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[Science Et Genre] #4 : Des quotas dans le recrutement des universitaires

La Fondation Robert Bosch et l’European Molecular Biology Organization (EMBO) viennent de publier un rapport commun sur la pertinence de la mise en place de quotas de genre dans le milieu universitaire. Il ne s’agit pas, ici, de quotas lors de l’inscription dans des filières sélectives comme les écoles d’ingénieurs, ni de quotas pour l’obtention de bourses d’étude d’excellence. Il est question en réalité de quotas qui concernent les universitaires.

Face à des inégalités criantes, des mesures tièdes

L'ensemble des président-e-s des universités françaises. Ils ont essayé de rendre les femmes plus visibles, au premier rang... Belle initiative !!

L’ensemble des président-e-s des universités françaises. Ils ont essayé de rendre les femmes plus visibles, au premier rang… Belle initiative !!

Actuellement, en France, s’il y a une part quasi égale entre les étudiant-e-s en doctorat (48 % de femmes contre 52 % d’hommes), 57,9 % des maîtres de conférences sont des hommes. Plus on progresse dans la hiérarchie, plus l’inégalité est criante : les femmes ne représentent plus que 15 % des président-e-s d’université.

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Répartitions femme (orange)/homme (bleu) des effectifs à l’université en France (2011). Source : Ministère de l’Enseignement Supérieur.

Très régulièrement, on entend à quel point cela est scandaleux. A de nombreuses reprises, lors de ma très très courte carrière universitaire, j’ai pu entendre des témoignages, des remarques cinglantes et scandaleuses:

  • Cette Chargée de Recherche du CNRS, bloquée dans son avancement par son ex-directeur de labo au bras long, qui s’est senti « trahi » (sic) lorsqu’elle a eu un enfant.
  • C’est ce propos tenu, sans gêne, sur la nomination de cette professeure de l’Université : « On voulait que son mari vienne, alors on lui a proposé un poste à elle aussi »
  • C’est cette étudiante post-doctorante, à qui un poste de maître de conférence était quasiment destiné, qui se l’est vu refusé parce qu’elle avait fait part de son désir d’avoir rapidement un enfant

Si la question de la maternité revient souvent, ne soyons pas dupe. Il s’agit ni plus ni moins de sexisme et de discrimination à l’embauche. Les hommes aussi ont le droit au congé parental. le « risque » encouru par un laboratoire, par une équipe enseignante n’est pas censé être plus grand dans un cas que dans l’autre.

Certes, ces discriminations existent aussi dans le privé : mais n’utilisons pas l’argument biaisé du « c’est pire ailleurs » pour justifier l’injustifiable.

Ces inégalités sexistes à l’Université, le ministère de l’Enseignement Supérieur en a conscience. En 2013, sous l’impulsion de feu-le Ministère des Droits des Femmes, et après publication des chiffres-clés de la parité femme-homme dont sont issus le graphique précédent), un plan d’action a été publié. Celui-ci prévoit beaucoup… De concertation. Beaucoup… de formation à l’égalité Femmes-Hommes. Beaucoup… de… bonnes intentions. La nomination d’un-e chargé-e d’égalité Femmes-Hommes. Bref, essentiellement une démarche de volontariat. Seule mesure contraignante : l’application de l’article 56 de la loi du 10 mars 2012, qui impose un quota de 40 % de chaque sexes dans la nomination des haut-fonctionnaires (y compris dans les domaines de l’enseignement et de la recherche) par le conseil d’état. Du coté des établissements d’enseignement supérieurs, cela ne se voit pas beaucoup, puisque même les présidents des universités ne sont pas concernés par ces quotas…

Le peu d’aspects contraignant de ce plan d’action n’a pas empêché le ministère de l’enseignement supérieur de communiquer sur « La France, pionnière de l’égalité à l’Université« . Tout en se gardant bien de se comparer à ses voisins…

Dans ce contexte d’actions tièdes, le rapport de EMBO et de la fondation R. Bosch sur la mise en place de quotas de genre permet de se projeter dans des actions réellement offensives pour l’égalité des sexes dans les universités françaises et européennes.

Au fait, POURQUOI vouloir l’égalité des sexes à l’Université ?

Cette question n’est peut-être pas si anodine qu’elle en a l’air. Du moins, les auteur-e-s du rapport, qui comparent les actions en faveur de la parité en politique, dans les entreprises, et dans les université,s prennent le temps d’y répondre. En politique (dans un système démocratique), la parité a tout son sens : les conseils, les parlements se doivent de représenter tous les citoyens. Les femmes représentant un peu plus de 50 % de la population, il est nécessaire qu’elles y soient représentées, à hauteur de leur proportion !

Maintenant, soyons provocateur : quelle est l’UTILITÉ de l’égalité des sexes dans le monde économique, et dans le monde universitaire ?

Dans les entreprises, le but est de gagner de l’argent. Est-ce que la présence de femmes dans les instances dirigeantes permettent à augmenter les gains ? D’après les études citées dans ce rapport… Pas vraiment ! Si on note que dans les entreprises les plus rentables, il y a effectivement plus de femmes que la moyenne dans les conseils d’administration, il a été enregistré une diminution des profits à court terme dans les entreprises ayant féminisé leurs instances dirigeantes. Je me rappelle en revanche du discours d’un chargé de mission à la région Rhône-Alpes, qui expliquait, pour justifier l’intérêt de l’égalité femme-homme en entreprise, que « un consommateur sur deux était une femme. Afin de concevoir des produits qui pourraient leur être destinés, il valait mieux que des femmes soient bien placées parmi les équipes de direction !

Dans les universités, le but est différent. Il s’agit de produire des savoirs, et de former. La parité femmes-hommes permettrait-elle d’augmenter la productivité ? La qualité des enseignements ? Rien, à l’heure actuelle, ne permet de l’affirmer.

Ces remarques précédentes, sur le monde économique et sur le monde académique sont l’expression d’un sexisme odieux. Elles signifient que l’égalité femme-homme passe après les intérêts économiques et universitaires. Elles signifient qu’il s’agit d’une variable à ajuster afin de trouver un optimum de compétitivité, d’efficacité. Dans le rapport sur les quotas dont il est question ici, les auteur-es expliquent que certains trouvent normal de promouvoir, voire d’imposer la parité à l’université PARCE QU’elle est financée par des fonds publics, et qu’À SE TITRE, il est normal que l’état financeur souhaite qu’on retrouve la même proportion de femmes dans l’enseignement supérieur que dans la population. Heureusement, d’autres, finalement, pensent que l’égalité femme-homme est une valeur en soi. Qu’elle ne devrait pas être soumise à condition de rentabilité. Qu’elle est juste une expression parmi les plus basiques de la démocratie, au même titre que l’égalité entre personnes d’origines sociales différentes, de cultures différentes, de couleurs de peau différentes. La parité, tout particulièrement dans les emplois académiques qui représentent un summum culturel, social et intellectuel est l’indicateur fondamental de cette égalité.

Des quotas… Mais où ?

Ce rapport examine l’instauration des quotas à trois niveaux distincts : dans le recrutement, dans l’attribution de bourses et de financements, dans la nomination des membres des comités de recrutement et d’évaluations des institutions et universités. Afin de procéder à cette analyse, les auteur-es sont allés regardés du coté de la vie politique, des directions d’entreprise, qui, dans de nombreux pays européens, doivent déjà respecter certains quotas. Ils se sont également penchés sur le cas de quelques organisations et pays européens, qui ont d’ors-et-déjà mis en place certains quotas (en particulier l’Allemagne et la Suède)

Quotas dans les recrutements : le volontarisme ne suffit  pas

Que ce soit en politique, en entreprise, ou dans les institutions d’enseignement supérieur et de recherche, si les quotas de genre ne sont pas imposés contre sanctions, ils n’ont aucun effet. Pire, les auteur-es pointent du doigt la situation politique française, où « les sanctions financières sont si faibles que les partis préfèrent payer des amendes plutôt que de respecter la loi » (Cocorico couac !).

Dans les expériences allemandes et suédoise, même si il est trop tôt pour avoir une idée définitive, les effets des quotas volontaires sont faibles, voire nuls, et la proportion de professeure d’université reste similaire à la moyenne des pays de l’Union Européenne.

Pourtant, dans le monde politique et le monde des affaires, les quotas imposés contre sanction ont permis de faire évoluer positivement la situation. Par exemple, en France, le nombre de femmes dans les comités de direction des entreprises publiques a ainsi augmenté de 17,4 % entre octobre 2010 et octobre 2013, grâce à la mise en place de quotas (la loi prévoit 40 % de femmes dans ces comités pour 2017). En Belgique, le nombre de femmes au parlement est passé de 12 % à 36,7 % avec des lois sur les quotas.

Prenant compte de ces expériences, les auteurs du rapport tirent quelques conclusions :

  • Les quotas dans les recrutements des universitaires doivent s’imposer contre sanctions. Le volontarisme n’est pas suffisant.
  • Ces quotas doivent concerner l’ensemble des positions hiérarchiques, du maître de conférence jusqu’à la direction de l’université. Si seul un échelon est visé, cela n’empêchera pas un déséquilibre aux autres échelons !
  • Afin de limiter la mauvaise image qu’ont les quotas, qui pourraient « nuire à la méritocratie » selon certains universitaires interrogés lors de la rédaction du rapport, chaque établissement doit pouvoir mettre en place ces quotas selon ses propres modalités.

