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[Flash Info Chimie] #55 Comment les plantes émettent leurs parfums

Ah ! Le doux parfums des champs de lavande, des mimosas, … des pétunias ! Ces parfums sont simplement liés à l’émission de composés organiques volatiles (COV) par ces plantes.

Les COV, on connaît souvent leur mauvais côté. Nocif, irritant, cancérigènes, ils sont omniprésents, simplement parce que les objets qui nous entourent, par exemple réalisés à l’aide de solvants divers encore souvent présents, relarguent, petit à petit ces composés (on pourra par exemple consulter cette page, de l’ADEME). Mais les COV, sont également issus de la nature, et les végétaux en émettent par exemple pour attirer ou repousser les insectes, qu’ils soient pollinisateurs ou nuisibles.

Les humains ont sélectionné au fil des siècles, les fleurs les plus parfumées… En augmentant ainsi les COV qu’elles émettent ! Par contre, le mécanisme d’émission, lui, reste très mal connu. Et -ouf- on en arrive au sujet de ce Flash… Une équipe internationale a établi les bases de ce mécanisme dans un article paru en juin dans la revue Science.

Petunia hybrida (photo : Anneli Salo)

L’idée préconçue autour de cette émission de COV résidait jusqu’alors en un transport passif de ces composés jusqu’à la surface des feuilles / pétales / etc… des plantes. De là, ils pouvaient s’évaporer jusqu’à nos fosses nasales. Les auteurs montrent dans cette étude que les COV dans la plante Petunia Hybrida ont besoin d’un transporteur trans-membranaire, nommé PhABCG1, pour circuler depuis les cellules jusqu’aux extrémités de la plante. Lorsque ce transporteur est absent, les COV s’accumulent à des niveaux toxiques dans la plante. Même si cette étude n’a été réalisée que sur un seul végétal, il est très probable que ce mécanisme soit très général.

« Emission of volatile organic compounds from petunia flowers is facilitated by an ABC transporter » Adebesin et al., Science 356, 1386–1388 (2017)

[Flash Info Chimie] #54 Aquaporines artificielles en nanotube de carbone

Parmi les transporteurs transmembranaires, ces protéines en forme de tunnel qui permettent à des espèces chimiques de traverser les membranes des cellules, les aquaporines, découvertes en 1992, ont pour rôle de faire circuler sélectivement l’eau, mais sans les ions qui sont dissout dedans. Grâce à une structure qui ressemble à un sablier, les molécules d’eau sont contraintes de circuler les unes à la suite des autres dans le transporteur. Peter Agre et Roderick MacKinnon ont reçu le prix Nobel de Chimie en 2003 pour leur découverte, et l’élucidation de leur structure.

Vidéo disponible en téléchargement ici sur le site officiel des Prix Nobel. Dans cette modélisation, suivez la molécule d’eau colorée en jaune circuler dans l’aquaporine.

Ce type de composé intéresse beaucoup les chimistes pour la fabrication de membranes sélectives, ne laissant passer qu’une sorte de composé, qu’un seul ion, qu’un seul solvant. Les applications sont nombreuses, tant de le domaine énergétique (les batteries haute performance nécessitent de telles membranes), que dans celui de la dépollution, de la dessalinisation de l’eau de mer, etc…

Bon, venons-en au point qui nous intéresse… Qu’est-ce qui est nanométrique, long, creux, et qui fait fantasmer les chimistes ? Les nanotubes de carbone, évidemment !

Jusqu’à présent, l’utilisation de nanotubes de carbone comme transporteurs transmembranaires sélectifs d’eau a été décevante, les ions circulants assez librement à travers. L’idée de l’équipe de scientifiques californiens, menés par Ramya H. Tunuguntla, a été de réduire le diamètre intérieur de nanotubes, en passant de 1,5 nm de diamètre pour les études précédentes à 0,8 nm.
Avec une telle finesse les molécules d’eau sont contraintes, comme pour les aquaporines naturelles, de se mettre en file indienne, plutôt qu’avancer en groupe plus large. Mais grâce aux propriétés hydrophobiques des nanotubes, il existe très peu d’interaction entre les murs du tube, et les molécules d’eau.

à gauche : dans un nanotube large (~ 1,5 nm de diamètre intérieur) les molécules d’eau circulent, reliées entre elles par des liaisons intermoléculaires, en groupe qui occupe tout l’espace. à droite, dans les nanotubes plus fins (~ 0,8 nm) les molécules sont en file indienne, également liées par des interaction intermoléculaires (tiré de l’article de Tunuguntla et al.)

Contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer initialement, l’eau circule dix plus vite dans ces nanotubes plus fins que dans ceux plus larges, en raison de cette disposition en file indienne. La vitesse (de 10¹⁰ à 10¹¹ molécules par seconde selon le pH) est également plus grande que dans les aquaporines naturelles, dont les parois internes forment ponctuellement des liaisons intermoléculaires avec les molécules d’eau, ralentissant ainsi leur progression.

La sélectivité ionique est également grandement augmentée : globalement, les anions (ions chargés négativement) ne passent pas, au contraire des cations (chargés positivement), jusqu’à des concentrations plus élevées que celle de l’eau de mer. Pour la désalinisation, cela pourrait éventuellement suffire : les anions et cations se baladant toujours ensemble (or exception causée par exemple par une tension électrique), si l’un des deux ne peut passer, l’autre ne passera pas non plus.

Reste encore beaucoup de travaux avant d’utiliser ces dispositifs pour du véritable dessalement ou de la purification d’eau ou d’ions à grande échelle… Il est cependant tout à fait intéressant de voir que des nanotechnologies pourraient dans le futur faire partie de solutions de dépollution / dessalement dans des installations de taille industrielles.

« Enhanced water permeability and tunable ion selectivity in subnanometer carbon nanotube porins » Tunuguntla et al., Science 357, 792–796 (2017)

A signaler, sur l’intérêt des nanotubes de carbone : nanogénérateurs hydroélectriques sur Pour La Science

[Flash Info Chimie] #53 Un vieux médicament contre l’asthme, prometteur contre la maladie de Parkinson

La maladie de Parkinson, comme d’autres maladies neurodégénératives, se manifeste par la formation d’agrégats anormaux de protéines dans les cellules du système nerveux, appelés dans ce cas « Corps de Lowy« .

Allure caractéristique d’une personne atteinte de la maladie de Parkinson (Sir William Richard Gowers, 1886)

Les axes actuels de développement de traitements consistent en l’élimination de α-synucléine, la protéine qui constitue majoritairement ces corps de Lowy, ou en le blocage de sa transformation en composés neuro-toxique.

Dans une publication dans la revue Science, Shuchi Mittal et ses collègues proposent une démarche différente pour l’identification de substances actives contre ces corps de Lowy, et donc, contre la maladie de Parkinson : ils ont cherché à identifier, parmi plus de mille composés déjà connus, ceux qui inhibent l’expression du gène codant pour l’α-synucléine (appelé SNCA).

Leurs résultats a été surprenant : les meilleurs inhibiteurs de l’expression du gène SNCA font partie de la classe bien connue des agonistes de β2-adrenorecepteur (β2-AR). Non seulement ils ont identifié clairement un nouveau rôle des β2-AR, (qui régulent donc l’expression du SNCA)  mais ils ouvrent également la voie à un traitement médicamenteux.

Bon, la « classe bien connue des agonistes de β2-AR », c’est un peu abusif de ma part. Je ne la connaissais pas, cette classe, pas plus que je ne connaissais ces β2-AR… Pourtant, des composés classiques en font partie, dont le salbutamol  (Vous savez, la fameuse « Ventoline® ») ou le clenbuterol, ce stéroïde anabolisant tant utilisé en dopage sportif ! On connaît également des antagonistes de β2-AR, comme le propanolol le premier bêta-bloquant découvert.

Les scientifiques ont donc vérifié, avec succès, sur modèle cellulaire (sur des lignées cellulaires humaines parkinsonienne) puis sur modèle animal (chez des lignées de souris parkinsonienne) que les deux agonistes de β2-AR diminuaient les quantités d’α-synucléine, dans les cellules, mais aussi prolongeaient leur durée de vie.

Et chez l’humain alors ?

S’il est, d’habitude, délicat de mesurer l’effet d’une substance chez l’humain, sans passer par la case « essai clinique », les chercheurs ont pu se baser dans cette étude sur des données de la « Norwegian Prescription Database », qui met à la disposition des scientifiques les données sur les prescriptions médicales de tous les norvégiens depuis 2004. Grâce à cet énorme corpus, ils ont pu comparer la survenue de la maladie de Parkinson chez les patients prenant régulièrement du salbutamol, du propanolol, ou ni l’un ni l’autre.

