ou tant mieux ! ) dans cette étude, comme dans beaucoup d’autres, les résultats énoncés peuvent autant être dû au hasard qu’à n’importe quelle autre raison. Je m’explique. L’étude a été menée sur 215 femmes, ce qui est faible (d’autant plus qu’il n’est pas précisé si c’est un échantillon représentatif de la population). Deux tiers d’entre elles ne sont pas allées au bout du régime proposé, ce qui fait un échantillon réel de 72 femmes. Ça fait pas beaucoup du tout ! En fait, ça ne fait pas assez pour conclure. Et de plus, sur ces femmes, 2 groupes émergent : un ayant scrupuleusement suivi le régime (77 % de réussite pour le sexe de l’enfant), et l’autre (52 % seulement ) !! Même sans avoir le détail du nombre de femmes par groupe, on arrive à des échantillons tellement faibles, qu’il est malhonnête, scientifiquement parlant, de conclure.
Il y a eu par la suite, beaucoup d’autres études, portant sur des douches vaginales acides, ou basiques pour favoriser des spermatozoïdes féminins ou masculins, sur l’alimentation encore une fois, sur des rapports sexuels précoces par rapport à l’ovulation, … Et à chaque fois, des résultats contradictoires, ou sans aucune signification statistique. On en vient à la dernière étude en date sur le sujet, publiée en 2008 au titre évocateur : « You are what your mother eats » (« vous êtes ce que mange votre mère »), où un apport énergétique important au moment de la conception semble faire la différence. Etude démontée (et non démontrée) quelques mois plus tard, par une équipe de statisticiens, apparemment agacés que leur science serve à prouver tout et n’importe quoi.
Alors voilà où on en est : pour avoir des garçons et pas des filles, ou l’inverse, la seule méthode qui marche, c’est lors des fécondations in vitro, de réaliser un diagnostic pré-implantatoire, où l’on détermine le sexe de l’embryon avant de l’implanter dans la matrice maternelle. C’est moins fun, forcément…
Deux dernières remarques :

  • Les études cherchant à déterminer un mécanisme qui pourrait expliquer une sélection entre bébé garçon et bébé fille ne donne aucun résultat probant.
  • [il s’agit ici de mon avis, de non-spécialiste] La différence entre le nombre de bébé garçon et fille ne semble pouvoir apparaître qu’après la conception : il pourrait y avoir alors, dans certaines conditions drastiques, de minimes différences entre les fausses couches des garçons et des filles. Est-ce vraiment sur ce point que l’on veut jouer ?

Sources :
Rosenfeld C.S., Roberts R.M. « Maternal Diet and Other Factors Affecting Offspring Sex Ratio : A Review » Biology of Reproduction 2004, 71, p1063
Mathews F., Johnson P.J., Neil A. « You are what your mother eats : evidence for maternal preconception diet influencing foetal sex in humans » Proc. R. Soc. B 2008, 275, p1661
Young S.S., Bang H., Oktay K. « Cereal-induced gender selection ? Most likely a multiple testing false positive » Proc. R. Soc. B 2009, 276, p1211
Grant V.J., Chamley L.W. « Can mammalian mothers influence the sex of their offspring peri-conceptually ? » Reproduction 2010, 140, p425

>Vous êtes fatigués ? Prenez de la vitamine C… ou pas.

>

La vitamine C, il y en a partout, et tout le monde en prend. 10 % des Etats-uniens en consomment régulièrement. Il y en a dans le Guronsan, pour « renforcer » l’effet de la caféine, dans le Fervex contre le rhume, …il y en a partout, pour nous maintenir en forme, pour éviter les symptômes grippaux, et pour nous tenir éveillés toute la journée, en toute circonstance.

N’allons pas plus loin : la vitamine C est indispensable pour notre corps. Sans elle, c’est le désormais rarissime scorbut (déchaussement des dents, hémorragies, et puis mort…). En plus, elle n’est absolument pas toxique. Tout au plus un peu de diarrhée si on en consomme trop. Alors, achetons-en des tonnes, et on ira mieux ! Encore mieux, c’est une molécule anti-oxydante, donc un allier contre le cancer, comme l’avait déjà souligné L. Pauling, prix Nobel de Chimie et de la Paix au début des années 70. 
Pour aller droit au but, les nombreuses études qui sont parues sur le sujets montre qu’une supplémentation d’acide ascorbique (alias Vit. C) ne prévient pas la survenue de cancers, et n’améliore pas l’efficacité des chimiothérapies, n’empêche pas d’être fatigué, et même, dans le cas général, ne sert à rien pour ne pas tomber malade. (A moins d’être dans le seul cas où cela marche : quand on est grand sportif dans une phase d’efforts intensifs et répétés, ou qu’on habite près des cercles polaires….) A bon entendeur …
Attention, je ne dis pas que la vitamine C ne sert à rien, c’est un composant essentiel pour notre corps, comme les autres vitamines… Mais la dose minimale est 10 mg par jour, que l’on atteint systématiquement tant elle est présente dans tous les aliments frais !
Si je fait ce court billet, c’est pour témoigner de réponses de professionnels de santé : 

