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Gif de Science #2 Centipède géant contre souris

ATTENTION, CE GIF PEUT CHOQUER !

Voir des arthropodes attaquer des rongeurs, c’est toujours un moment… d’intense sensation. D’effroi même, en s’imaginant, solidarité mammalienne oblige, à la place de cette souris.

Ces centipèdes sont responsables de 11 % des admissions aux urgences à Hawaï, causant hypertension, attaques cardiaques, nécroses à l’endroit de la morsure, etc… Les chercheurs ont étudié son venin, en utilisant des souris (RIP les souris), et ont identifié dedans un peptide responsable de ses effets : il bloque certains canaux potassiques, agissant ainsi en perturbant le fonctionnement du système cardiovasculaire et respiratoire. L’avantage, c’est qu’ils ont également identifié un antidote, la régitabine, qui manquait à l’arsenal thérapeutique jusqu’à présent.

« Centipedes subdue giant prey by blocking KCNQ channels » Lei Luo et al. 

[Flash Info Chimie] #55 Comment les plantes émettent leurs parfums

Ah ! Le doux parfums des champs de lavande, des mimosas, … des pétunias ! Ces parfums sont simplement liés à l’émission de composés organiques volatiles (COV) par ces plantes.

Les COV, on connaît souvent leur mauvais côté. Nocif, irritant, cancérigènes, ils sont omniprésents, simplement parce que les objets qui nous entourent, par exemple réalisés à l’aide de solvants divers encore souvent présents, relarguent, petit à petit ces composés (on pourra par exemple consulter cette page, de l’ADEME). Mais les COV, sont également issus de la nature, et les végétaux en émettent par exemple pour attirer ou repousser les insectes, qu’ils soient pollinisateurs ou nuisibles.

Les humains ont sélectionné au fil des siècles, les fleurs les plus parfumées… En augmentant ainsi les COV qu’elles émettent ! Par contre, le mécanisme d’émission, lui, reste très mal connu. Et -ouf- on en arrive au sujet de ce Flash… Une équipe internationale a établi les bases de ce mécanisme dans un article paru en juin dans la revue Science.

Petunia hybrida (photo : Anneli Salo)

L’idée préconçue autour de cette émission de COV résidait jusqu’alors en un transport passif de ces composés jusqu’à la surface des feuilles / pétales / etc… des plantes. De là, ils pouvaient s’évaporer jusqu’à nos fosses nasales. Les auteurs montrent dans cette étude que les COV dans la plante Petunia Hybrida ont besoin d’un transporteur trans-membranaire, nommé PhABCG1, pour circuler depuis les cellules jusqu’aux extrémités de la plante. Lorsque ce transporteur est absent, les COV s’accumulent à des niveaux toxiques dans la plante. Même si cette étude n’a été réalisée que sur un seul végétal, il est très probable que ce mécanisme soit très général.

« Emission of volatile organic compounds from petunia flowers is facilitated by an ABC transporter » Adebesin et al., Science 356, 1386–1388 (2017)

[Flash Info Chimie] #52 Faire des origamis en chimie : Marquez le trait, chauffez… C’est plié !

Le Nafion est un polymère per-fluoré (où tous les atomes d’hydrogène ont été remplacés par des atomes de fluor) de la même famille que l’universellement connu Teflon. Mais ce polymère possède des chaînes latérales qui lui confèrent des propriétés acido-basiques intéressantes, exploitées notamment pour réaliser des membranes échangeuses de protons dans des piles à combustibles.

Nafion : en haut la chaîne principale, identique au Téflon. en dessous, une chaîne latérale, terminant par une fonction ‘acide sulfonique’, qui confère au polymère ses propriétés acido-basiques

Le Nafion possède également des propriétés physiques (résistance à la chaleur) et chimique (en dehors des réactions acide-base, il fait preuve d’une excellente inertie) qui en font un matériau particulièrement recherché en électrochimie.

Pourtant, à l’Université du Wisconsin, A. Oyefusi et J. Chen ont préféré se servir du Nafion pour faire des… pliages.

Le Nafion a en réalité une propriété supplémentaire : c’est un matériau à mémoire de forme : lorsqu’il est étiré, tordu, il peut retrouver sa forme initiale en étant simplement chauffé. Et c’est là que cela devient vraiment intéressant : la température nécessaire pour revenir à sa forme initiale n’est pas la même que le polymère ait été acidifié (noté en général Nafion-H, car il a gagné des ions H⁺) ou non. Le Nafion-H retrouve sa forme à partir d’environ 100 °C; le Nafion non acide à partir de 260 °C.