Les résultats sont parlants: le salbutamol a bel et bien un effet protecteur vis-à-vis de la survenue de la maladie de Parkinson, et le propanolol favorise l’apparition de la maladie.
Le groupe, qui a pris au moins une fois du propanolol a environ deux fois plus de cas de maladie de Parkinson qu’attendu.
Celui qui a pris au moins une fois du salbutamol a 40 % de cas en moins qu’attendu. Dans ce cas, les chercheurs ont séparé ce groupe en trois, en fonction de la quantité prescrite : Pour les plus gros utilisateurs (plus de 180 doses journalières prescrites en 4 ans), la survenue de la maladie de Parkinson a été divisée par deux. Pour les utilisateurs les plus occasionnels (moins de 60 doses en 4 ans), la diminution est anecdotique.

Compte tenu des effets secondaires du salbutamol, ou encore du clenbuterol, leur avantage thérapeutique en action préventive n’est clairement pas démontré. Néanmoins, les premiers essais in vitro indiquent qu’ils pourraient ouvrir la voie vers la mise au point de traitements curatifs chez des patients ayant déjà développé la maladie.

 

[Flash Info Chimie] #52 Faire des origamis en chimie : Marquez le trait, chauffez… C’est plié !

Le Nafion est un polymère per-fluoré (où tous les atomes d’hydrogène ont été remplacés par des atomes de fluor) de la même famille que l’universellement connu Teflon. Mais ce polymère possède des chaînes latérales qui lui confèrent des propriétés acido-basiques intéressantes, exploitées notamment pour réaliser des membranes échangeuses de protons dans des piles à combustibles.

Nafion : en haut la chaîne principale, identique au Téflon. en dessous, une chaîne latérale, terminant par une fonction ‘acide sulfonique’, qui confère au polymère ses propriétés acido-basiques

Le Nafion possède également des propriétés physiques (résistance à la chaleur) et chimique (en dehors des réactions acide-base, il fait preuve d’une excellente inertie) qui en font un matériau particulièrement recherché en électrochimie.

Pourtant, à l’Université du Wisconsin, A. Oyefusi et J. Chen ont préféré se servir du Nafion pour faire des… pliages.

Le Nafion a en réalité une propriété supplémentaire : c’est un matériau à mémoire de forme : lorsqu’il est étiré, tordu, il peut retrouver sa forme initiale en étant simplement chauffé. Et c’est là que cela devient vraiment intéressant : la température nécessaire pour revenir à sa forme initiale n’est pas la même que le polymère ait été acidifié (noté en général Nafion-H, car il a gagné des ions H⁺) ou non. Le Nafion-H retrouve sa forme à partir d’environ 100 °C; le Nafion non acide à partir de 260 °C.

Les chercheurs ont donc utilisé une feuille de Nafion étirée, qu’ils ont tout d’abord trempé dans un bain de potasse diluée. Leur feuille a donc une forme stable jusqu’à 260 °C. Puis, ils ont « marqué les traits« , à l’aide d’une solution acide, pour obtenir des lignes de Nafion-H superficielles sur leur feuille. En chauffant entre 100 et 260°C, le Nafion-H s’est contracté, pliant ainsi la feuille entière suivant les traits, comme on peut le voir sur l’image précédente.

Magnifique, n’est-ce-pas ?  L’intérêt ne réside pas uniquement dans la structure 3D du Nafion obtenu : celui ci peut ensuite servir de moule pour d’autres matériaux… Pas mal, l’oiseau en nickel, non ?

Du pliage à l’oiseau en Nickel, obtenue par électrodéposition du métal sur un moule secondaire en PDMS réalisé à l’aide de l’oiseau en Nafion

 » Reprogrammable Chemical 3D Shaping for Origami, Kirigami, and Reconfigurable Molding » A. Oyefusi J.Chen Angewandte Chemie Int. Ed. 2017, Early View

[Flash Info Chimie] #51 : métalloprotéine : un autre métal, pour d’autres applications