Quotas dans les comités de recrutement et d’évaluation des établissements : une efficacité limitée

Partant de l’idée qu’un comité principalement masculin pourrait produire des résultats biaisés par leur genre, plusieurs évaluations ont été entreprises en Europe. Mais, heureusement, il n’a pas été établi de corrélation entre la proportion femmes-hommes dans de tels comités, et les résultats dans les évaluations et recrutements. Si la parité dans ces comités semble être un but à atteindre en soi, cela ne semble pas avoir de réelles conséquences sur la façon de fonctionner de ces comités.

Quotas dans l’attribution de financements : circulez, il n’y a rien à voir ?

il n’y a pas de consensus sur l’existence d’un biais dans l’attribution de financements et de bourses, selon que cela soit un homme, ou une de femme qui fait la demande. Certaines études en trouve un, léger, mais réel, d’autres aucun. Il semble que cela dépende grandement du pays, et de l’institution qui attribue le financement. Les quotas pourraient néanmoins être appliqués pour promouvoir les recherches menées par des chercheuses.

[ A titre personnel, je me questionne sur la pertinence d’attribuer une bourse à une personne. La recherche est finalement un acte collectif. Pourquoi ne pas instaurer un quota de genre sur les équipes qui portent les projets susceptibles d’être financé ? C’est-à-dire que ces équipes devront comporter un nombre à peu près égal de femmes et d’hommes pour prétendre à une bourse de recherche. ]

Agir, ou laisser le temps faire son oeuvre ?

Un des principaux arguments contre le fait d’imposer les quotas, réside dans le « choc » que cela pourrait représenter. Un « choc », dans la mesure où, pour l’instant, peu de femmes ont accès aux postes hiérarchiquement élevés. Demander d’atteindre en quelques années une parité, ou un début de parité signifierait de privilégier les candidates, alors même qu’elles sont moins nombreuses que les candidats. Ceux qui défendent cet argument expliquent que c’est aller contre la « méritocratie », base du fonctionnement de l’Université. Ils seraient « obligés » d’embaucher, de financer des chercheuses parfois « moins méritantes » que des chercheurs.

Pour moi, ce « choc » est une construction réactionnaire sans fondement. Le « vivier » de femmes scientifiques n’est pas famélique en Europe. Même en minorité, elles sont nombreuses à chaque échelon. Suffisamment du moins pour présenter des candidatures de qualité égale à celles des hommes. N’oublions pas non plus que les critères de « mérite » à l’Université sont eux aussi biaisés, et favorisent les carrières typiquement masculines (je vous renvoie aux articles cités page 6 dans le rapport pour cette question).*

Laisser le temps faire son oeuvre pourra marcher. Toute politique égale par ailleurs, on voit se féminiser AUSSI les métiers de l’enseignement-recherche. Néanmoins, combien d’années, de dizaines d’années devra-t-on encore attendre ? Le temps de renouveler les enseignant-e-s-chercheurs-ses, de voir, à chaque génération, augmenter la proportion de femmes, le réchauffement climatique nous aura toutes et tous croqué tout cuit !

A l’heure où 67 % des européen-nes estiment encore que « les femmes n’ont pas les capacités requises pour accéder à des postes scientifiques de haut niveau », l’urgence de la parité exige des mesures fortes. L’instauration de quotas à l’embauche, pour moi, doit être l’élément central d’une véritable politique égalitariste à l’Université.

 

*Mon beauf me rappelle qu’il existe, hélas, de fortes disparités entre les disciplines. En philosophie, mathématique, informatique par exemple, il y a très peu de femmes universitaires, mais aussi un faible nombre d’étudiantes. Faut-il adapter les objectifs en fonction des disciplines, au risque de conserver les stéréotypes de genre sur la douance des étudiant-e-s, et de repousser encore le moment où il y aura une vraie parité ?

 

L’extrême-droite : l’alliée naturelle des pseudo-sciences et de l’obscurantisme

« Le maire de Béziers (proche FN) s’apprête à faire tester par 30 agents municipaux volontaires des « patchs anti-ondes » fournis par une entreprise locale.« 

R. Ménard (AFP Photo/ P. Guyot)

R. Ménard (AFP Photo/ P. Guyot)

C’est par ces quelques mots qu’est résumé un article dans MetroNews, sur « l’initiative » de Robert Ménard, qui veut faire tester des pendantifs GINKO CONTROL aux employés de sa mairie. J’avoue avoir éclaté de rire. Les pastilles anti-ondes « Ginko Control », je m’en étais moqué dans un article précédent. Mais lorsque c’est Ménard qui en fait la pub, celui-même qui s’est illustré il y a quelques jours pour des statistiques pseudo-ethniques mais réellement islamophobes dans les écoles de sa ville, là, ça devient hilarant, et inquiétant à la fois.

Dans le même temps, c’est le Professeur Joyeux qui lance une pétition contre la pénurie de vaccins trivalents, c’est-à-dire qui ne concernent que les trois maladies à vaccination obligatoire, Dyphtérie, Tétanos, et Poliomyélite.

Pr. Henri Joyeux

Pr. Henri Joyeux

Effectivement, aujourd’hui, ce sont des packages qui concernent 5 ou 6 maladies qui sont principalement vendus. Certains parents souhaitent, et c’est leur choix, ne pas multiplier les vaccins. La solution de repli (2 vaccins, un pour D.T., un autre pour Polio) existe, est gratuite, mais est moins connue et moins proposée par les médecins, d’où un sentiment de pénurie… L’article de Rue89 est bien fait sur la question, d’autant qu’il montre que les raisons invoqués par le Pr Joyeux contre les vaccins sont les arguments classiques (toxicité, aluminium, lien avec cancers ou maladie neuro-dégénératives), qui ont été réfutés à de (très) nombreuses reprises par de (très) nombreuses études épidémiologiques. Henri Joyeux se présente comme un scientifique, ultra compétent, et très expérimenté. En utilisant des arguments largement réfutés, il manifeste une posture obscurantiste autoritaire, à grand renfort de « moi je suis compétent et je sais », et de « vous, scientifiques contre mes arguments, vous êtes à la solde de Big Pharma et du grand capital ». Henri Joyeux s’est fait remarquer ces dernières années pour des positions ouvertement homophobes, sa proximité avec le mouvement anti mariage gay « La Manif Pour Tous » (on pourra lire ce texte de Joyeux par exemple), et son traditionalisme catholique qui l’a amené à la présidence de l’association « Familles de France » , et qui se traduit en particulier par ses combats contre les moyens contraceptifs hormonaux et contre l’IVG (ben oui, d’après lui, ça donnerait le cancer ! On pourra lire ici l’éclairage du site prochoix.org …).

Outre ces deux exemples de personnalité qui incarnent le lien indéfectible entre l’extrême droite et les pseudo-sciences, il faudrait citer aussi les récentistes (« le moyen-âge n’a pas existé », et les datations au carbone 14 ne sont qu’une mascarade !) comme Pierre Dortiguier, proche du « national-socialiste » Alain Soral (voir cet article de Rue89), ou encore les créationnistes (peu nombreux encore en France, « Dieu Merci » ! ) du Tea Party américain. Il serait aussi intéressant de lire l’article d’Alexandre Moatti sur un drôle de débat mené par Henri de Lesquen, président d’une radio de la « droite radicale », où tour à tour sont évoqués les bienfaits de l’amiante, « l’obscurantisme » des scientifiques français de ces dernières années, le « prétendu » réchauffement climatique, et « le grand historien négationniste » Faurisson…

Histoire, santé, climatologie, évolution… Peu de domaines sont épargnés par ces obscurantistes ou pseudo-scientifiques venus de l’extrême-droite. Cependant, deux raisons me semblent centrales pour expliquer cela : l’héritage traditionaliste, voire pétainiste de ce bord de l’échiquier politique, ainsi que son populisme à visée électorale.

L’obscurantisme, seul allié du racisme, du sexisme, de l’homophobie

Il est bien difficile de nos jours d’utiliser la science pour promouvoir une idéologie raciste/ sexiste/ anti-LGBT (Lesbien, gay, bi- et trans-sexuel), comme il est bien difficile de trouver des arguments en faveur de la création du monde par Dieu en 7 (ou plus) jours… Ainsi, lorsqu’une personne se revendiquant de la sphère savante expose des arguments bien tournés, feignant citer des études scientifiques respectables et des illustres prédécesseurs, elle est reçue les bras grands ouverts, et érigée comme caution scientifique (et morale !) de ces idées nauséabondes. On a ainsi vu des « sexologues » comme Thérèse Hargot (Voir son blog, si le coeur vous en dit) intervenir en faveur des arguments de La Manif Pour Tous (voir un article sur cette personne par Mme Déjantée), tout comme le Pr. Joyeux. On a entendu aussi cet évêque d’Orléans, André Fort ré-affirmer, avec soi-disant des études à l’appui, que le VIH passait au travers du préservatif (on lira cet article de Libé, où on apprend aussi que cette personne est très proche des milieux anti-IVG…).

Le négationnisme historique fait partie de l’ADN (d’une certaine) extrême droite. Il est donc naturel, qu’en plus des déclarations sulfureuses de responsables politiques (tellement innombrables qu’on ne peut même plus les citer), des individus se revendiquant des sphères savantes soient érigés en héraut de la « vraie » histoire. Gilbert Collard (député apparenté FN) applaudit à deux mains sur son blog les propos de E. Zemmour qui prétend que « Pétain a sauvé des juifs », pendant que Robert Faurisson, ancien universitaire (en littérature contemporaine), condamné pour provocation à la haine raciste et pour négation de crime contre l’humanité, est depuis les années 70 l’Historien qui dit vrai, contre la bien-pensance…

Ces obscurantismes me semblent liés à la mouvance traditionaliste de l’extrême droite. On y retrouve les idées les plus sombres qui ont agitées l’histoire de notre pays (l’antisémitisme, le fascisme), comme les idées les plus arriérés des extrémistes catholiques (homophobie, anti-avortement et anti contraception). À mes yeux, il s’agit d’idées véhiculées et diffusées par « l’élite » de cette droite identitaire, qui ressent manifestement le besoin de s’acheter une certaine respectabilité, en convoquant des figures d’autorité plus ou moins savantes, plus ou moins universitaires. Les hurluberlus de la Manif Pour Tous, par exemple, font partie de cette « élite », qui ne représente pas l’électorat classique « populaire » de l’extrême droite, mais plutôt les classes aisés catholiques traditionalistes. Bref, c’est un obscurantisme qui opère un mouvement descendant, depuis les dirigeants jusqu’aux militants, puis aux sympathisants.