Les chercheurs ont donc utilisé une feuille de Nafion étirée, qu’ils ont tout d’abord trempé dans un bain de potasse diluée. Leur feuille a donc une forme stable jusqu’à 260 °C. Puis, ils ont « marqué les traits« , à l’aide d’une solution acide, pour obtenir des lignes de Nafion-H superficielles sur leur feuille. En chauffant entre 100 et 260°C, le Nafion-H s’est contracté, pliant ainsi la feuille entière suivant les traits, comme on peut le voir sur l’image précédente.

Magnifique, n’est-ce-pas ?  L’intérêt ne réside pas uniquement dans la structure 3D du Nafion obtenu : celui ci peut ensuite servir de moule pour d’autres matériaux… Pas mal, l’oiseau en nickel, non ?

Du pliage à l’oiseau en Nickel, obtenue par électrodéposition du métal sur un moule secondaire en PDMS réalisé à l’aide de l’oiseau en Nafion

 » Reprogrammable Chemical 3D Shaping for Origami, Kirigami, and Reconfigurable Molding » A. Oyefusi J.Chen Angewandte Chemie Int. Ed. 2017, Early View

[Flash Info Recherche] #2 Manger moins pour vivre plus…

Lorsqu’on donne à des souris 30 % de moins de nourriture que ce qu’elles auraient naturellement mangé, elles sont en meilleure santé, et vivent plus longtemps. Le bénéfice de cette restriction alimentaire est très partagée dans le monde animal. Le mécanisme biologique reste néanmoins mal connu, mais tout semble se passer comme si l’organisme subissait un « léger stress », qui activait des mécanismes de défense bénéfiques…

Exemple de souris n'ayant pas de restriction alimentaire...

Exemple de souris n’ayant pas de restriction alimentaire…

Chez l’humain néanmoins tout reste à démontrer :

  • Il n’est pas aisé de convertir ces fameux 30 % de moins que ad libitum
  • Une privation cause un ralentissement du métabolisme : vivre plus vieux, oui, mais si c’est pour fonctionner au ralenti…Aucune étude n’a été réalisée (à ma connaissance) sur des cohortes suivies sur des temps longs…

Cela n’enlève rien à l’intérêt scientifique que l’on peut porter à ce mécanisme. Dans une étude paru dans Nature, une équipe européenne a étudié l’effet de cette restriction alimentaire à des lignées de souris dont on avait supprimé un gène (Ercc1 pour une lignée, Ercc5 pour l’autre) qui permet à l’ADN d’être réparé par la cellule.

Les résultats sont spectaculaires : tant la moyenne que la médiane des durées de vie des rongeurs ont été multiplié par trois par ce régime (pour la première lignée, la médiane passe de 10-13 semaines à 35-39 semaines selon le sexe). D’autres marqueurs du vieillissement, en particulier les fonctions neurologiques, ont été également retardés par la restriction alimentaire.

Pour les auteurs, il serait intéressant de transposer ces résultats aux humains atteints de progeria, ces maladies génétiques qui causent des vieillissements prématurés, en raison de la déficience en certains gènes, comparables aux Ercc1 et Ercc5 chez la souris.

« Restricted diet delays accelerated ageing and genomic stress in DNA-repair-deficient mice » W.P. Vermeij et al. Nature 537,427–431

[Flash Info Recherche] #1 : Recherche pluridisciplinaire : valorisée, mais moins financée

J’écris des articles issus de l’actualité de la recherche, pour un mensuel bien connu, version française de « Scientific American ». Mais tous les sujets que je vois passer dans les grandes revues scientifiques ne sont pas abordés… Cette nouvelle catégorie, parallèle aux « Flash Info Chimie » sera donc là pour donner un instantané -court- de ces articles de recherche, souvent passionnant, qui se retrouvent néanmoins sous-médiatisés…

Comme partout dans le monde, la pluridisciplinarité est encouragée, valorisée en recherche. Et pourtant, les projets qui mêlent plusieurs disciplines scientifiques restent sous-financées. C’est la conclusion d’une étude parue dans Nature il y a quelques mois : En analysant les demandes et les attributions des financements de l’Australian Research Council, Lindell Bromham, Russell Dinnage et Xia Hua de l’Université Nationale d’Australie (Canberra), ont montré qu’un projet avait d’autant moins de chance d’être financé qu’il convoquait une équipe pluridisciplinaire (indépendamment de la discipline, du nombre de contributeur, de l’institution de rattachement)

 

En Abscisse : proportions des projets acceptés (en fonction de la discipline principale). En ordonnée, influence de la pluridisciplinarité. Si le point est sous la barre des zéros, la pluridisciplinarité affecte négativement les chances de financement.