Les métalloprotéines sont des protéines qui contiennent un, ou plusieurs ions métalliques. Même si le nom est moins connus que « protéine » toute seule, elles sont très répandues : l’hémoglobine, par exemple, est une métalloprotéine dont la fonction est de transporter l’oxygène dans le sang. Dans ce cas, c’est un ion de Fer qui se trouve au centre de la protéine, et qui se lie à la molécule de dioxygène pour la fixer. La vitamine B12 s’organise autour d’un ion Cobalt, et est indispensable au bon fonctionnement du système nerveux. Les nitrogénases permettent à certaines bactéries de fixer l’azote atmosphérique : le diazote N2 est réduit en ammoniac NH3 grâce à ces métalloprotéines qui contiennent du molybdène et du fer. Dans la nature, le nombre de métaux impliqués est restreint : il n’y a pas grand chose à part le fer, le cuivre, le zinc, le calcium, le magnésium, le cobalt, le molybdène, le tungstène, le vanadium. Pourtant, la plupart de ces métaux ont des propriétés chimiques assez pauvres, comparées aux métaux nobles utilisés en catalyse en laboratoire (iridium, platine, palladium) : c’est l’environnement de l’ion métallique dans les métalloprotéines qui les rend actif.

Des chimistes ont eu l’idée « simple » de synthétiser des métalloprotéines artificielles, contenant, à la place des métaux « pauvres » par des métaux « nobles ». Et cela marche ! En utilisant de l’iridium à la place du fer dans des myoglobines, ils ont pu catalyser des réactions complexes en chimie organique, avec de très bon résultats.

Le DFFZ désigne la métalloprotéine

Le [M]-Myo désigne la métalloprotéine

A noter tout de même qu’un important travail de mise au point de la myoglobine a été nécessaire : la métalloprotéine la plus efficace contient non seulement de l’iridium et non du fer, mais présente également plusieurs mutations pour en augmenter son efficacité.

Pour les amateurs, la meilleure métalloprotéine a permis d’obtenir le composé 2 avec un rendement quasi quantitatif, un excès énantiomérique de 80 %, et un TON supérieur à 100. 

« Abiological catalysis by artificial haem proteins containing noble metals in place of iron » Hanna M. Key, Paweł Dydio, Douglas S. Clark & John F. Hartwig Nature 534,534–537(23 June 2016)

[Flash Info Chimie] #50 Production solaire bio-inspirée d’ammoniac

La synthèse de l’ammoniac à partir du diazote atmosphérique, c’est un peu la star de l’industrie chimique. Des tonnages formidable (136.5 millions de tonne en 2012), qui alimentent l’industrie des engrais, des polymères, des explosifs… Pourtant, c’est toujours le même procédé Haber-Bosch, mis au point au début du XXe siècle, qui est utilisé. Très gourmand en énergie, il utilise 1 à 2 % de l’énergie électrique, et 3 à 5 % du gaz naturel mondial : 500°C, 200 bars de pression sont nécessaires pour que la réaction ait lieu correctement, et il faut compter l’énergie dépensée pour la synthèse du dihydrogène, l’autre réactif !

N_{2}+3H_{2} \longrightarrow 2NH_{3}

D’un autre côté, il y a des organismes qui synthétisent de l’ammoniac (ou des produits dérivés) à partir du diazote, dans des conditions moins drastiques. Il s’agit de procaryotes, qui, souvent, vivent en symbiose avec des végétaux, qui leur apporte l’énergie nécessaire en échange de ce fertilisant. Dans ces organismes, c’est le complexe protéinique « nitrogénase » qui permet la fixation de l’azote, à température, et à pression ambiante.

A quelques jours près, deux équipes ont présenté des systèmes, inspirés par les nitrogénases, permettant de réaliser la synthèse de l’ammoniac, à température et pression ambiante. Dont l’énergie provient simplement de la lumière visible.

La première, parue dans PNAS, consiste en un « chalcogel » à base de clusters de sulfure de fer (avec présence éventuelle de Molybdène).

Un chalcogel, c’est un aérogel, c’est-à-dire un matériau de densité extrêmement faible, qui contient des éléments chimiques de la famille des chalcogènes (Oxygène, Soufre, Sélénium, etc…).