  • Mon médecin traitant, (jeune et dynamique, accro à la formation continue), à qui je suggérais qu’apparemment, prendre des cachets d’acide ascorbique ne servait pas à grand’chose : « Oh, si, ça marche bien contre le rhume !, prenez-en ! il y a des études qui disent que c’est efficace (« non, manifestement pas lui reponds-je… ») (« si si ! [mais je vais vérifier ce que vous me dites….] » )
  • Le même, deux mois plus tard : « prenez du Guronsan, ça marche bien !! » « oh, en terme de caféine, avec les 4-7 cafés par jour, je suis déjà à une dose avancée ! » reponds-je. « Mais si, allez-y, c’est plus efficace, il y a de la vitamine C dedans !! »
  • Le pharmacien du coin, (jeune, et dynamique), à qui je suggérais qu’apparement, la supplémentation en vitamine C ne servait pas vraiment, : « Pour les rhumes… peut-être. Mais pour les personnes imuno-déprimées, ah, ça oui ! c’est prouvé ! » [Je cherche encore les preuves…. sans succès.]
Mais qui les a formés ? Vitascorbol ? Juvamine ?
Sources : 
  • Vitamin C for preventing and treating the common cold R.M. Douglas et al., Cochrane Database Syst. Rev. 2007, jul 18 (3)
  • http://www.passeportsante.net/fr/Solutions/PlantesSupplements/Fiche.aspx?doc=vitamine_c_ps#P24_632 : J’en profite ici pour signaler que le site www.passeportsante.net propose des fiches sur les vitamines et compléments alimentaires rudement bien faites et documentées, ce qui tranche avec ce que l’on subit dans la plupart des sites « paramédicaux » du même genre…

>Pourquoi ça mousse lorsqu’on met de l’eau oxygénée sur une plaie ?

>Un des reflexes de nos (grand)-parents, c’était de nous désinfecter les petit bobos avec de l’eau oxygénée. Ça pique un peu, et surtout ça mousse. Quand on est petit, ça suffit largement pour se sentir mieux… (Quand on est adulte, il en faut un peu plus, c’est bien connu, les adultes sont des grands sensibles…). Mais au fait, pourquoi ça mousse ??

L’eau oxygénée est en fait une solution de peroxyde d’hydrogène (H2O2) dans de l’eau. Et ce peroxyde d’hydrogène, comme tous les peroxydes, est instable (ne regardez tout de même pas votre bouteille d’eau oxygénée de pharmacie ou pour vos lentilles comme si c’était un explosif, à cette concentration là, il n’est pas dangereux). Il se « dismute » facilement, en eau et dioxygène :

C’est pour ça que les bouteilles ne se conservent pas très longtemps, surtout une fois ouverte. Et c’est pour ça, indirectement, que ça mousse… 
En fait, cette réaction chimique est lente, très lente… Il faut plusieurs semaines pour qu’à température ambiante, l’eau oxygénée ne le soit plus. Mais comme la plupart des réactions chimiques, on peut l’accélérer, en chauffant, ou en la « catalysant ». Sans rentrer dans les détails de ce qu’est la catalyse, il s’agit içi de rajouter un composé qui va « activer » le peroxyde d’hydrogène et permettre une dismutation en quelques secondes. Plusieurs espèces chimiques sont des bons catalyseurs de la réaction : les ions Fer(III) (ceux présents dans la rouille), le platine métallique par exemple. Et puis il y a les « catalases », protéines déjà évoquées dans le billet sur le stress et le cancer. La raison d’être de ces enzymes, c’est justement de débarasser le corps d’un excès de peroxyde d’hydrogène. Et bien sûr, il y en a plein dans le sang ! La mousse est donc liée à une réaction enzymatique de dismutation du peroxyde d’hydrogène par les catalases présentes dans la circulation sanguine. (ça, c’était pour la jolie phrase de fin). 
Si vous êtes en vacances, et que vous vous ennuyez sous la pluie, vous n’êtes pas obligés de vous saigner pour reproduire l’expérience : des catalases, il y en a aussi dans le foie d’animal ,jus de navet et dans d’autres légumes… A vous de voir lesquels !

>Le diabète gestationnel : où en est-on de la prévention ?