Les théories pseudo-scientifiques :  un point de rencontre du populisme à visée électorale, et de la méfiance envers les élites « officielles »

La distinction entre obscurantismes et pseudo-sciences ne peut qu’être partielle, l’un se nourrissant de l’autre. Par exemple, lorsqu’on défend la falsification de l’histoire de la seconde guerre mondiale, on ne peut qu’être séduit par les théories récentistes pour lesquelles 800 ans – le moyen âge – ont été artificiellement, et récemment « ajoutés ». Néanmoins, il me semble que le point de convergence entre l’extrême droite et ces théories fumeuses est d’une autre nature.

La Science et les Scientifiques se sont très souvent positionnés (et se positionnent parfois encore) CONTRE l’opinion populaire. En inventant la « méthode scientifique » dont les résultats invalident certaines pratiques, et réfutent certaines idées reçues, la science moderne a pu s’éloigner des intuitions et des croyances. Mais ce faisant, elle s’est auto-instituée valeur morale, condamnant à la fois les charlatans qui promeuvent ces pseudo-sciences et les personnes qui y croient.* Les personnes inquiètes des « dangers » des vaccins ne sont souvent pas bien mieux loties que les personnes qui vendent leurs idées anti-vaccinales ! Leurs questions restent souvent sans réponses rationnelles de la part des pro-vaccins, et leurs inquiétudes se retrouvent balayées par un argument d’autorité. Ce genre de comportement approfondit considérablement le fossé entre la science « officielle », c’est-à-dire pratiquée et défendue par les élites sociales et culturelles, et une science « populaire », qui apporterait à tout des réponses « de bon sens ». Dans le contexte d’une crise de confiance avec les élites, entretenue par la collusion entre puissances financières, décideurs publiques et acteurs scientifiques qui est ressentie, la recherche de la Vérité qui serait cachée, ou de la Vérité qui serait ailleurs séduit tous ceux qui se sentent exclus des cercles de pouvoirs.

C’est justement cette exclusion, bien réelle au demeurant, qui est mis en avant par les mouvements d’extrême-droite, Front National en tête. En dénonçant « le système », en dénonçant les lobbys (étrangers, juifs, franc-maçons, islamistes, etc…), les élites (parisiennes, les énarques, etc…), ces partis s’adressent au même public que les promoteurs de la science « alternative ». La jonction s’effectue naturellement, à travers des théories complotistes, ou des messages de sympathies d’une partie ou d’une autre…

Les exemples sont nombreux. On les trouve davantage sur des sites de groupuscules beaucoup moins institutionnels que le FN, mais non moins terrifiants…

Ici, sur le site « Nouvel Ordre Mondial », on trouve par exemple un article édifiant sur le fait que « Les électeurs du Front National sont les plus intelligents » et on découvre un graphique montrant que le QI moyen d’un frontiste est de 130, avec un témoignage édifiant d’une militant « ingénieur de haut niveau » « en moteur à énergie libre » (une histoire de moteur perpétuel… Encore et toujours… Je vous invite à lire cet article de Dr Goulu sur ce type de technologie).

Là, sur le site du « Réseau Voltaire », créé par T. Meyssan (l’auteur du fameux livre « l’effroyable imposture » qui est censé démontré l’inexistence des attentats du 11 septembre). On apprend que l’OMS et l’UNICEF ont volontairement stérilisés des populations entières sous couvert de campagne de vaccination. Le lien avec l’extrême droite est réel, et transparaît dans les interviews de Meyssan à propos des manifestations pour les manifestations « jours de colère« , et du Front National.

Là encore, sur le site « Égalité et réconciliation », géré par Alain Soral (antisémite et conspirationniste notoire, qui vient de créer son parti avec Dieudonné), c’est l’esclavagisme aux USA qui est remis en question.

Là toujours, sur le site « les matriciens », c’est de la pseudo-anthropologie simpliste, condamnant Claude Levi-Strauss, Françoise Héritier (ces « pseudo-anthropologues » du Collège de France), le patriarcat des musulmans et des gens du voyage (source de consanguinité, et donc de tares génétiques), avant de faire l’éloge du renouveau matriarcal de la famille Le Pen (de Marine à Marion Maréchal Le Pen).

Il existe, hélas, beaucoup d’autres exemples. Il faut également souligner que certains mouvements de la gauche sont eux aussi concernés par les pseudo-sciences. Là où il y a matière à dénoncer, pour des raisons rationnelles, économiques et politiques l’industrie du nucléaire, ou encore le productivisme de l’agro-industrie, on retrouve des arguments faisant appel à l’irrationnel contre les OGM, contre « les ondes », etc… A l’extrême gauche, on trouve également des personnages sinistres tentés par le même conspirationnisme qu’à l’autre bout de l’échiquier politique. J’ose imaginer qu’ils sont moins nombreux, et surtout, qu’ils sont amèrement critiqués par d’autres. (On trouve par exemple sur le site des Morbaks Veners (sur la plateforme antifa.net) une liste impressionnante de sites conspirationnistes, complotistes, pseudo-scientifiques sans distinction d’orientation politique).

Je ne pourrais finir cet article sans lancer un plaidoyer pour une communication totale entre scientifiques et grand publics. Totale, c’est-à-dire où l’écoute est à double sens, sans complexes d’infériorité ou de supériorité, de la part des publics et des scientifiques. Où les deux parties sont amenées à co-construire les savoirs et les façons de les diffuser. Après tout, nous sommes tous experts dans certains domaines, et novice dans d’autres. Nous avons tous à apprendre de l’Autre, que cela soit dans les grandes Disciplines de la Science, comme dans toutes les autres facettes de la pensée Humaine. Cette alliance entre extrême-droite et pseudo-sciences témoigne aussi de cette hiéarchisation des savoirs et des personnes, source d’exclusion et de stigmatisation des « ignorants », et d’isolement des « élites culturelles ».

N.B. 1. J’ai conscience que les quelques réflexions présentes dans ce billet sont superficielles et même naïves, en raison de mon manque de culture historique, sociologique, et politique. Néanmoins, j’avais besoin de poser ça là, et j’espère que vous n’hésiterez pas à enrichir, contredire mes propos avec vos réflexions en commentaire !

N.B. 2 Les liens vers les sites d’extrême-droite ou conspirationnistes ont été réalisés grâce à « Do Not Link » : Ils n’améliorent pas leur visibilité et leur référencement par les moteurs de recherche.

* Parfois, les scientifiques officiels ont d’ailleurs pu utiliser des arguments aussi fallacieux que ceux des défendeurs des pseudo-sciences. Dans « La Science et l’Opinion Publique », B. Bensaude-Vincent raconte la condamnation par l’Académie Royale de Médecine en 1784 des pratiques de F.A. Mesmer, qui « soignaient » les foules grâce à des séances collectives de magnétisme. Finalement, c’est surtout « l’atteinte aux bonnes moeurs » qui est retenu pour interdire cette pratique.

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Cher Emmanuel,

Tu m’as envoyé un mail pour me permettre de découvrir, quasiment en avant-première, ton produit super performant, testé par un laboratoire du CNRS, qui permet de lutter contre les méchantes ondes électromagnétiques qui nous polluent, et nous tuent à petit feu. Afin que tous les lecteurs de mon modeste blog sachent de quoi il s’agit, je copie ici ta gentille et aimable lettre électronique :

Site web: http://www.ginkocontrol.com/fr/
Votre texte: Info Presse : Le Patch GINKO CONTROL qui protège des ondes électromagnétiques


Bonjour,

Je me permets de vous contacter car je m’occupe des relations digitales de GINKO CONTROL. Nous avons récemment lancé un patch qui protège des ondes électromagnétiques (Wi-Fi, Bluetooth etc).
Il suffit de le coller sur votre smartphone ou sur l’appareil connecté de votre choix et le tour est joué !

Il détient une caution scientifique : technologie approuvée par un laboratoire du CNRS.  De même, le patch GINKO CONTROL se base sur l’invention du système d’antennes passives, une invention qui a obtenu la médaille d’or au Concours Lépine en 2008.

Ci- jointe, une vidéo virale expliquant son principe :https://www.youtube.com/watch?v=gmp6HNyDDAs .
Je peux vous faire parvenir un patch si vous êtes intéressé.
Bien à vous,
Emmanuel
Nouveau champ:
Heure: 08/01/2015 at 14:48

Outre le fait qu’à 14:48, le 8 janvier, je pleurais encore à moitié les morts de la tuerie de Charlie Hebdo, ton message est passé directement dans les spams (Coincidence ? Intuition ?), et ce n’est donc que 5 jours plus tard que j’ai pris connaissance de ces quelques lignes…

Avant de t’expliquer pourquoi ton produit ne m’intéresse pas, je voudrais avant tout que tu saches combien j’admire ta démarche : créer une entreprise avec un produit innovant. Cela permet de diminuer le chômage, augmenter l’activité, participer à la croissance économique. Donc, avant tout, et sincèrement, bravo ! J’en suis personnellement bien incapable !