Exemple d’aérogel (de silice ici. Source : wikipédia)

L’avantage de ces chalcogels, c’est qu’ils présentent une immense surface active, permettant une adsorption du diazote très efficace. En irradiant avec de la lumière ainsi des chalcogels contenant des clusters de sulfure de fer-molybdène, et/ou simplement sulfure de fer, en présence de diazote, à pression et température ambiante, les chercheurs ont pu synthétiser de l’ammoniac. Vous me direz, on est loin des nitrogénases… Pas tant que ça, en réalité : ce type de cluster Fer-Molybdène-Soufre est inspiré directement de ceux qui se trouvent au cœur de ces protéines :

Cluster Fe-Mo-S de la nitrogénase By Smokefoot - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=37239342

Cluster Mo-Fe de la nitrogénase (Smokefoot – Own work, CC BY-SA 4.0)

 

 

Pourquoi « s’inspirer » des nitrogénases lorsqu’on peut directement les utiliser telles quelles ? C’est la base de la seconde publication, dans Science : Cette fois, les chimistes ont simplement fixé la sous-unité qui contient le cluster Fe-Mo directement sur des nanostructures de sulfure de Cadmium. Ces nanostructures captent l’énergie lumineuse, la transfère efficacement à la sous-unité de la nitrogénase, qui réalise la transformation du diazote en ammoniac.

En haut, le fonctionnement "normal" de la nitrogénase, avec une première sous-unité 'Fe Protein' qui capte et transfère l'énergie, et la seconde 'MoFe Protein' qui transforme le diazote. En bas, la première unité est remplacée par une nanostructure de CdS (source)

En haut, le fonctionnement « normal » de la nitrogénase, avec une première sous-unité ‘Fe Protein’ qui capte (sous forme d’ATP) et transfère l’énergie, et la seconde ‘MoFe Protein’ qui transforme le diazote. En bas, la première unité est remplacée par une nanostructure de CdS qui capte… de la lumière (source)

 

Bon, je n’ai pas parlé de rendements ici. Parce qu’évidemment, ils sont faibles, voire à peine mentionnés dans les publications. Mais les deux démarches sont intéressantes et le fait même d’avoir obtenu de l’ammoniac à température et pression normale, contournant les obstacles énergétiques, représente une belle avancée dans les deux cas.

« Nitrogenase-mimic iron-containing chalcogels for photochemical reduction of dinitrogen to ammonia » Jian Liu et al. PNAS 2016, 113, 55305535

« Light-driven dinitrogen reduction catalyzed by a CdS:nitrogenase MoFe protein biohybrid » Katherine A. Brown et al. Science 2016352 pp. 448-450

[Flash Info Chimie] #49 Du Curium « naturel » détecté !

On l’oublie trop souvent, mais tous les éléments chimiques qui composent la Terre ont été synthétisés bien avant l’apparition de notre propre soleil. Dès le Big Bang et les quelques minutes qui ont suivi pour les plus légers (l’hydrogène, hélium, lithium), durant la vie d’étoiles anciennes, ou lors de leur explosion en supernovas pour les autres.

On a coutume de dire que l’élément le plus lourd sur Terre est l’Uranium. 92 protons, plus de 140 neutrons, c’est un gros noyau comparé au carbone (6 protons, 6 neutrons) ou à l’oxygène (8 protons, 8 neutrons). Pourtant, il existe à l’état de trace du Plutonium, synthétisé par l’action de particules alpha sur d’autres noyaux. Néanmoins, la période radioactive* de l’isotope le plus stable de cet élément, de quelques 80 millions d’année, est trop courte pour qu’une accumulation naturelle de plutonium aie lieu. (à titre de comparaison, l’isotope le plus stable de l’Uranium a une période radioactive de 4,5 milliards d’année, soit approximativement l’âge du système solaire). Heureusement que l’humain en synthétise en quantité relativement importante pour des utilisations militaires et civiles (500 tonnes en 70 ans)…

Les différents types de processus de nucléosynthèse n’ont pas encore révélés tous leurs secrets, surtout en ce qui concerne les éléments les plus lourds. On ne sait pas jusqu’à quel point les évènements ultra-violents qui se produisent dans l’univers (comme les supernovas) sont capables de produire les éléments plus lourds que l’uranium.

Alors que le plutonium (94 protons) est présenté comme l’élément le plus lourd non synthétisé par l’homme, des physiciens de l’Université de Chicago viennent de démontrer que du Curium 247 (96 protons, 151 neutrons) a bel et bien été synthétisé « naturellement » dans l’Univers (1).