En Abscisse : proportions des projets acceptés (en fonction de la discipline principale).
En ordonnée, influence de la pluridisciplinarité. Si le point est sous la barre des zéros, la pluridisciplinarité affecte négativement les chances de financement. (source)

La situation est-elle proprement australienne ? Lorsqu’on voit, en France, la difficulté pour les docteurs qui ont fait appel, lors de leurs travaux de thèses, à plusieurs disciplines, d’être qualifié pour le recrutement des Maîtres de Conférences dans une des sections CNU, on peut hélas imaginer que les instances de financement françaises, et probablement européennes, ne font pas mieux que leur homologue australienne.

« Interdisciplinary research has consistently lower funding success » Lindell Bromham, Russell Dinnage & Xia Hua Nature 534,684–687(30 June 2016) doi:10.1038/nature18315

[Flash Info Chimie] #49 Du Curium « naturel » détecté !

On l’oublie trop souvent, mais tous les éléments chimiques qui composent la Terre ont été synthétisés bien avant l’apparition de notre propre soleil. Dès le Big Bang et les quelques minutes qui ont suivi pour les plus légers (l’hydrogène, hélium, lithium), durant la vie d’étoiles anciennes, ou lors de leur explosion en supernovas pour les autres.

On a coutume de dire que l’élément le plus lourd sur Terre est l’Uranium. 92 protons, plus de 140 neutrons, c’est un gros noyau comparé au carbone (6 protons, 6 neutrons) ou à l’oxygène (8 protons, 8 neutrons). Pourtant, il existe à l’état de trace du Plutonium, synthétisé par l’action de particules alpha sur d’autres noyaux. Néanmoins, la période radioactive* de l’isotope le plus stable de cet élément, de quelques 80 millions d’année, est trop courte pour qu’une accumulation naturelle de plutonium aie lieu. (à titre de comparaison, l’isotope le plus stable de l’Uranium a une période radioactive de 4,5 milliards d’année, soit approximativement l’âge du système solaire). Heureusement que l’humain en synthétise en quantité relativement importante pour des utilisations militaires et civiles (500 tonnes en 70 ans)…

Les différents types de processus de nucléosynthèse n’ont pas encore révélés tous leurs secrets, surtout en ce qui concerne les éléments les plus lourds. On ne sait pas jusqu’à quel point les évènements ultra-violents qui se produisent dans l’univers (comme les supernovas) sont capables de produire les éléments plus lourds que l’uranium.

Alors que le plutonium (94 protons) est présenté comme l’élément le plus lourd non synthétisé par l’homme, des physiciens de l’Université de Chicago viennent de démontrer que du Curium 247 (96 protons, 151 neutrons) a bel et bien été synthétisé « naturellement » dans l’Univers (1).

curium

Pour cela, ils ont étudié la composition de grains de matière issus de la météorite d’Allende. Celle-ci a l’énorme avantage d’être grosse (2 tonnes) et tombée très récemment sur Terre (en 1969). S’étant formé lors de la formation du système solaire, elle a permis en particulier, d’en déterminer précisément l’âge. Ici, les chercheurs ont étudié les différents rapports entre les quantités de métaux lourds présents dans une série de petits grains issus de cette météorite (ici, entre le Néodyme 144 et l’uranium 238). En effet, un élément ultra-lourd peut avoir disparu, il laisse néanmoins une « signature » par les quantités et les ratios entre éléments plus légers qu’il a formé par désintégration radioactive. Un des grains étudiés, nommé « Curious Marie » (ne me demandez pas pourquoi !) présente justement un ratio Néodyme/Uranium très différent des autres. Après avoir éliminé toutes les causes possibles de contamination, d’erreurs de manipulation et de mesure, et en accord avec les modèles de nucléosynthèse, les chercheurs ont annoncé que ce ratio ne pouvait trouver une explication que dans la désintégration du Curium 247, ce qui constitue une preuve définitive de l’existence (passée du moins) de curium 247.

Alors, quel sera le prochain élément hyper-lourd à être découvert ?

 

*Un petit rappel : la période radioactive, c’est le temps qu’il faut pour qu’un échantillon perde la moitié de sa radioactivité. En 80 millions d’années, la radioactivité d’un échantillon de plutonium aura été divisée par deux, et au bout de 80 millions d’années supplémentaires, par 4.

(1) « Origin of uranium isotope variations in early solar nebula condensates » F.L.H. Tissot, N. Dauphas, L. Grossman Sci. Adv. 2016; 2 : e1501400

[Flash Info Chimie] #48 Une application Android pour tester la fraîcheur de sa bière

La bière, ça se boit frais. Mal conservée, elle devient amère, voire totalement imbuvable… La faute en partie au fameux « Skunky Thiol » (le « thiol puant ») dont j’ai déjà parlé ici (dont la formation est liée à des réactions photochimiques) mais aussi à tout un tas de réactions d’oxydation, dégradant petit à petit les chers arômes (pour plus de détail, on pourra voir cette publication). Mais les chimistes ont la solution : voici l’application Android « Furfural Detector », développée par une équipe de l’Université de Madrid !