Ton produit ne m’intéresse pas en réalité. Et même, je te l’avoue, il est nul à chier, inefficace contre un risque inexistant. Ce n’est ni le premier, ni le dernier, tu me diras (avec un peu d’honnêteté intellectuelle). Oui, mais là, tu me demandes mon avis, alors, je me permets de dire tout ce que je pense de ce « patch GINKO CONTROL », et des arguments que tu mets en avant.

Alors voilà, tu proposes un « patch », de 1 à 3 cm de diamètre, à coller sur un appareil qui « émet des ondes électromagnétiques » (je suppose que tu parles des méchantes ondes qu’émettent les méchants téléphones, antennes relais, Wifi etc…). Ces patchs sont constitués de deux « antennes » métalliques (deux pastilles probablement ?) séparées par un isolant, ce qui permet de « [capter] les ondes en phase (polluantes), et par induction électromagnétiques, elle transmet ces ondes avec rotation à 180° sur l’autre antenne, les changeant d’état physique ». 

Mais, cher Emmanuel, tu te rends bien compte que ce charabia peut impressionner le premier venu, mais que c’est un peu risquer de l’envoyer à un scientifique, non ? (Tu t’es dit que j’étais chimiste, et donc que j’y comprendrais pas grand chose de plus que le premier venu, sans doute… Tu n’as pas totalement tort, je dois bien l’avouer)

Je te proposes de revenir, rapidement, sur quelques arguments, que tu exposes ici. Ta première phrase est sympa :

Pour réduire l’action d’une force, il suffit de lui opposer une autre force

Force contre force, ça devrait bien marcher ! Dans Star Wars surtout, mais pourquoi pas ! Par contre, la suite donne tout de suite le ton mauvais pseudo-scientifique (par mauvais, j’entends qu’il y en a dont les raisonnements sont bien plus fins…) :

Le principe physique du déphasage à 180° fait que deux forces, deux énergies, en l’occurrence deux ondes opposées de même puissance, se neutralisent mutuellement, diminuant la pollution.

Merde alors, tu viens de ré-unifier, en quelques mots, les notions de force, d’énergie, et même d’onde ! Bon sang, c’est pas une médaille d’or au concours Lépine que tu mérites, c’est 15 prix Nobel ! Ou alors ta phrase est complètement conne. Une force, c’est pas une énergie, cher Emmanuel. Une onde, non plus. Alors certes, tu me diras qu’une force, ça peut modifier l’énergie d’un système. Ça peut, oui, mais c’est un peu comme si tu disais que du sucre, c’est pareil qu’une pomme ! Une pomme contient du sucre, c’est vrai, mais c’est pas tout à fait la même chose… Pour les ondes, c’est encore différent, hein, c’est un peu comme si les ondes, c’était le boîte dans laquelle tu mets tes morceaux de sucre. Et c’est pas tout à fait pareil non plus…

Et puis là, génial. Tu cases le mot « pollution ». BAAM ! Comme dises les lycéens. THE argument ! Sauf que tu parles de quoi ? Pollution de l’air, de l’eau ? Pollution lumineuse (celle qui empêche de regarder les ciels étoilés dans toute leur splendeur dans les villes) ? Je ne vais pas me faire plus bête que ce que je suis, je suppose que tu parles de « pollution électromagnétique »… J’ai bon ? On reviendra quelques secondes dessus…

Bref, tu dis que tu as inventé un système passif (sans nécessité d’apport énergétique) qui permet de déphaser de 180° une onde, ce qui permet de générer une onde « opposée de même puissance », et ainsi de neutraliser la première… Tu proposes même un joli schéma qui montre que les deux ondes sont « antagonistes », et comme 1 + (-1 ) = 0, à la fin tout est annulé, et on n’est plus pollué (et même Cécilia revient).

Comme tous les pseudo-scientifiques marketteurs, tu commences ton charabia par le fameux :

Le fonctionnement du patch GINKO Control est simple.

Et tu le continues en donnant plein de mots incompréhensibles, de registres très différents :

Quand le patch est collé sur le téléphone, l’antenne la plus près de la source capte les ondes en phase (polluantes), et par induction électromagnétiques, elle transmet ces ondes avec rotation à 180° sur l’autre antenne, les changeant d’état physique. Ainsi devenues antagonistes et antidotes, les ondes déphasées pénètrent notre corps et sont alors envoyées vers le cerveau qui accepte ces informations, ce qui permet de maintenir l’équilibre de nos cellules.

  • « Ondes en phase » : tu parles de phénomènes ondulatoires
  • « polluantes » : santé ? Environnement ?
  • « Induction électromagnétique » : ça, c’est de l’électromagnétisme
  • « changeant d’état physique » : ah ! de la thermodynamique :
  • « antagonistes » : ça, c’est… c’est… Ah oui, peut-être de la biologie moléculaire ?
  • « antidotes » : J’ai !! De la toxicologie !
  • « Cerveau qui accepte ces informations » : neuro-psychologie ? Sciences cognitives ?
  • « Équilibre de nos cellules » : biologie cellulaire ?

C’est plus une explication, c’est une invitation à la formation universitaire interdisciplinaire (je dirais un bon niveau Licence dans 3 ou 4 disciplines différentes) ! C’est surtout un excellent moyen pour perdre complètement le lecteur, qui se croit con, et te pense super intelligent. Alors que c’est pas tout à fait sûr… Parce que tu le sais très bien, ça ne veut rien dire. Tu passes du coq à l’âne sans aucune transition, en liant des mots et des concepts qui n’ont rien à voir les uns avec les autres…

Alors, plutôt que de répondre point par point (parce qu’il faudrait déjà que je comprenne ton raisonnement…), je te ferais juste quelques remarques :

  • Les effets néfastes des ondes électromagnétismes utilisées pour le wifi, téléphonie mobile, etc… n’ont jamais été démontrée. Ça veut pas dire qu’ils n’existent pas, cela signifie que si ces effets existent, ils sont tellement faibles qu’aucune étude sérieuse réalisée sur le sujet ne les a détecté. Bref, ton patch, même s’il fonctionne, ne sert à rien.
  • Supposons que ton patch provoque bien l’effet voulu (déphasage 180°) : Comment la nouvelle onde va bien pouvoir « être envoyée au cerveau » ? Tu imagines bien que c’est pas un patch placé vaguement au centre d’un appareil tantôt collé à l’oreille, tantôt posé sur une table, ou je ne sais pas trop encore, ce n’est pas pareil ! Ton antenne, elle est passive, mais elle n’est pas équipée d’un « détecteur de cerveau ! ». En plus de cela, je serais plus qu’étonné que le déphasage à 180° soit efficace quelque soit la direction de l’onde incidente. Je parie plutôt sur le fait que la direction de propagation doit être parfaitement orthogonale au patch. Si jamais ton truc marche !
  •  Comment un patch de quelques cm² peut supprimer TOUTES les ondes ? Tu n’ignores pas que les micro-ondes (émis par tes appareils) se propagent dans toutes les directions. Si jamais ton truc marche, il arrêtera/neutralisera les ondes qui tombent dessus, c’est-à-dire vraiment pas grand chose !!
  • Enfin, supposons que ça marche. Totalement. Que ça neutralise tout. Plus d’ondes. Tu ne vois pas de problème ? Je peux te le dire, simplement : et bien ton téléphone, ou ton autre appareil qui émet/reçoit des ondes, ne servira plus à rien !!! Comment tu veux téléphoner avec un téléphone qui n’émet pas de signal ?

Moi je connais 2 trucs qui marchent parfaitement bien pour ton problème :

  • Une boîte métallique hermétique : aucune onde de type micro-onde ne pourra y entrer (et en sortir). Tu mets ta machine dedans, et c’est réglé (et ça coûte moins cher). Bon, ta machine ne servira plus à rien, mais c’est bien ce que tu souhaites ! Et si tu es vraiment trop inquiet pour ta santé, fabrique-toi une boîte en métal de ta taille, et mets-y toi dedans : vraiment aucune méchante micro-onde n’y rentrera (je te conseille de faire tout de même quelques petits trous pour respirer)
  • Re-vends ton PC wifi, ton téléphone ! C’est encore plus économique !!

 

La suite est très compromettante. Pas pour toi, hein, plutôt pour les personnes et institutions scientifiques qui sont citées.

Le professeur Zanca par exemple, se retrouve en première ligne. Professeur à l’Université Montpellier 2, il a validé non seulement les antennes passives qui déphase de 180° les fameuses ondes polluantes, mais aussi collaboré

pour des tests cliniques réalisés sur plus de 1.000 sujets, [qui] démontrent notamment la diminution des tensions des chaînes musculaires anti gravitaires par l’effet du protecteur d’ondes GINKO Control. Conclusion: « L’individu avec la pastille GINKO Control retrouve son niveau énergétique, ce qui soulage, améliore ses performances et lui apporte une sensation de bien être. »

Michel Zanca est bien réel, et tu le cites même sur ton compte Twitter. Je ne comprends pas comment un professeur d’université, qui publie régulièrement des articles de recherche sérieux, en particulier sur l’IRM, puisse s’abaisser à promouvoir ton produit. L’appât du gain, sans doute. Et puis, personne n’est incorruptible ! Par contre, il ne fait pas la promotion de GINKO CONTROL sur le site de son labo… Il ne parle pas non plus de quelconques tests, ni d’une collaboration avec le « Dr » Jacques Gaujac (j’ai mis entre guillemet « Dr », parce que je n’ai pas retrouvé le fait qu’il soit docteur… Tu m’en voudras pas). Je me demande pourquoi. J’espère que ses collaborateurs (à M. Zanca) sont au courant, pour GINKO CONTROL, parce que ça leur ferait sans doute un choc…

Par contre, tu proposes de fournir les études que tu as fait réaliser, sur des MILLIERS DE SUJETS, et en double aveugle avec placebo sur une CENTAINE DE SUJET. Mais si tu as VRAIMENT fait ces études, publie-les dans un journal scientifique ! En attendant, tu peux aussi me les envoyer, je serais enchanté de les parcourir, commenter… Non ?