curium

Pour cela, ils ont étudié la composition de grains de matière issus de la météorite d’Allende. Celle-ci a l’énorme avantage d’être grosse (2 tonnes) et tombée très récemment sur Terre (en 1969). S’étant formé lors de la formation du système solaire, elle a permis en particulier, d’en déterminer précisément l’âge. Ici, les chercheurs ont étudié les différents rapports entre les quantités de métaux lourds présents dans une série de petits grains issus de cette météorite (ici, entre le Néodyme 144 et l’uranium 238). En effet, un élément ultra-lourd peut avoir disparu, il laisse néanmoins une « signature » par les quantités et les ratios entre éléments plus légers qu’il a formé par désintégration radioactive. Un des grains étudiés, nommé « Curious Marie » (ne me demandez pas pourquoi !) présente justement un ratio Néodyme/Uranium très différent des autres. Après avoir éliminé toutes les causes possibles de contamination, d’erreurs de manipulation et de mesure, et en accord avec les modèles de nucléosynthèse, les chercheurs ont annoncé que ce ratio ne pouvait trouver une explication que dans la désintégration du Curium 247, ce qui constitue une preuve définitive de l’existence (passée du moins) de curium 247.

Alors, quel sera le prochain élément hyper-lourd à être découvert ?

 

*Un petit rappel : la période radioactive, c’est le temps qu’il faut pour qu’un échantillon perde la moitié de sa radioactivité. En 80 millions d’années, la radioactivité d’un échantillon de plutonium aura été divisée par deux, et au bout de 80 millions d’années supplémentaires, par 4.

(1) « Origin of uranium isotope variations in early solar nebula condensates » F.L.H. Tissot, N. Dauphas, L. Grossman Sci. Adv. 2016; 2 : e1501400

[Flash Info Chimie] #48 Une application Android pour tester la fraîcheur de sa bière

La bière, ça se boit frais. Mal conservée, elle devient amère, voire totalement imbuvable… La faute en partie au fameux « Skunky Thiol » (le « thiol puant ») dont j’ai déjà parlé ici (dont la formation est liée à des réactions photochimiques) mais aussi à tout un tas de réactions d’oxydation, dégradant petit à petit les chers arômes (pour plus de détail, on pourra voir cette publication). Mais les chimistes ont la solution : voici l’application Android « Furfural Detector », développée par une équipe de l’Université de Madrid !

Le furfural, c’est un peu le composé témoin du vieillissement de la bière, sans être réellement impliqué dans la dégradation de son goût. Sa concentration dans une bière fraîche est aux alentours de 10 à 30 µg par litre. Et elle augmente rapidement, atteignant 500 µg/L en 6 mois pour une blonde mal conservée à 25°C.

Bref, il est INDISPENSABLE de connaître sa concentration avant de goûter au « demi » en terrasse cet été. Ou surtout lorsqu’on veut monter sa propre micro-brasserie ou faire sa bière soi-même (on trouve tout le matériel en ligne, ici par exemple): lors du brassage, des quantités de dioxygène plus ou moins importantes suivant les pratiques peuvent être dissoutes dans la bière, ce qui accroît le risque de mauvaise conservation. On peut aussi y ajouter des fameux « conservateurs », qui sont là pour s’oxyder à la place des molécules qui donnent le goût, et ainsi les préserver… Bref, il est nécessaire de pouvoir vérifier si la bière « maison » que l’on souhaite boire/conserver/commercialiser se conserve correctement, et la concentration en furfural en est un très bon indicateur.

Une équipe madrilène a donc pris le problème à bras-le-corps. En fait, le furfural peut facilement réagir avec des « amines aromatiques » (comme l’aniline) en milieu acide pour donner des composés colorés.

A gauche, le furfural, réagissant avec deux amines aromatiques ( Ar-NH2), donnant les composés colorés à droite

A gauche, le furfural, réagissant avec deux amines aromatiques (« Ar-NH2 »), donnant le composé coloré à droite

En immobilisant des amines de ce type dans un polymère, ils ont ainsi obtenu un matériau qui change de couleur en fonction de la concentration de furfural. En immergeant des pastilles (de quelques mm de diamètre) de ce polymère dans la bière, et en réalisant une lecture optique à l’aide de l’appareil photo d’un smartphone équipé de l’application « Furfural Detector », téléchargeable à cette adresse, ils ont ainsi pu mesurer directement la quantité de furfural, et donc la qualité de la bière… Ils ne sont pas trop forts, ces chimistes !!

Couleur de la pastille de polymère en fonction de la concentration en furfural dans l'échantillon

Couleur de la pastille de polymère en fonction de la concentration en furfural dans l’échantillon

« Furfural Determination with Disposable Polymer Films and Smartphone-Based Colorimetry for Beer Freshness Assessment » Alberto Rico-Yuste et al. Anal. Chem. 2016, Article ASAP