Le furfural, c’est un peu le composé témoin du vieillissement de la bière, sans être réellement impliqué dans la dégradation de son goût. Sa concentration dans une bière fraîche est aux alentours de 10 à 30 µg par litre. Et elle augmente rapidement, atteignant 500 µg/L en 6 mois pour une blonde mal conservée à 25°C.

Bref, il est INDISPENSABLE de connaître sa concentration avant de goûter au « demi » en terrasse cet été. Ou surtout lorsqu’on veut monter sa propre micro-brasserie ou faire sa bière soi-même (on trouve tout le matériel en ligne, ici par exemple): lors du brassage, des quantités de dioxygène plus ou moins importantes suivant les pratiques peuvent être dissoutes dans la bière, ce qui accroît le risque de mauvaise conservation. On peut aussi y ajouter des fameux « conservateurs », qui sont là pour s’oxyder à la place des molécules qui donnent le goût, et ainsi les préserver… Bref, il est nécessaire de pouvoir vérifier si la bière « maison » que l’on souhaite boire/conserver/commercialiser se conserve correctement, et la concentration en furfural en est un très bon indicateur.

Une équipe madrilène a donc pris le problème à bras-le-corps. En fait, le furfural peut facilement réagir avec des « amines aromatiques » (comme l’aniline) en milieu acide pour donner des composés colorés.

A gauche, le furfural, réagissant avec deux amines aromatiques ( Ar-NH2), donnant les composés colorés à droite

A gauche, le furfural, réagissant avec deux amines aromatiques (« Ar-NH2 »), donnant le composé coloré à droite

En immobilisant des amines de ce type dans un polymère, ils ont ainsi obtenu un matériau qui change de couleur en fonction de la concentration de furfural. En immergeant des pastilles (de quelques mm de diamètre) de ce polymère dans la bière, et en réalisant une lecture optique à l’aide de l’appareil photo d’un smartphone équipé de l’application « Furfural Detector », téléchargeable à cette adresse, ils ont ainsi pu mesurer directement la quantité de furfural, et donc la qualité de la bière… Ils ne sont pas trop forts, ces chimistes !!

Couleur de la pastille de polymère en fonction de la concentration en furfural dans l'échantillon

Couleur de la pastille de polymère en fonction de la concentration en furfural dans l’échantillon

« Furfural Determination with Disposable Polymer Films and Smartphone-Based Colorimetry for Beer Freshness Assessment » Alberto Rico-Yuste et al. Anal. Chem. 2016, Article ASAP

[Flash Info Chimie] #43 Amplification de la chiralité par une surface achirale

La plupart des molécules du vivant pourraient exister sous deux formes appelées énantiomères : images l’une de l’autre dans un miroir, elles sont néanmoins bien distinctes, à la manière de nos mains gauche et droite que l’on ne peut pas superposer. C’est ce qu’on appelle la chiralité (de χείρ, la « main », en grec). Pourtant, dans la plupart des cas, un seul des deux énantiomères existe dans la nature, sans qu’on en sache encore clairement la raison. Des pistes très sérieuses pour résoudre ce problème de l’homochiralité de la nature existent, mais proposent uniquement de très légers excès d’une forme sur l’autre. Reste le sous-problème de l’amplification de la chiralité, que l’on peut présenter schématiquement comme cela : comment passer d’un rapport de 50,0001 /49,9999 entre les deux énantiomères à un rapport 99,9999 /0,00001 ?

Dans un article paru dans Nature Chemistry, des chimistes ont montré que des surfaces achirales (c’est-à-dire qu’elles sont superposables à leur image dans un miroir) peuvent servir d’amplificateur de chiralité. En clair, ils ont exposé une surface de cuivre à un mélange gazeux d’acide L-aspartique et d’acide D-aspartique (les deux énantiomères de … l’acide aspartique). Lorsque le mélange gazeux était de 50 % pour les deux formes, cette proportion ce retrouvait de façon identique adsorbée sur le cuivre. Mais pour un mélange gazeux 2 / 1, ils ont obtenu une proportion de 16 / 1 adsorbée.

Les modélisations réalisées montrent que l’élément déterminant dans cette amplification réside en la formation de clusters homochiraux d’une dizaine de molécule d’acide aspartique à la surface du cuivre (clusters = regroupement de quelques unités de molécules), c’est-à-dire des clusters qui ne contiennent qu’une seule des deux formes énantiomères possible.

« Adsorption-induced auto-amplification of enantiomeric excess on an achiral surface » Yongju Yun and Andrew J. Gellman, Nature Chemistry 2015