Bon, je vais m’arrêter là, Emmanuel. Et puis, tu n’y es pour rien, tu es juste là pour la com’ ! Alors, n’hésite pas à faire passer le message à Roland Wehrlen, le véritable chef d’orchestre de ce … patch ? Pastille ? De cette merde !

 

 

Grâce à l’industrie pharmaceutique, on va pouvoir NE PAS éradiquer l’hépatite C

La science pharmaceutique fait parfois des progrès spectaculaires. Alors qu’une maladie fait des milliers, des centaines de milliers, ou des millions de mort chaque année, de nouveaux traitements apparaissent, et révolutionnent les prises en charge de ces fléaux.

L’exemple de l’imatinib (Gleevec®), le traitement miracle contre les leucémies myéloïdes

gleevec

« Il y a une nouvelle arme dans la guerre contre le cancer, et voici les balles »

 

Souvenez vous de l’Imatinib, cet anti-cancéreux révolutionnaire, autorisé aux USA en 2001, médicament redoutable contre les leucémies myéloïdes chroniques (LMC). Il y a eu un « avant » et un « après » Imatinib :

  • Avant, la médiane de survie était de 5 ans. Avec une transformation inévitable de la maladie en leucémie aiguë. Le seul espoir résidait dans une allogreffe de moelle osseuse, mais l’opération est délicate, les échecs fréquents, et les donneurs trop rares.
  • Depuis, les malades ont une espérance de vie proche de la normale. Le taux de survie à 5 ans était en 2006 de 89 %.

Cette histoire est belle. Trop belle en réalité. Un an de traitement par ce médicament, dont le brevet expire en 2015, coûtait en 2001 30 000 $. En 2012, il coûtait 92 000 $. Pour l’année 2012, il rapportait à Novartis 4,7 Milliards de dollars. Vous me direz, ça coûte cher, très cher d’inventer des médicaments, de les évaluer, de les mettre sur le marché. Pour un nouveau traitement de cancers, cela a été évalué, au total, à 1 milliard de dollars. En tout. En comptant le matériel, les salaires, le prix des études, les échecs qui font repartir de zéro… De façon grossière, (en imaginant une croissance linéaire du prix du traitement entre 2001 et 2012), on arrive à des recettes de l’ordre de 40 milliards de dollars. Soit 39 milliards de dollars de bénéfice pour ce médicament.

Mais qui peut payer ?

Soyons honnête : personne. 92 000 € rend inaccessible ce médicament à presque toute la planète. Il n’y a pas un pays au monde dont le salaire brut moyen annuel atteint cette valeur. Seuls les (très) riches peuvent se permettre de payer cela. En fait, seuls les très riches, et les assurés. Et oui, ce sont les assurances qui paient ces montants exorbitants. En France, l’imatinib, qui coûte plus de 1000 € la boîte, est remboursée à 100 % par la sécurité sociale, pour laquelle nous payons tous. Novartis peut nous dire merci : la solidarité nationale paie ses bénéfices ! Ce médicament est loin d’être une exception. Les médicaments contre le cancer font partie des plus onéreux, et les traitements plus récents dépassent le plus souvent 100 000 $ par an (1). Si la situation en France est « tendue », avec des pressions sur la sécurité sociale pour dérembourser de plus en plus de médicaments, elle est intenable dans la plupart des autres pays, où l’assurance santé est souvent un luxe (quand elle existe). L’imatinib, et les autres super stars de la lutte contre le cancer sont des joujoux des (très) riches.

 

 Et alors, l’hépatite C ?

L’hépatite C est une maladie virale, qui concerne 170 à 180 millions de personnes dans le monde. Dans 70 % des cas, la période aiguë de la maladie passe inaperçue (ce qui n’empêche pas les transmissions). 30 % des malades éliminent le virus spontanément à l’issue de cette phase. Pour les autres, l’hépatite C devient chronique. 30 % ont une hépatite active, qui généralement conduit à une cirrhose, voire à un cancer du foie dans les 10 ans. 30 % ont une hépatite peu active, et risquent de développer une cirrhose plus de 30 ans après. le dernier tiers n’a pas trop de soucis à se faire…(2) Il ne s’agit donc pas d’une maladie « si grave que ça »… Qui fait tout de même 350 000 victimes par an dans le monde (en comptant cirrhoses et cancers qui lui sont directement imputables).(3)

Il n’existe pas de vaccin contre l’hépatite C. De plus, jusqu’à récemment, les médicaments antiviraux sur le marché étaient très peu efficaces.

[Il faut bien comprendre le problème de la lutte contre les virus : celui-ci est un parasite des cellules, donc pour le bloquer, il faut le plus souvent bloquer la cellule – hôte, ce qui complique les choses : comment empêcher la réplication des virus sans empêcher le fonctionnement normal des cellules ? Ce problème explique le retard considérable dans les traitements anti-viraux comparés aux traitement anti-bactériens (les antibiotiques). L’utilisation de vaccin, ou de stimulateurs du système immunitaire est donc l’arme la plus fiable contre les virus : si on ne sais pas trouver un antiviral, aidons le corps à les fabriquer ! Mais ce n’est pas toujours facile à produire de nouveaux vaccins, ni forcément efficace de stimuler les défenses naturelles…] 

Ces dernières années, les progrès thérapeutiques ont été énormes…L’hépatite C a profité, en particulier, du développement des molécules antivirales dirigées contre le SIDA, et plusieurs nouveaux composés d’une très grande efficacité ont vu le jour. Quatre en particulier, associés ou non à d’autres molécules sont en train de révolutionner le traitement des génotypes 1, 2, 3 de l’hépatite C (qui a 6 génotypes au total, mais ces trois là sont, de très loin, les plus répandus).

Ces molécules ont des structures, et des modes d’action très différents. Il serait fastidieux de les décrire ici. Globalement, certains sont des inhibiteurs de la synthèse des protéines du virus, d’autres empêchent l’assemblage de ces protéines qui permet de former les nouveaux virus.

Ce qui est impressionnant, c’est le taux de réponse au traitement. Par exemple, toutes les études qui concernent des bi ou tri-thérapies contenant du sofosbuvir montrent des taux de réponse entre 70 et 100 % (et souvent plus proche de 90-100 %) pour les génotypes 1, 2, et 3.(4)

Sofosbuvir

C’est non seulement très intéressant pour les malades, mais c’est aussi un espoir d’éradiquer l’hépatite C. En diminuant drastiquement le nombre de malade, on limite les transmissions, ce qui permet d’espérer que cette maladie (ou du moins les génotypes 1, 2, 3) s’éteigne d’elle-même.

[C’est évidemment trop simple : le problème de l’hépatite C réside aussi dans le nombre de porteur qui s’ignore (environ un tiers des malades), et en l’accès aux soins des malades dans les pays en voie de développement. J’allais dire, finalement, tout comme le VIH…]

Et le prix ?

Il est scandaleux. Les traitements, sur 12 ou 24 semaines, vont coûter entre 65 000 $ et 189 000 $.(5). Non seulement l’accès à ces médicaments qui révolutionnent les prises en charge va être restreint aux plus riches, mais en plus cela repousse l’espoir de voir disparaître cette maladie… Lorsque ces « inventions » passeront dans le domaine public.

Une étude a été menée pour évaluer le prix que coûte la production, et la commercialisation de ces médicaments, en s’appuyant en particulier sur le prix des antiviraux contre le HIV qui ont souvent des structures communes. Ce n’est qu’une évaluation, mais le travail mené par une équipe d’universitaire est sérieux, et a été publié dans le journal Clinical Infectious Desease. Pour eux, le prix de production de ces différents médicaments se situe entre 100 et 250 $ pour un traitement de 12 semaines.(4)

Les laboratoires pharmaceutiques ont beau annoncer des « efforts » pour les pays à revenus modestes, ces traitements ne seront JAMAIS accessibles avant d’exister sous forme de génériques.

Ainsi, un communiqué de presse de l’association « Médecin Du Monde », annonce par exemple :

En Egypte, qui compte près de 12 millions de personnes infectées par le VHC, fournir seul le sofosbuvir au prix minimum [Proposé par le labo qui le produit, NDLR] de 2 000$ aux personnes en stade avancé de la maladie coûterait au gouvernement près de 62 fois le budget alloué chaque année au programme national de prise en charge de l’hépatite C. (6)

Les malades français ne peuvent pas non plus se permettre de prendre ce médicament. La sécu ne s’en remettrait pas :

En France, le prix de trois mois de traitement (environ 55.000 euros) pour seulement la moitié des 232.196 personnes atteintes de VHC chronique équivaudrait au budget des hôpitaux publics parisiens (APHP), selon les calculs réalisés par Médecins du Monde dans une étude. (7)

 

Aujourd’hui, les armes thérapeutiques existent pour soigner, voire éradiquer une maladie qui provoque 350 000 morts par an. Grâce à l’industrie pharmaceutique, on NE pourra PAS y arriver.

 

Alors, et la suite ? 