>

Ce diabète gestationnel , c’est quoi ? une « intolérance au glucose » comme un diabète classique, dépisté pendant une grossesse, sans diabète sucré connu antérieurement.
Les tests pour le dépistage sont de 2 types : la détection de glucose dans les urines, tous les mois. Ce test détecte les diabètes prononcés ;
les tests de glycémie forcé (nommé HGPO), où la femme enceinte doit prendre 75 g de glucose en une prise, puis 3 prises de sang 0, 1 et 2 heures après.

Il y a 25 ans (témoignage à l’appui), lorsque du sucre était découvert dans les urines analysées chaque mois, le gynéco disait : c’est du diabète gestationnel, ne vous en faites pas, ça passera après la grossesse !
Il y a 10 ans, lorsque les urines étaient normales, on ne proposait pas de test supplémentaire.
Il y a 5 ans, ce test (l’HGPO) était facultatif.
Il y a 2 ans, il fallait signer un papier indiquant qu’on dédouanait totalement le gynéco de toutes responsabilités au cas où ce test (non obligatoire) n’était pas effectué.
En janvier 2010, lorsqu’on a dit non à ce test (toujours non obligatoire), on nous a répondu, qu’on avait qu’à accoucher dans la jungle…

D’après le CNGOF (collège National des Gynécologues et Obstréticiens Français), en cas de diabète gestationnel diagnostiqué, sur la base du résultat de l’HGPO, la prise en charge est la suivante :

  • Autosurveillance : à proprement parler, il s’agit de faire comme les diabétique : se piquer le doigt pour mesurer son taux de sucre dans le sang, 4 à 6 fois par jour.
  • Régime sans sucre rapide (plus de fruits ?!)
  • Insulino-thérapie si le régime ne suffit pas à rétablir une glycémie a jeun correcte dans les 7 à 10 jours (quelle urgence !)
  • Activité physique
  • Même en cas de diabète équilibré; échographie supplémentaire à la fin de la grossesse.
Bon, venons-en au fait : c’est quoi les dangers du diabète gestationnel ?

Pour la mère : euh… aucun. Si des données de la littérature indiquent une corrélation entre diabète et hypertension gravidique, aucune relation de cause à effet n’a pu être établie. Comme cette hypertension gravidique est elle aussi dépistée chaque mois de la grossesse (albumine dans les urines, contrôle de la tension lors des rendez-vous mensuels…), il y a peu d’intérêt dans le dépistage, pour les personnes ne présentant aucun facteur de risque. Il est à noter toutefois qu’une étude récente montre un bénéfice du traitement du diabète gestationnel dans la survenue d’hypertension gravidique, ce qui va dans le sens d’un intérêt du dépistage pour les personnes à risque (âge maternel avancé, antécédent d’hypertension gravidique, …).

Pour l’enfant : Potentiellement de macrosomie (poids de naissance supérieur à 4 kg). Le risque est proportionnel au taux de sucre dans le sang : diabète très prononcé, risque de macrosomie important. A part cela, aucun lien n’a pu être démontré. Et encore. 90 % des macrosomies n’ont rien à voir avec le diabète gestationnel.
On a pu entendre des choses terribles : mort in utero, detresse respiratoire, … (source : recommendation du CNGOF, 1996), mais aucune corrélation n’a pu être établie.

On oublie souvent les conséquences du dépistage, et un diagnostic positif : anxiété chez les femmes enceintes, un plus grand nombre de passage aux urgences gynécologiques, et par voie de conséquence, plus de césarienne non médicalement justifiée (source  : Recommendations de l’Haute Autorité de Santé, 2005)

Si en 1996, le CNGOF recommendait un dépistage systématique chez toutes les femmes enceintes par l’HGPO, quelques soient les facteurs de risques présents ou non, la Haute autorité de Santé, en 2005, mettait en doute toute utilité de dépistage. Depuis déc. 2010, le CNGOF propose un dépistage ciblé, pour les personnes considérés comme à risque, tout en détaillant le fait que les risques était quasiment nul…

Alors si on laissait les femmes enceintes un peu tranquille ? Parce qu’elles ne peuvent déjà plus manger de fromage au lait cru (prévention contre la listeria), plus de viande pas parfaitement cuite, et de légume et de fruit cru (prévention de la toxoplasmose, plus d’aliments trop gras ou trop sucré (prise de poids maternel trop importante), plus alcool…
Peut-être que ça fait un peu trop ??!!!

Sources :

>Une petite contribution au débat sur les nano-objets…. (1)

>Je ne comprends pas vraiment le débat sur les « nano-objets ». Alors, plutôt que de critiquer à la fois les critiques et ceux qui ne les prennent pas au sérieux, je m’en vais vous présenter certains de ces « objets » (nom absurde, ouvrant la voie à tellement de fantasme !!) que j’ai pu côtoyer de près durant ma (courte) carrière de chimiste.