Soyons clair. Cet exemple, de l’hépatite C (comme des traitements anti-cancers) montrent parfaitement que les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas pour but de soigner les humains, mais de gagner de l’argent. Les prix des médicaments sont avant tout déterminés par l’étude du marché, afin d’en tirer un bénéfice maximal. A titre d’exemple, le PDG de Gilead Science, qui produit le sofosbuvir, (et le Tamiflu, contre les grippes, et le Truvada, contre le HIV, entre autres) gagne un peu plus de 30 000 $ par heure (près de 43 millions de dollars en 2010).(8) L’industrie pharmaceutique est sans aucun doute une des plus rentables, des moins risquées, et des plus cyniques qui existe.

Je ne vais pas y aller par 4 chemins. Voilà ce que je pense qu’il faut faire :

– L’ OMS (enfin, une organisation médicale internationale fiable, exempte de conflits d’intérêts…On peut rêver, je sais) doit décider quels sont les composés essentiels pour soigner les grandes maladies. Sofosbuvir et quelques autres pour l’hépatite C, l’Imatinib, et quelques autres pour les cancers, etc…

– Ces composés, prioritaires, doivent immédiatement passer dans le domaine public. Ils ont coûté un milliards de dollars pour leur mise au point ? Soyons honnêtes, réquisitionnons les brevets pour 2 milliards (ou plus ? ou moins ?) !

Créons des laboratoires publiques (financés par la même organisation internationale) de recherche et de production de médicaments. Cela aura l’avantage de découvrir et produire à plus bas coût les molécules, et qu’elles puissent directement passer dans le domaine publique. Cela permettra aussi, dans une certaine mesure, de limiter les conflits d’intérêts (financiers), et donc d’améliorer le service aux malades (moins de médicaments qui n’apportent que des améliorations mineures, moins de « corruption » des médecins,…)

– Le financement de ces organismes, laboratoires, réquisition de brevets est évident : cela coûte tellement moins cher aux sociétés, aux états, et aux assurances que l’industrie pharmaceutique actuelle !

 

Vous penserez peut-être que j’exagère dans mes propositions. Je vous propose alors une minute de silence pour les centaines de milliers de morts qui ne seront pas évités à cause de ces entreprises.

(1)  « Of the 12 drugs approved by the FDA for various cancer indications in 2012, 11 were priced above $100,000 per year » in « Price of drugs for chronic myeloid leukemia (CML), reflection of the unsustainable cancer drug prices: perspective of CML Experts » Blood 2013, vol. 121 no. 22, 4439-4442 (gratuit)

(2) Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Hepatite_C

(3) Site de l’OMS http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs164/fr/

(4) L’étude est disponible gratuitement : Minimum Costs for Producing Hepatitis C Direct-Acting Antivirals for Use in Large-Scale Treatment Access Programs in Developing Countries A. Hill et al. Clin Infect Dis. 2014 ,58 (7): 928-936.

On pourra aussi regarder/ imprimer le poster des mêmes auteurs, qui récapitule très bien leur travail.

(5) Sur Medscape http://www.medscape.com/viewarticle/817371

(6) Communiqué de presse de Médecin du Monde

(7) Extrait de la dépêche AFP, ici reprise de la version électronique de Sud Ouest

(8) Voilà J.C. Martin, 7e sur la liste des PDG les mieux payés des USA… http://chiefexecutive.net/americas-highest-paid-ceos

Lançons (enfin) le Reddit scientifique francophone !

Reddit, c’est un réseau social. Encore un. Son principe est simple : on poste un lien, un court texte, une question. Pour s’orienter, il existe des « sous-reddits » (« subreddits ») par catégorie, par type de contenus partagés.

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Reddit, c’est énorme. Fin 2012, il y avait autant d’internautes fréquentant Reddit que Tumblr ( 6% environ des internautes).

le Reddit scientifique est impressionnant. Il existe des sous-reddits pour chaque disciplines universitaires (/r/Biology, /r/Astronomy, etc…), pour la vulgarisation, pour la science amusante, pour des demandes de coup de main, pour le partage de publication, … Bref, c’est impossible de tout lister.

Le gros gros problème, c’est que reddit c’est quasi-exclusivement en anglais. 68 % des utilisateurs sont aux USA.  Les abonnés au sous-reddit « /r/France » (qui tente d’agréger tous les utilisateurs francophones) sont au nombre de 12971 (au 15/01/2014). Même la transposition d’un des  sous-reddits les plus populaires (AskFrance version francophone de AskReddit (plus de 4 millions d’abonnés) a été un échec, par manque de participants.

Alors voilà. J’ai décidé, un peu tout seul dans mon coin, mais soutenu par la communauté du c@fé des sciences, d’essayer de créer, promouvoir, le Reddit scientifique francophone. Pour l’instant, c’est un unique sous-reddit qui a été créé ( /r/ScienceFr), pour ne pas diluer les bonnes volontés. Le compte du c@fé des sciences est celui-ci : /user/Cafe_sciences, le mien est /user/MrPourquoi_

Vous êtes tous invité à y participer : il s’agit de s’inscrire (pas besoin même d’une adresse e-mail ! Juste un login et un mot de passe), et, lorsqu’un contenu sur internet vous plaît, ou qu’une question vous taraude, de le/la partager sur Reddit. Et bien sûr de regarder ce que proposent les autres utilisateurs, d’y répondre, et de « up » ou « downvoter » pour ces partages

L’intérêt de tout ça ? Faut-il réellement répondre à cette question ? Les réseaux sociaux ont chacun leurs particularités, leurs usages, leurs états d’esprits. Celui de Reddit est séduisant. Le site est open source, le principe de fonctionnement est basé sur l’autogestion de la communauté. Il a fermé pendant 12 h pour protester contre le SOPA américain (loi états-unienne liberticide sur les contenus en ligne), etc… ah, chose rare : on peut en un clic supprimer tout son compte. Construire une communauté scientifique francophone, c’est à la fois promouvoir ses centres d’intérêts, ses propres contenus en ligne, mais c’est aussi tenter, par un nouvel outil, de communiquer sur la science, de la promouvoir, et sans aucun doute, de la faire avancer.

Alors, Venez nombreux sur www.reddit.com/r/ScienceFr

 

N.B. Merci aux utilisateurs de www.reddit.com/r/France pour le coup de main !

La violence durant les études médicales

Ce billet fait écho à celui écrit et partagé sur le site Les Vendredis Intellos, avec un point de vue légèrement différent.

Je m’étais déjà lâché dans un billet : « Quand la médecine fait mal« , relatant quelques exemples de violence fait par les médecins à des patients, par incompétence, morale et psychologie de bas étage, habitude, irrespect, etc… Ce billet relatait de façon non scientifique des expérience vécues par des proches.

Ici, ma chère Mme Déjantée m’a fait passer un article d’un médecin qui a mené durant plusieurs années un projet pédagogique autour des violences durant les études de médecines. Il ne s’agit pas ici de parler de la violence entre étudiants, au cours de beuveries collectives, ou non plus les pratiques très très douteuses des salles de gardes, dont le magazine « Causette » avait parlé. Il s’agit ici des violences dont sont victimes les étudiants durant leurs stages en milieu hospitalier.

Karin Parent, médecin à l’Hôpital Luxembourg à Paris a proposé à des étudiants en médecine ou en maïeutique (étude de sage-femme, mais la « maîeutique », ça fait plus chic) qui suivait son cours optionnel sur les soins palliatifs de rédiger un texte. Non pas centré sur les patients, mais

« [centré] sur la reconnaissance de l’étudiant comme personne, avec son histoire, ses expériences de soin personnelles ou professionnelles, son affectivité, son désir d’exercer une médecine porteuse de sens, et ses pleines capacités réflexives à nourrir pour qu’il les développe. »

Et là, elle raconte

« J’avais très envie de découvrir sur quels thèmes ces jeunes hommes et ces jeunes femmes (21—23 ans) avaient travaillé. Ma curiosité s’est transformée en surprise, en stupéfaction, et en saisissement : au-delà de capacités de réflexion, de distance critique, ou de problématisation, ce qui s’exprimait-là, sur des sujets variés, était un vécu de violence si fort qu’après avoir lu la moitié des écrits, poursuivre la lecture m’est devenu insupportable« 

Avant d’aller plus loin, je souhaite faire une petite remarque. Je considère ici qu’il s’agit d’un article scientifique. Plus précisément ce qu’on appelle une monographie en sociologie, où le point de vue subjectif de l’auteur affleure naturellement, et fait partie intégrante du travail réalisé. Ici, la lecture de cet article fait apparaître qu’il s’agirait plutôt d’un acte de colloque, de la conclusion d’un travail de groupe durant un séminaire. Sa valeur n’en est qu’augmentée.

Entrons dans le vif du sujet. Pour l’auteure, les violences (psychologiques) qui s’exercent sur les étudiants sont de deux types : certaines sont inhérentes à l’apprentissage du métier de soignant, et d’autres, par contre, sont évitables, et correspondent au vécu de certaines situations qui violent leur éthique et leur représentation du rôle du soignant.

« Soigner, c’est transgresser »

Quand j’ai lu ces 4 mots, j’ai été assez marqué. Par la violence que cela représente, en même temps que par la nécessité évidence de la transgression dans ces métiers. Ces étudiants vont parfois faire mal à leur patient (une perfusion mal posée), à toucher leurs parties intimes, très intimes (toucher rectal, toucher vaginal).

Ils doivent apprendre à faire à l’autre ce qui est interdit aux autres non soignants, et à le faire de façon responsable.

Mais il n’y a pas que cela qui est violent, sans pour autant être anormal. Comment annoncer à un patient qu’il va mourir, à ses proches qu’ils vont être orphelins ? On critique souvent, et à juste titre les médecins qui ne savent pas le faire, et qui se protègent eux-mêmes en étant froids, distants. Ils devraient tous avoir appris à se comporter autrement. Mais ce n’est pas (assez) enseigné. Alors reste leur souffrance cachée derrière un masque.