Pour revenir à la base de la base, l’ordre de grandeur d’une liaison entre 2 atomes au sein d’une molécule, est d’environ 0,15 nanomètre. La définition d’un objet nanométrique nous permet donc d’affirmer que toutes molécules d’une dizaine d’atomes fait partie de cette terrible famille. Prenons le glucose, de formule C6H12O6. Typiquement, c’est un nano-objet !
Trêve de plaisanterie. Les nano-objets tants contreversés ont pour ordre de grandeur en général quelques dizaines, voire quelques centaines de nanomètre. On voit quand même là que la frontière entre les différents « objets » est tenue….
En chimie organique, (c’est-à-dire en chimie des molécules contenant principalement des carbones, hydrogènes, oxygènes, azotes plus deux trois exceptions), certains nano-objets ont la côte. Je vais parler içi de l’un d’entre eux, qu’on appelle « dendrimère ».

Tout le monde connaît les polymères. les plastiques. Ceux-ci sont constitués de longues, très longues molécules où un, ou deux motifs servent de briques élémentaires, et se répètent de milliers de fois. Suivant les propriétés souhaités, ces molécules sont bien régulières, ou au contraire s’enchevêtrent, sont liées entre elles… Voilà un petit schéma pour visualiser le tout :

Les briques élémentaires, c’est le nom après le « poly » : polycarbonate, c’est un polymère dont la brique élémentaire (monomère) est un carbonate. A vous de deviner ensuite avec polyester, polyméthacrylate de méthyle, polyamide, polystyrène, etc…
La nature n’est pas en reste… L’amidon, du « polyglucose », L’ADN ? une sorte de polymère à 4 briques de bases (les puristes me diront que c’est très très simplifiés, et ils auront raison), les protéines ? des polymères à 22 briques de base !
Passons maintenant aux dendrimères. Le principe est assez similaire : une grosse molécule, dont un motif est répété. C’est l’organisation qui est radicalement différente. Alors qu’on a une structure linéaire avec les polymères, les dendrimères s’organisent autour d’un noyau central, sur lequel « poussent » des branches, qui se ramifient. En voilà quelques représentations.

normal.img-003.jpg

1 et 3 : dendrimères de 2 ou 3 générations; 2 dendron; 4-5 : exemple de dendrimère; 6-9 : autres structures dendritiques.

De très nombreuses propriétés sont étudiées pour ces structures.
Voici quelques applications concrètes.
En biologie, ou en toxicologie par exemple, on a besoin de détecteurs très sensibles. Ceux-là sont constitués d’une partie qui reconnaît la molécule/l’antigène, liée à une autre partie, fluorescente. La fluorescence étant activé lorsque la reconnaissance a lieu.
Imaginons maintenant un dendrimère dont le coeur correspond à la partie « reconnaissante », et les extrémités à la partie « fluorescente ». Pour une molécule/antigène qui se lie, il n’y a pas un mais plusieurs fluorophore activé. D’où une sensibilité décuplée !
normal.img-015.jpg
Voici le schéma de base de ce que je viens de dire : en haut, un capteur classique. En bas, 8 fluorophores sont activés pour 1 seul substrat.
Le monde de la médecine aussi est intéressé par ces structures.
Par exemple, ils peuvent servir en chimiothérapie : les cellules cancéreuses sont très gourmandes en nutriments et en oxygène. Les tumeurs sont donc très vascularisées, et les pores qui permettent les échanges entre les cellules et les vaisseaux sont de tailles beaucoup plus importantes que pour les cellules normales. Les médicaments classiques contre le cancer sont en général de petites molécules capables de pénétrer toutes les cellules. D’où l’idée de « décorer » des dendrimères biologiquelement inertes, avec des molécules antitumorales. Le résultat pour l’une d’entre elle est stupéfiant : la doxorubicine est utilisé un particulier pour le traitement du cancer du sein, mais c’est un composé très toxique, et les doses administrées sont donc plutôt faible. De plus, le médicament est rapidement métabolisé, d’où une faible bio-disponibilité. En décorant des dendrimères de doxorubicine, deux effets bénéfiques sont apparus. L’agent anticancéreux restait plus longtemps dans la circulation sanguine, d’où une efficacité accrue pour la même dose, et de plus, la toxicité a chuté drastiquement, sans que l’efficacité diminue. (En fait, les chercheurs se sont plantés et ont donné une dose largement au delà des limites létales, et les souris étaient en pleine forme !).
On pourrait encore parler des essais menés pour faire des dendrimères de véritables enzymes artificielles, qui auraient la capacité de catalyser des réactions chimiques complexes, tout en selectionnant le substrat, des recherches sur la photosynthèse synthétique à partir de dendrimères photosensibles…Bref, ces « nano-objets » n’ont pas fini de faire parler d’eux !
Sources :
D. Astruc et al. Chem. Rev. 2010, 110, 1857-1959
C.C. Lee et al. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2004, 103, 16649-16654