« Ils sont en train de faire ÇA à ce malade. Personne ne dit rien, il n’y a que moi que ça gêne ici »

Et puis il y a ce que l’auteure appelle la « surviolence« . La violence inutile, gratuite, qui découle de l’abus de pouvoir du soignant sur le patient. Une élève raconte une scène terrible :

En deuxième année, les étudiants n’ont pas 20 ans. Un chef de service emmène un petit groupe d’étudiants dans une chambre. Il demande à la patiente de se mettre à quatre pattes, lui enlève son sous-vêtement et dit aux étudiants : « Entraînez-vous au toucher rectal, je reviens dans dix minutes ». Le médecin parti, les étudiants se regardés, se sont excusés, ils ont rhabillé la patiente et ils sont sortis.

La relation entre le patient et le soignant est « asymétrique » : l’un a beaucoup d’ascendant sur l’autre, sans que cela soit réciproque. L’abus de pouvoir est à portée de main du médecin, qui a pour s’en prémunir la déontologie et l’éthique personnelle. Par contre, la confrontation avec des actes inutiles et en désaccords profonds avec sa morale personnelle est très déstructurant pour l’étudiant.

[L’abus de pouvoir] sature ses capacités d’analyse rationnelle, sidérées par un ressenti composite intense de stupéfaction, d’incrédulité, d’horreur, de crainte, de révolte, d’impuissance, de solitude, de rupture d’idéal et de perte de confiance dans le modèle.

 Que faire de ces violences subies, et rapportées par les étudiants ?

L’auteure pose bien sûr la question des suites à donner à ces violences psychologiques rapportées par les étudiants. Qu’en faire ? Une des étudiantes qui suivait ce cours a rapporté des évènements graves, qui ne sont pas détaillés dans l’étude, mais qui pourrait relever du pénal. Qu’en faire ?

Afin d’aider ces étudiants, la première chose est d’instaurer un climat de confiance entre eux et les enseignants. Pour que ces violences puissent être explicitées. Rompre la solitude, et en parler avec les autres étudiants est pour K. Parent un élément central. Mais il reste le rôle joué par l’institution. Là, le constat est amer. Cette étudiante qui a fini par témoigner de violences terribles a eu pour seul retour… de changer de service. Au delà des faits répréhensibles qui ne seront jamais portés devant un conseil de discipline ou la justice, c’est la confiance dans le système qui est plus qu’ébranlée.

Au-delà de la souffrance des jeunes adultes, qui est déjà insoutenable lorsqu’elle est évitable, c’est la pratique même des métiers de la santé par ces futurs soignants qui est affectée par cette violence. Car la transgression d’une éthique, de la conviction que le médecin, la sage-femme est là au service du patient provoque une perte de repère qui peut conduire à la reproduction de ces mêmes violences.

J’ai souvent critiqué le comportement de certains médecins. Coupables à mes yeux de violences inutiles, volontaires ou non. Avec cet éclairage, de la façon dont ils sont mal-traités durant leurs études, je comprends mieux.  Et cela donne aujourd’hui un angle d’attaque pour faire évoluer la situation.

D’autant que tous les soignants ne reproduisent pas ces violences. Alors chantons les louanges des Martin Winckler, JADDO, Dr Borée, Leyla-MK (kiné de son état), FarfaDoc et quelques autres (tant d’autres !) qui un jour se sont dit, pendant leurs études,( ou après), des mots qui ressemblaient à « N’oublie pas, n’oublie pas, n’oublie pas« . (Voir par exemple ce billet de Dr Borée sur la pétition pour des chemises d’hôpital, qui renvoie des liens vers de nombreux blogs de soignants)

Source : « Que faire des violences rapportées par les étudiants » K. Parent Ethique et Santé 2013, 10 (3), pp 155-162

Les homéopathes se révoltent contre Boiron !

Lyon n’est pas la capitale de la France, ni de la physique quantique, ni de la chimie organique. Mais Lyon est la capitale mondiale de … l’homéopathie. Effectivement, le géant « pharmaceutique » mondial, qui distribue 80 % des « remèdes homéopathiques », les Laboratoires Boiron y sont implantés depuis 1969.

Pas étonnant donc que la presse locale s’y intéresse… Et en particulier le magazine « Lyon Capitale », dont voici la Une du mois :

Lyon Capitale novembre 2013

 

Quand j’ai vu cela, dans les rues de Lyon, j’ai cru à un canular, à une caméra caché, à une invasion d’alien, ou à une faille dans le continuum espace-temps. Mais non. Une enquête exclusive sur les rapports de plus en plus tendus entre Boiron, et les homéopathes. Que je me suis procuré bien sûr !

Petits rappels sur l’homéopathie

Avant de commencer, il me faut faire un bref rappel sur l’homéopathie.

Cette pratique se base sur 3 principes :

  • Le principe de « similitude » : Ce qui provoque des symptômes… guérit les mêmes symptômes : En latin, ça rend plutôt bien ; Similia similibus curentur
  • Le principe de « l’individualisation » du traitement : Peu importe la maladie, ce qui est important, c’est le patient, tous ses symptômes, toutes ses spécificités qui doivent être prises en compte pour la mise au point du traitement.
  • Les « dilutions infinitésimales » : évidemment, soigner avec ce qui rend malade, pourquoi pas, mais encore faut-il que ça ne tue pas davantage. Donc il faut diluer beaucoup pour ne pas retrouver les effets délétères.

Le premier principe est assez surprenant. L’exemple souvent cité par les homéopathes est la quinine, médicament de choix contre le paludisme et les fièvres au cours du XVIIIe  et du XIXe siècle (les grands principes de l’homéopathie datant du début de ce siècle) : en cas de surdosage de ce médicament, un des effets est l’apparition d’une fièvre : DONC une substance qui donne de la fièvre peut soigner la fièvre. Joli sophisme selon moi.

Le second principe me semble raisonnable. Encore faut-il que les symptômes mesurés soient pertinents. Une des questions qu’un de mes proches a eu lors de son rendez-vous chez un homéopathe portait sur l’aspect de son cérumen, et je reste assez…sceptique sur son intérêt.

Le troisième principe est une des conséquences du premier : pour éviter d’aggraver les symptômes en les traitant avec des substances qui donnent les mêmes symptômes, il faut les diluer. Les diluer… beaucoup. Et c’est là qu’intervient un corollaire du principe de dilution : plus on dilue, plus ça marche. 1 CH signifie dilué 100 fois. 2 CH signifie qu’on a dilué 100 fois un produit déjà 1 CH. Soit dilué 10000 fois. etc… avec les puissances de 10, c’est plus clair  :

  • 1 CH = Dilué 102 fois
  • 2 CH = Dilué 104 fois
  • 12 CH = Dilué 1024 fois
  • etc…

Là, il faut se rappeler d’une chose : Dans 100 g de sucre par exemple, il y a environ 1023 molécules de sucre. Donc lorsqu’on dilue une solution de concentration 100 g par litre à plus de 12 CH, il n’y a statistiquement plus du tout de produits dans la solution.

Les homéopathes le savent bien. Mais si cela marche, d’après eux, c’est que lors des dilutions, le fait d’agiter fortement la solution (de la « dynamiser« ) permet de transférer les propriétés de la substance à l’eau qui l’entoure. Si la présentation finale ne contient plus d’espèces chimiques, elle a néanmoins gardé en mémoire sa présence, et est donc quand même efficace. Oui, je sais, c’est tiré par les cheveux, c’est absurde, c’est… faux, mais c’est ce qui fait le succès de l’industrie de l’homéopathie.

Quand je dis que c’est faux, c’est que l’état de la science actuelle permet d’affirmer que :

  • La « dynamisation », c’est-à-dire la mémoire du solvant de la substance, ne repose sur aucune preuve ou début de soupçon de preuve scientifique.
  • Aucune étude sérieuse n’a permis d’établir un quelconque effet (autre que placebo) des produits homéopathiques.

Ah, pour comprendre comment cette industrie s’y prend pour préparer les remèdes homéopathiques, rien n’est mieux que cette superbe vidéo, du « pharmachien » : (La voilà : http://www.lepharmachien.com/recettes-pour-faire-votre-propre-homeopathie-a-la-maison/ )

Ah, aussi : l’oscillococcinum, le remède homéopathique le plus vendu, le plus rentable, est vendu à la dilution 200 CH, c’est-à-dire dilué 10400 fois. C’est comme si vous aviez perdu un atome dans tout l’univers. Euh, non, ça c’est 40 CH. En fait, 10400 fois, c’est juste complètement absurde.

Et l’article, alors ?

Quand on lit cet article, sans être initié aux pratiques des homéopathes, on a un peu l’impression de tomber dans un autre monde, où « unicistes » et « complexistes » s’opposent, où les arguments anti-homéopathie sont utilisés pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché des remèdes homéopathiques, où personne, et tout le monde à la fois est dupe.

Mais avec un peu de pugnacité, on finit par comprendre ce qui agite le milieu des homéopathes.

Le problème des autorisations de mise sur le marché

Les homéopathes sont censés pouvoir utiliser quelques 5000 spécialités différentes, à diverses dilutions. Le problème, c’est qu’il faut déposer un dossier pour l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché pour chacune d’entre elle (et que les règles ont changé ces dernières années, ce qui impose de re-déposer un dossier pour chaque substance). Et cela coûte cher. Du coup, Boiron se concentre sur les remèdes les plus courants. Vous savez, les arnica montana, les oscillococcinum, stodal, ou autre mercurius solubilis. Un peu plus de 1000 spécialités. Mais les médecins homéopathes, eux, veulent avoir accès à la totalité des spécialités, au nom même du second grand principe de l’homéopathie, qui impose de s’adapter à l’ensemble des symptômes, de la personnalité, du patient. Je ne résiste pas au plaisir de rajouter que certaines spécialités ne sont pas disponibles en France, comme Carcinosinum, qui dérive d’extrait de biopsie de tumeurs du sein.

« Boiron, c’est le MacDo de l’homéopathie » (dixit un homéopathe)

Boiron ne veut plus produire certaines spécialités, qui ne se vendaient qu’à quelques centaines d’unité par an, et pour lesquelles les sommes engagées pour obtenir l’autorisation sont trop importantes pour une quelconque rentabilité. Le problème, c’est que les homéopathes peuvent les fabriquer, mais n’ont pas le droit de les vendre. Et Boiron, en situation de quasi-monopole ne laisse pas vraiment place à des concurrents en France. Les homéopathes doivent donc se fournir à l’étranger, ou faire leurs propres préparations. (Enfin, « doivent ». Compte tenu de ces histoires de dilutions, s’ils prenaient les petites billes de sucre, juste en écrivant le nom du remède dessus, ça marcherait « aussi bien » qu’en s’embêtant avec la dynamisation de Korsakov !!). En réduisant l’offre, les Laboratoires Boiron sont accusés de nuire à la véritable homéopathie. Ils se défenden justement en rappelant qu’ils ne sont pas une entreprise caritative, ce qui a le don d’irriter profondément les médecins homéopathes, forcément totalement désintéressés par l’argent…

Uniciste vs Complexiste

Mais Boiron va plus loin dans la trahison homéopathique. Franchissant allègrement une seconde fois la ligne rouge du principe d' »individualisation », l’entreprise propose de plus en plus des remèdes « tout-en-un » : Sedatif PC contient 6 spécialités différentes, Stodal en contient 9, etc… D’après l’école « pluraliste », ou « complexiste » (fomenté de toute pièce par les laboratoires Boiron d’après leurs adversaires), c’est efficace, et ça permet un accès plus direct aux remèdes homéopathiques. (C’est donc plus rentable pour les fabricants, tout le monde n’allant pas consulter un médecin homéopathe dès qu’il a un rhume). Les médecins homéopathes, les vrais, les durs, se réclament de la vraie école de l’homéopathie, l’école uniciste. Celle qui respecte le principe de l’individualisation. A chaque patient son propre cocktail de remèdes homéopathiques. Ces médecins, déjà trahis par Boiron qui réduit son offre par soucis de rentabilité, crient au scandale lorsqu’ils se rendent compte qu’une nouvelle génération d’homéopathes, formés PAR les laboratoires Boiron, arrive, et transgresse les principes fondamentaux de la discipline.

Bon, tout ça me fait plutôt rigoler. Sauf que si on transpose cette problématique (du rôle de l’industrie pharmaceutique) depuis l’homéopathie vers la médecine occidentale classique, je suis sûr qu’on retrouve les mêmes conflits…

 L’astuce des laboratoires Boiron pour les autorisations de mise sur le marché

Pour obtenir le précieux sésame d’autorisation de mise sur le marché (AMM), nul besoin de prouver l’efficacité du remède : il faut « juste » qu’il ne soit pas nocif. Et là, Boiron a un argument de choix : à partir de la dilution 12 CH, il n’y a plus une seule substance dans le produit final, DONC c’est forcément inoffensif ! Si si, c’est bien l’argumentaire de l’industriel. Oui, c’est bien l’argument INVERSE que sur l’efficacité de ces mêmes préparations (troisième principe de l’homéopathie, il faut suivre). Heureusement qu’il n’y a pas d’homéopathes à l’agence européenne des médicaments, ils auraient pu faire des difficultés ! 

Bref, Boiron essaie d’obtenir une AMM pour tous les remèdes homéopathiques, à partir du moment que leurs dilutions égalent ou dépassent 12 CH. De quoi satisfaire un peu plus les médecins homéopathes, et à coup sûr, de gagner plus d’argent. Affaire à suivre.

 

Ah, au fait, autres affaires à suivre : Boiron subit actuellement 2 procédures (des « Class Action » pour être plus précis) pour publicité mensongère par des associations canadiennes. Après en avoir perdue une aux USA. Avec l’arrivée des « Class Action » en France, faudrait peut-être qu’on s’y mette aussi, non ?

Les lycéennes, le wifi et le cresson

Cela pourrait être un titre amusant, s’il ne s’agissait pas d’une histoire pénible, où des jeunes lycéennes ont été érigées en scientifiques héroïques de la lutte contre les « ondes électromagnétiques », malgré un travail de niveau… lycée.

Pour vous faire une idée du tapage médiatique de ces derniers jours, allez voir  (atlantico.fr), ici (la libre belgique), ou encore, et plus raisonnable, ici (Slate.fr).

Un bon travail de lycée

L’expérience qui a été propulsée sur le devant de la scène est simple : faire pousser du cresson dans deux situations : exposé aux ondes émises par un routeur Wifi, et une situation témoin, non exposé. Les observations qu’elles ont fait montreraient que le wifi a une réelle influence néfaste sur la germination des graines de cresson (entre 10 % et 15 % de germination en moins pour l’assiette exposée).

Bien que ne connaissant pas réellement les objectifs pédagogiques de cet exercice, j’imagine volontiers qu’il s’agit d’une sorte de T.P.E. (Travaux Pratiques Encadrés) : il s’agit de faire un dossier, alimenté par quelques expériences, répondant à une problématique. Jury de cette épreuve qui compte pour le bac, j’ai ainsi eu un groupe qui a travaillé sur la gastronomie moléculaire, d’autres sur les paramètres qui influent sur la performance en vélo, et, entre autre, un groupe qui a travaillé sur l’influence du wifi (sans expérience, mais plein de références qu’il a fallu reprendre, des compte-rendu d’expériences sur des oeufs qui devaient au moins se transformer en dragon après avoir passer quelques minutes à côté d’un portable, etc..).

Pour ce travail, les lycéennes de 15 – 16 ans, puisqu’elles sont en  » 9b » (si j’ai bien compris if danois) ont respectés les exigences de cet exercice :

  • Elles ont fait des expériences (oui, certains groupes n’en ont pas fait du tout)
  • Elles ont écrit un dossier argumenté (et plutôt bien écrit, sinon elles n’auraient pas eu de prix)
  • Elles ont proposé des outils de vérification de leurs résultats, avec des expériences témoins.
  • Elles ont essayé de rendre reproductibles les paramètres qu’elles pouvaient maîtriser (arrosage, luminosité)

Pour ça, elles méritent une bonne note. Et elles ont bien fait de proposer leur dossier à un concours. Même s’il avait été sur un sujet beaucoup moins polémique, il aurait sans doute mérité de retenir l’attention du jury ! [Il existe aussi en France des concours pour récompenser les meilleurs TPE, comme celui des académies de Lyon et de Grenoble, associés avec l’ambassade des USA].

Ce qui est terrible, c’est qu’il a été pris pour autre chose que ce qu’il n’est : un travail de lycéen. Sham, camarade du c@fé des sciences, explique bien tous les (gros) biais de ce travail dans son billet « Cresson et Wifi, ne maltraitons pas la science« . Ce n’est pas étonnant, et ce n’est même pas critiquable ! Par contre, l’utilisation de cette expérience par certains scientifiques et par certains journalistes est une honte.

L’utilisation de ces résultats par des scientifiques est scandaleuse

Comment, des scientifiques « reconnus », du moins par ceux qui les ont nommés à des postes de chercheurs, ont pu présenter ces travaux comme pertinents ? On n’est pas face à des biologistes ou médecins qui ont mis au point des protocoles plus ou moins biaisés. On est face à des jeunes utilisés par des personnes malhonnêtes pour faire passer leurs idées, envers et malgré la science. Leurs expériences ne convainquent pas leurs pairs? Tant pis ! Grâce à ces étudiantes, le message va directement passer au grand public, comme allant de soi ! Ce charlatanisme est honteux. Et des jeunes vont être coincées dans un débat scientifique pour lequel elles ne sont pas armées. C’est même malsain.

Ce qui est malsain aussi, c’est de décrire des lycéens comme des grands scientifiques. Je ne dis pas qu’il n’existe pas ça et là quelques génies. Mais présenter ces travaux comme étant aussi pertinents, c’est dé-crédibiliser l’ensemble de la communauté scientifique, qui n’est pas capable de faire la même chose, malgré ses chercheurs bardés de diplômes et son matériel ultra-sophistiqué.

L’utilisation de ces résultats par des journalistes est scandaleuse

Mais peut-on parler de journalisme ici ? Comme l’explique Sham, les images présentées par Atlantico.fr et d’autres médias sont incomparables : il s’agit d’une image en début d’expérience (avant germination) et une autre après. Rien à voir avec la différence entre les différentes assiettes ! (différence qui est de l’ordre de 10 à 15 % !) Il s’agit purement de malhonnêteté intellectuelle. Et que dire de l’affirmation que « certaines graines auraient mutées » ? Ah ? Il y a eu des analyses génétiques ? On croît rêver ! C’est encore une fois, toute une profession qui est dé-crédibilisée. Quel dommage, lorsqu’on sait à quel point la science a besoin de journalistes pour exister, pour avancer de concert avec les évolutions sociétales, pour être un outil de la démocratie et non d’une oligarchie intellectuelle.

Bon, je m’enflamme ici. Alors, rendons hommage à un joli travail de lycéen, et apprenons dès l’enseignement secondaire aux étudiants ce qu’est la science, pleine de doute, de rigueur et de scepticisme.